La Presse Bisontine 128 - Janvier 2012

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 128 - Janvier 2012

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La personnalité de l’accusé. L’expertise psychiatrique a évoqué “l’existence de traits psychologiques de type déséquilibre psychique avec un échec scolaire, un goût de l’effort peu prononcé et des facultés de raisonne- ment quelque peu atrophiées au profit de la vie affective.” Murad n’était pas aumoment des faits atteint d’un trouble psychique ayant aboli son discerne- ment ou le contrôle de ses actes. Il a déjà été condamné à neuf reprises. Au cours du procès, il changera plusieurs de fois de version, avouant même qu’il a raconté beaucoup “de bobards” dans cette histoire mais que cette fois, il dirait bien la vérité. La victime. Il connaissait son agresseur. Déficient visuel, Zoran Grujic dit Zocco, vit éga- lement à Fesches-le-Châtel. Il est actuel- lement à la recherche d’un emploi. Il n’a pas de casier.

L’avis de l’expert médi- cal sur la blessure. Son expertise était attendue, notamment pour quali- fier si l’acte a entraîné une infirmité perma- nente ou une mutilation. “Monsieur Grujic a per- du un rein mais il n’y a aucune séquelle fonc- tionnelle” dit l’expert. Il y a eu quatre coups de

Valse des témoins et mensonges. Au deuxième jour du procès, les témoins sont auditionnés. La gendarmerie dans un premier temps, rappelle les cir- constances de l’intervention. Puis, un jeune mineur est appelé à la barre. La veille, il ne s’est pas présenté à la convocation du tribunal. Ce sont les gendarmes qui sont allés le cher- cher et l’ont conduit jusqu’au tribunal sur demande du président de la cour d’assises. Il dit n’avoir jamais reçu de convocation à son domicile. À la bar- re, il fait le mariole. Et revient sur ses déclarations alors qu’il avait le soir du 14 juin, prévenu les secours en voyant Zoran être à terre, les boyaux à l’air. Il dit ne plus rien se souvenir : “Y fai- sait nuit, y a eu une baston, j’ai rien vu.” Il ment et croit protéger son “ami” accusé. Le président, un peu agacé, lui montre qu’il a signé un procès-verbal et qu’il a même dessiné le couteau. “J’ai rien signé” lâche-t-il avec aplomb. “Elle ne me concerne pas cette affaire. J’ai rien à voir avec.” Tellement pathé- tique que l’avocat du prévenu lui deman- de de dire la vérité d’autant que son client ne nie pas les coups de couteau portés. Le troisième témoin, jeune homme de 19 ans, ne sera pas plus prolixe. Il ne veut même pas donner son adresse, par “peur de représailles de la part de Yilmaz.” Enfin, la mère témoignera son mal- heur, celle de voir son enfant “un gar- çon pas méchant, dit-elle, mais influen- çable. Je suis sous cachets, je déprime. Mon mari s’est enfermé sur lui-même.” Plaidoyer de Maître Alain Dreyfus- Schmidt, avocat de la partie civile. “Si nous n’avons pas à juger la défen- se, nous aurions préféré pour la socié- té que les mois en rétention auraient

Jean- Charles

Darey pour la défense n’a pu obtenir la correction- nalisation de l’affaire, qui aurait réduit l’échelle des peines pour son client.

Un témoin fait le mariole.

couteau mais tout est consolidé à pré- sent. “S’agit-il d’une amputation ou d’une mutation ?” questionne à plu- sieurs reprises l’avocate générale. L’expert médical ne parle pas de muti- lation, chef d’accusation qui pourrait coûter plusieurs années de plus à l’accusé. L’avocatAlainDreyfus-Schmidt ne veut pas en rester là : “Et si mon client venait à perdre son dernier rein, dans un accident de la route, que se passe-t-il ?” demande-t-il à l’expert.

général se range à l’avis de l’expert médical qui affirme l’absence d’infirmité rénale car la fonction rénale est par- faitement respectée avec un seul rein. Estimant néanmoins qu’il y a mutila- tion, elle requiert six ans de prison “car il manque un organe.” Le délibéré des jurés. Après deux jours de procès, le président suspen- dra l’audience une dernière fois. Les dix jurés se retrouveront dans une arrière-salle pour délibérer avec les magistrats.Après deux heures, ils juge- ront qu’il y a bien eu mutilation ou infirmité permanente et ont laissé à Murad Yilmaz la responsabilité des coups de couteau portés. Il écope de 5 ans d’emprisonnement dont un avec sursis et une mise à l’épreuve de trois ans avec obligation d’une activité pro- fessionnelle. À compter du 6 décembre, il a 10 jours pour faire appel. L’audience est levée. E.Ch.

permis à Monsieur Yilmaz de recon- naître sa responsabilité. Qu’il arrête de mentir et rejeter la faute sur tout le monde ! La meilleure défense, c’est l’attaque, on renverse la situation et on fait passer la victime pour responsable.” Plaidoyer de Maître Jean-Charles Darey pour la défense. Il a plaidé pour la correctionnalisation du procès qui réduit considérablement

l’échelle des peines. Selon l’avocat belfor- tain, on ne peut pas retenir la perte du rein comme une mutilation. Les jurés en décideront autrement. Les réquisitions de l’avocat général Claude Ruard. Pour les intérêts de la société civile, l’avocat

Pas méchant mais influençable.

Maître Dreyfus- Schmidt,

avocat de la partie civile, satisfait du jugement.

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