La Presse Bisontine 127 - Décembre 2011

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 127 - Décembre 2011

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FUNÉRAIRE Lapratiquede l’embaumement Une école de thanatopraxie dans le Doubs Frédéric Vuillemez et Claire Sarazin créent une école de thanatopraxie sur le site de Consolation. Une pratique funéraire encore méconnue, mais en pleine expansion. Dans les coulisses de la mort, il y a d’abord la vie.

Frédéric Vuillemez et Claire Sara- zin créent le

centre de formation “Thanato-

praxie Art et technique”.

saxons, était au départ réservée aux plus fortunés. Cette tech- nique de soins de conservation subit également encore de nom- breux fantasmes dans notre socié- té. “L’embaumement n’a rien à voir avec ce qui se pratiquait du temps des Égyptiens où on reti- rait les viscères du défunt. Là, elle se fait en respectant parfai- tement l’intégrité du corps. L’injection d’un liquide permet seulement de conserver plus long- temps le corps intact, et qu’il soit plus présentable à la famille. De plus en plus de monde le deman- de” note FrédéricVuillemez.Dans les grandes villes, près de neuf corps sur dix sont désormais embaumés et bénéficient donc de ce traitement bactériologique et fongicide. Ils sont environ 700 professionnels en France à pra- tiquer la thanatopraxie. Côtoyer au quotidien la mort ne paraît pas incongru à ces jeunes

créateurs d’entreprise. Ils savent que “depuis la nuit de temps, la mort fascine. C’est même elle qui a créé les religions” note Frédé- ric Vuillemez. Problème : “Nous sommes aujourd’hui dans une société où on ne veut plus voir la mort, où on veut l’aseptiser, com- me si elle n’existait pas. Mais il ne faut pas oublier que sans la mort, la vie n’existe pas.” Et c’est justement “de la vie qu’on s’occupe avant tout” enchérit Claire Sara- zin. Tous deux sont également spécialisés dans ce qu’ils nom- ment “la reconstitution faciale”, suite à des accidents, ou des sui- cides. Une technique enseignée par un professeur de Nice, qui a lui-même formé les fameux “experts” de la police scientifique aux États-Unis. Ce qui les amène à endosser là encore un vrai rôle de psycho- logue pour les familles endeuillées. Leurmessage essen-

tiel dans leur confrontation quo- tidienne avec la mort : c’est la vie de ceux qui restent dont il faut s’occuper. “Nous sommes là d’abord pour aider les gens à démarrer leur parcours de deuil. Nous sommes une petite pierre à la construction du deuil. En travaillant sur le défunt, nous travaillons d’abord pour les vivants” note FrédéricVuillemez. C’est la raison pour laquelle ces deux professionnels ne se dépar- tiront jamais de leur sensibili- té. “La sensiblerie,il faut lamettre de côté, jamais la sensibilité et l’empathie avec les familles” nuan- ce Claire Sarazin.Tous deux sont aussi là pour rappeler que les métiers liés au funéraire, si par- ticuliers soient-ils, sont finale- ment des métiers aussi respec- tables que les autres. Ils sont eux aussi parties intégrantes de la vie. J.-F.H.

mer, il faut aller à Paris ou dans le Sud de la France. Ce métier est en pleine expansion en Fran- ce. L’association qui gère Conso- lation a accueilli notre projet très favorablement. Le site offre de nombreux avantages, des salles de cours, des possibilités d’hébergement. Et, précision uti- le, nous n’enseignerons que la théorie àConsolation,aucun corps n’y sera amené. Les exercices pra- tiques se dérouleront à la fac de médecine de Besançon” expli- quent les créateurs. La premiè- re session de la formation démar- rera en mars prochain. Coût de la formation : 8 700 euros, avec la quasi-certitude de décrocher un emploi à la sortie. Ils espè- rent attirer “entre 15 et 20 élèves” dans la première promotion. La thanatopraxie a été “impor- tée” en France dans les années soixante. Cette pratique, très populaire dans les pays anglo-

O n n’embrasse pas une car- rière dans le funéraire par vocation. Ni Frédéric Vuillemez ni Claire Sarazin, qui viennent de créer l’école “Tha- natopraxie, art et technique”, n’affirmeront le contraire. C’est à la suite d’un bilan de compé- tences approfondi que Frédéric Vuillemez intègre la société Pré- vitali àMaîche, gestionnaire des pompes funèbres et du funéra- rium. Une société qu’il repren- dra en 2008. Claire Sarazin, elle, avait suivi une formation tout autre, elle se destinait au tou- risme. Une recherche d’emploi compliquée l’a amenée à accep- ter dans la région de Belfort un poste de gardienne de cimetiè- re. Un univers qu’elle a ensuite

exploré autrement avec une for- mation en thanatopraxie, le nom scientifique (du grec thanatos , la mort) qui désigne ce que dans tous les autres pays on appelle plus simplement “embaume- ment”. Depuis 12 ans, elle pra- tique lemétier au sein de la socié- té “La Belfortaine de thanatopraxie”, qu’elle a créée en 2004. Les deux professionnels unissent aujourd’hui leurs com- pétences et lancent un centre de formation qui élira résidence au sein même du monastère de Consolation. Un choix surpre- nant a priori , mais qui se justi- fie pleinement selon les deux créateurs. “Il n’existe aucune éco- le de thanatopraxie dans tout l’Est de la France. Pour se for-

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