La Presse Bisontine 127 - Décembre 2011

LE GRAND BESANÇON

La Presse Bisontine n° 127 - Décembre 2011

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TRANSPORTS

Une liaison fluviale d’ici 2030 Le “Grand Canal” refait surface

L’ autocollant flanqué du pois- son rouge aux dents longues et aux yeux exorbités est réap- paru. Comme un vieux démon, collé sur la poitrine d’un Marc Bor- neck vindicatif. Europe Écologie-Les Verts n’apprécie pas que l’on ressorte, en sourdine, le grand canal de son lit. Le groupe l’a fait savoir en réunion plénière. En fait, ce sont une dizaine de lignes inscrites dans le rapport d’orientations budgétaires, non sou- mis au vote, qui ont fait gonfler la vague de la contestation d’un côté, une vague de l’espoir de l’autre. En inscrivant dans son budget primi- tif la possibilité de financer les études get (U.M.P.) parle d’un projet économique et touristique nécessaire. La Région inscrit à son budget le financement des études de réalisation du canal Saône-Moselle et Saône-Rhin. Europe Écologie-Les Verts crie au scandale alors que la députée Françoise Bran-

Des péniches d’ici 2030 ? Une étude socio-écono- mique est lan- cée pour savoir quel tracé

serait le meilleur.

encartés à gauche, la présidente “a fait le choix de la raison” , d’autant que le coût des études techniques et envi- ronnementales paraît faible. 100 000 euros pour l’instant. L’État a émis deux hypothèses, voire trois, pour développer le transit flu- vial. La première : il crée le réseau Saône-Moselle, qui irait de Saint-Jean- de-Losne (Côte-d’Or) à Neuves-Mai- sons (Meurthe-et-Moselle). La Lorrai- ne en serait la bénéficiaire. Deuxième solution : il finance le tra- cé Saône-Rhin qui desservirait les industries du pays de Montbéliard, l’Allemagne et la Suisse. Troisième solution : il finance les deux liaisons. Cette hypothèse semble uto- pique à l’heure des restrictions bud- gétaires. En revanche, le tracé via la vallée de l’Ognon semble abandonné. Ces trois pistes sont donc étudiées dans l’étude globale socio-économique, démar- rée en septembre 2011. Des audits sont menés auprès des pro et anti-canal. Utiliser le terme Grand canal est donc devenu anachronique, car ce projet tel qu’il avait été présenté est enterré par Lionel Jospin en 1997, “n’a plus rien à voir avec celui présenté il y a vingt ans, précise la députée du Doubs Fran- çois Branget, qui milite pour cette voie.

Jamais un couloir de 115 mètres de large ne viendra bétonner le paysage de la vallée du Doubs” poursuit-elle afin de couper les rumeurs en citant l’exemple du canal Main-Danube créé en 1992, et aujourd’hui intégré au pay- sage. Selon elle, les Verts “avancent de faux arguments et se retrouvent face à des paradoxes, notamment celui du transport de marchandises. Un tel chan- tier permettrait de réduire de 1 500 le nombre de poids lourds par jour sur nos autoroutes et diminuer les émis- sions de carbone” dit-elle, Le torchon brûle. Et les écologistes de rappeler que l’approvisionnement en eau d’une telle structure n’est pas garanti. “Regar- dez le Rhin, par deux fois la naviga- tion y a été interrompue par manque d’eau” rapporte le conseiller régional Éric Durand. Vieux serpent de mer, le débat sur le fluvial est (re)lancé…mais les péniches ne vogueront pas avant 2030.

de réalisation du grand canal Saône-Moselle et Saône-Rhône, la prési- dente Marie-Guite Dufay s’offre la possibilité de peser dans le débat public engagé par l’État. “Nous payons un droit d’entrée pour avoir accès au dos- sier” explique la prési- dente. Un argument que conteste Éric Durand, d’E.E.L.V. : “Je ne savais pas que l’on devait payer pour être consulté par une étude qui concerne notre territoire !” Le but final de ce débat est de déter- miner s’il est viable de créer une liaison via la Moselle ou vers le Rhin. Pour les “pro-canal”, qui ne sont pas forcément

“Pas assez d’eau.”

E.Ch.

Les couloirs sont connus. Reste à trouver le ou les plus pertinents.

Les chiffres Étude : la liaison créerait 24 000 emplois dans la région S elon une étude préliminaire socio- économique dʼune liaison fluvia- le à grand gabarit entre la Saô- ne et le Rhin commandée par la Région Alsace en 2008, lʼimpact économique, correspondant aux emplois créés grâ- ce à lʼexistence dʼune telle liaison, a été évalué à plus de 70 000 emplois en 2030, dans les trois régions traver- sées, dont 36 % en Alsace (25 000 emplois), 34 % en Franche-Comté (24 000) et 30 % en Bourgogne (21 000). Lʼimpact sur les transports a été chiffré : lʼétude annonce 15 % de trafic de poids lourds (soit 1 500 par jour) en moins. La conséquence de la non-réalisation du projet confirmerait “un isolement logistique de Besançon, un accrois- sement du recul démographique, un déclin du tissu industriel.”

Pascal Viret, défenseur de la liaison Saône-Rhin Lobby lorrain contre le lobby comtois Q ui tapera le plus fort du poing sur la table ? Entre la liaison Saône- Moselle et Saône-Rhin, deux conceptions du territoire sʼopposent. Nancy et son maire André Rossinot militent pour lʼaxe Saône-Mosel- le, qui passerait par Port-sur-Saône, Gray, Vesoul et Luxeuil pour arriver à Nancy. Pascal Viret, président de lʼassociation Saône Doubs Europe, milite pour un passage via le Doubs qui permettrait de desservir les zones de Mont- béliard et Belfort. La Région Alsace vote pour cet axe. Le Bisontin sou- haite un débat public “équilibré” , le lobby lorrain ne devant pas écraser le franc-comtois. Avec cette décision politique de financer lʼétude, Pascal Viret voit en tout cas “son” dossier voguer vers un nouveau cap et com- bler son retard par rapport à la Lorraine. Mieux, lʼofficialisation sur la carte des projets portuaires et fluviaux du schéma national des infrastructures de transport, de lʼappellation liaison “Saône-Moselle et Saône-Rhin” est perçue comme “une reconnaissance” dit-il. Il pense même que les deux canaux peuvent se faire : “Regardez, les autoroutes A 36 et A 31 cohabitent bien aujourdʼhui.”

Pascal Viret, président de Saône Doubs Europe défend un passage par le Doubs.

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