La Presse Bisontine 126 - Novembre 2011

ÉCONOMIE

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La Presse Bisontine n° 126 - Novembre 2011

INTERVIEW Après sa démission du 4 octobre “Je suis peut-être

une exception”

Jean-Louis Dabrowski (au centre) avait été élu président de la C.C.I.R. le 26 janvier dernier.

Jean-Louis Dabrowski, le président de la Chambre de Commerce et de l’Industrie de Franche-Comté a démissionné de sa fonction pour reprendre en main son entreprise, Altitude, basée en Morteau, placée en redressement judiciaire depuis le 3 octobre.

L a Presse Bisontine :Altitude enregistre des commandes et pourtant vous avez choi- si de la placer en redresse- ment judiciaire le 3 octobre, un procédé qui gèle la dette. À quoi sont liées vos difficultés ? Jean-Louis Dabrowski : Ce sont des problèmes de trésorerie. Elle s’est dégradée suite à des pertes enregistrées sur notre dernier

stratégiquement. Elle ne pou- vait pas lutter contre la concur- rence chinoise. Altitude s’est essoufflée financièrement pour essayer de soutenir Immi. Elle l’a soutenue au-delà de ses limites. L.P.B. :Si vous n’aviez pas démissionné de la C.C.I.R. et qu’Altitude disparais- se (28 salariés), vous preniez égale- ment le risque de vous exposer au feu de la critique n’est-ce pas ? J.-L.D. : Effectivement, mais ce n’est pas une question d’image. J’ai 64 ans. J’ai réussi beaucoup de choses dans ma carrière et il y a plus important que l’image. C’est très difficile de se battre sur tous les fronts.Aujourd’hui, la fonction de président de la C.C.I.R. demande du temps et de l’investissement compte tenu de la réforme à mener des chambres consulaires. Être chef d’entreprise est également pre- nant. Entre ces deux fonctions, j’ai choisi sans hésiter. L.P.B. : Néanmoins, est-ce qu’on rever- ra aux affaires à la chambre de com- merce ? J.-L.D. : Je ne pense pas à cela. Pour l’instant, la priorité est Altitude. Il y a une activité à Morteau qui mérite de vivre. L.P.B. : Quelle est l’ambiance dans l’entreprise ? J.-L.D. : L’ambiance n’est pas mau- vaise. Elle n’est pas joyeuse. Elle est à la fois calme et au combat. Les salariés ont pris la situa- tion avec une maturité excep- tionnelle. L.P.B. : Comment se présente la fin de l’année 2011 ? J.-L.D. : Elle devrait être bonne. Les commandes rentrent à un niveau satisfaisant. En revanche, je suis soucieux pour 2012. Propos recueillis par T.C. répondre, c’est comment d’accompagner le vieillissement de la population. Il nous faut de vraies filières gériatriques. En Franche-Comté, 300 000 personnes souffrent d’une maladie chronique. Nous n’allons pas envoyer tous ces gens se faire soigner dans des hôpi- taux de ville ! La question n’est pas d’agir dans un souci d’économie, mais d’apporter une autre prestation de soin qui réponde mieux aux attentes des gens. Nous n’allons pas fermer des hôpi- taux. En revanche, il faut faire entrer des outils comme la télémédecine dans les E.H.P.A.D. Pour éviter d’avoir à transporter une personne âgée dans un hôpital si ce n’est pas nécessaire. L’objectif est que les gens ne viennent à l’hôpital que s’ils en ont besoin. Si on peut régler le problème autrement, alors tant mieux. Propos recueillis par T.C.

exercice. En 2010, nous avons perdu environ 130 000 euros. C’est important, mais ce n’est pas un gouffre. Notre chiffre d’affaires est de 3 millions d’euros. Il a baissé de 11 % en 2009 et de 9 % 2010. Or, nous sommes dans une situa- tion où nous n’avons pas de réser- ve financière. Parallèlement à cela, des fournisseurs ont dur-

gé sur le plan com- mercial en faisant le tour de nos dis- tributeurs euro- péens. Cette démarche a porté ses fruits. L.P.B. :Vous avez déci- dé de démissionner de la présidence de la C.C.I.R. Était-il impossible de mener de front ces deux fonctions ? J.-L.D. : J’ai pris cet- te décision pour

ci leurs conditions de paiement. Le paradoxe est que, dans une société, quand les commandes augmentent, cela commence par détériorer la trésorerie car il faut acheter des matières pre- mières et des composants pour produire et pouvoir livrer au client un produit fini. Compte tenu du problème financier, j’ai préféré placerAltitude en redres-

sement judiciaire.

L.P.B. : N’est-ce pas non plus le résul- tat d’un certain désengagement de votre part dans votre entreprise, lié à vos responsabilités à la C.C.I. puis à la C.C.I.R. ? J.-L.D. : Je n’ai jamais été désin- vesti dans l’entreprise ! À preu- ve d’ailleurs, depuis l’été 2010 jeme suis personnellement enga-

“Ce n’est pas une question d’image.”

SANTÉ

Ils sont plus vulnérables que les grands mais… “Nous avons besoin des hôpitaux de proximité” Directeur général adjoint de l’Agence Régionale de Santé, Jean-Marc Tourancheau fait le point sur les difficultés financières des hôpitaux de proximité et sur les orientations probables qu’ils devront prendre pour accompagner notamment le vieillissement de la population. L a Presse Bisontine : L’hôpital de Pon- tarlier est en déficit. Il pourrait atteindre les 5,7 millions d’euros cette année. C’est un exemple parmi d’autres. La situation financière de nos hôpitaux est à ce point préoccupante ?

me focaliser vraiment sur Alti- tude dans le but de faire vivre cette activité qui le mérite. Nous avons des produits innovants et un bon réseau de distribu- tion. Je ne voulais pas que ces événements puissent avoir une influence négative sur la fonc- tion de président de la C.C.I.R. J’ai suffisamment été fier de servir ce réseau pour ne pas prendre ce risque. C’est aussi une question de fierté person- nelle. L.P.B. :D’autres présidents de chambre consulaire ont laissé sombrer leur entreprise pour conserver leur fonc- tion. Vous vous êtes arrêté à temps ? J.-L.D. : Par ma démarche, j’espère que je créerai une tradition. Je suis peut-être une exception. C’est une question de valeurs. La C.C.I.R. est importante, mon entreprise l’est tout autant. L.P.B. : Cependant en 2007 vous n’avez pas démissionné de la présidence de la C.C.I. pour sauver Immi, une socié- té sœur d’Altitude qui a fermé ses portes. Pourquoi ? J.-L.D. : Le contexte était diffé- rent. À l’époque, je ne me suis objectivement pas posé la ques- tion. Immi était l’entreprise la moins importante du groupe

Jean-Marc Tourancheau : Il est vrai que d’une manière générale, sur la région comme ailleurs en France, les hôpi- taux sont dans une situation compli- quée. Mais elle est inégale d’un éta- blissement à l’autre. Ceux qui accusent les déficits sont principalement les petits hôpitaux et moins les grands de la taille d’un Centre Hospitalier Uni- versitaire comme celui de Besançon. Ceux-là sont presque à l’équilibre car ils ont un bon niveau d’activité qui leur permet de générer des recettes. Alors que les établissements de la dimen- sion de celui de Champagnole ou de Saint-Claude sont dans une situation financière très difficile car ils ne génè- rent pas assez de recettes pour faire tourner la machine. On sait que ces certains hôpitaux estiment à 20 % le montant de leur déficit dans leur bud- get prévisionnel. L.P.B. : Beaucoup d’hôpitaux locaux investis- sent. C’est encore le cas de celui de Pontarlier ou de Mor- teau. Qu’attendez-vous de ces structures à long terme ?

Les hôpitaux locaux devront peut-être prendre des dispositions pour accompagner le vieillissement de la population.

duisent plus pour l’hôpital qui est confronté à une baisse d’activité et donc de ses recettes. Cet hôpital enre- gistre un déficit de 5 millions d’euros, alors qu’il n’est pas naturellement en difficulté. L.P.B. :Vous travaillez actuellement sur le pro- jet régional de santé. Quelles en seront les grandes orientations ? J.-M.T. : Je ne suis pas sûr que le sujet soit plus hospitalier que médico-social. La question n’est pas de savoir si demain nous bâtirons de nouveaux hôpitaux car nous n’en avons pas les moyens. L’enjeu est de savoir ce que nous serons capables d’offrir comme prise en charge aux malades d’Alzheimer par exemple. Ce sont aus- si les services de soins à domicile et le maintien à domicile qu’il faut orga- niser. À mon sens, s’il y a une ques- tion essentielle à laquelle il faut

d’accompagner le vieillissement de la population. Ces hôpitaux locaux ont un avenir, dans le sens où ils pour- raient se muer en plateformes locales de prise en charge capables de coor- donner l’E.H.P.A.D. et le S.I.A.D. (soins infirmiers à domicile). Ils proposeront toujours une offre de soins pour la popu- lation, mais ce ne sera plus une offre traditionnelle. De toute manière, il est aberrant de penser que l’on peut déve- lopper des services d’obstétrique ou de chirurgie partout sur le territoire alors que nous n’avons pas le personnel pour les faire fonctionner. Concernant les petits hôpitaux, je pense qu’il faudra envisager des regroupements de façon à mutualiser un certain nombre de ser- vices et à partager des postes. Mais il faut que la communauté médicale et

les élus l’acceptent.

L.P.B. : Pontarlier a-t-il cependant vu trop grand dans son projet ? J.-M.T. : L’investissement à Pontarlier n’est pas une hérésie. La difficulté dans ce genre de grands projets est qu’il y a toujours un décalage entre le moment où la décision de le faire est prise et le moment où il se réalise. Entre les deux, la donne économique a changé. La situa- tion actuelle de l’hôpital de Pontarlier ne m’inquiète pas. L.P.B. : L’hôpital de Lons-le-Saunier rencontre lui aussi des difficultés. Pour quelles raisons ? J.-M.T. : Lons-le-Saunier rencontre des difficultés mais elles sont liées à un problème structurel. Cet hôpital a per- du cinq médecins. Ces gens-là ne pro-

“De vraies filières géria- triques.”

J.-M.T. : Un établissement qui n’investit pas se pla- ce dans une situation compromettante. Nous avons besoin des hôpi- taux de proximité. En revanche, ils devront pro- bablement s’adapter pour répondre à de nouveaux besoins. Ils pourraient s’orienter vers la géron- tologie et la gériatrie afin

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