La Presse Bisontine 126 - Novembre 2011

SANTÉ

La Presse Bisontine n° 126 - Novembre 2011

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LES POINTURES DU C.H.U. Psychiatrie de l’adulte

L’addiction aux jeux dans le viseur Le Professeur Emmanuel Haffen inaugure cette nouvelle rubrique qui dévoilera, sur douze numéros consécutifs, les facettes parfois méconnues du C.H.U. de Besançon - le plus gros employeur de la ville -, à travers le parcours et le portrait d’un praticien et la mise en lumière de sa discipline. Pour démarrer cette série, une spécialité très peu médiatisée : la psychiatrie.

L es troubles de l’humeur. Voilà la discipline, peu ave- nante de prime abord, dont s’est fait une spécialité le Professeur Emmanuel Haf- fen, 43 ans, praticien hospitalier et responsable du service psychiatrie de l’adulte au C.H.U. de Besançon. Dépressions, maladies bipolaires, prises en charge des dépressions persistantes, voilà le quotidien du spécialiste à la tête d’un service comptant 55 lits d’hospitalisation

aiguë, qui est également professeur des universités et coordinateur de la cinquième année de médecine.

Mais malgré le caractère austère en apparence de cette discipline, elle continue à susciter les vocations. 13 internes sont en formation tous les ans dans le servi-

“1 femme sur 5 présentera un trouble dépressif.”

ce du Pr Haffen. “C’est une disci- pline intéressante dans le sens où elle touche à de nombreux champs : social, psychologique… Et le déve- loppement des neurosciences est en pleine expansion” justifie le spé- cialiste. Cette discipline est censée concerner énormément de monde.

jour, 25 % des cas de maladies dépressives n’ont pas de réponse appropriée. “D’où ces stratégies nou- velles de stimulation électrique.” Dans ses missions de recherche, Emmanuel Haffen s’est orienté récemment vers un sujet particu- lièrement sensible aujourd’hui : le risque de dépendance aux jeux, notamment à un jeu vidéo en ligne baptisé “World of Warcraft”, très populaire à travers le monde. “On a développé avec un outil d’évaluation en ligne sur la base de 500 joueurs réguliers, une échelle d’évaluation de la dépendance. Les joueurs qu’on estime à risques pré- sentent tous un certain nombre de paramètres : ils dorment moins, ils ont moins de contacts sociaux, ils dépensent plus d’argent sur Inter- net, etc. Il y a un lien entre ces para- mètres et ce sont des facteurs asso- ciés de la dépendance au jeu” analyse Emmanuel Haffen. Plus récemment, cet outil d’évaluation de la dépendance a été étendu par les équipes du Pr Haf- fen au poker en ligne et aux utili- sateurs de machines à sou dans les casinos, et notamment à Besançon. “On a déjà inclus 400 sujets dans notre étude. L’objectif est d’arriver à 2 000.” Une chose est déjà sûre : le phénomène des addictions aux jeux “est en train d’exploser” assu- re le chercheur. La libéralisation récente des accès aux paris en ligne ne fait qu’accentuer le phénomè- ne. Ajoutée aux facteurs socio-éco- nomiques, et on peut aboutir à des catastrophes. Même si on n’en est pas encore à la situation de pays comme la Corée du Sud où les auto- rités ont pris des mesures pour res- treindre l’accès aux jeux en ligne à 4 heures par jour. Pour éviter d’autres drames que celui de cet adolescent retrouvé mort devant son ordinateur. Mort d’épuisement, de soif et de faim… C’est un autre volet, plus cruel enco- re, de la discipline psychiatrique sur laquelle l’équipe du Professeur Emmanuel Haffen tente de trou- ver des réponses. Une consultation spécialement dédiée à cette nou- velle forme de dépendance devrait ouvrir prochainement dans le ser- vice psychiatrique du C.H.U. bison- tin. J.-F.H.

“4 % des Français sont concernés par un épisode dépressif, indique Emmanuel Haffen. Par ailleurs, 1 femme sur 5 et 1 homme sur 10 pré- sentera un jour dans sa vie un trouble dépressif. Ces statistiques sont en hausse.” En Franche-Com- té, il y a une légère surreprésen- tation des maladies dépressives par rapport au niveau national, et au sein de la Franche-Comté, c’est la Haute-Saône qui est la plus tou- chée. C’est pourquoi le Pr Haffen tient à lutter contre “cette vision encore péjorative et négative de la maladie et cette stigmatisation enco- re trop fréquente des malades.” Et renforcer les actions de prévention de ces pathologies. La vulnérabili- té croissante aux événements de la vie fait que d’ici 2020, les maladies dépressives deviendront la deuxiè- me cause de handicap en France. “Les facteurs socio-économiques sont à prendre en cause. Voyez en Grèce où le taux de suicide par exemple a fait un bond énorme depuis que le pays est en crise.” Le C.H.U. de Besançon se distingue tout particulièrement en France sur la thématique des dépressions résistantes et des personnes âgées que le service maîtrise mieux que d’autres. Besançon est aussi connue

Un site Internet réservé aux personnes suivies a tout spécialement été mis en place par l’équipe du Pr Haffen.

pour son centre d’investigation cli- nique qui tente de “trouver des tech- niques de soin alter- natives et mieux comprendre ces maladies. On déve- loppe par exemple la technique de sti- mulation cérébrale par champs magné- tiques ou courant électrique” indique le Pr Haffen. Une P.M.E. de la région, la société Dixi Microtechniques, a développé en colla- boration avec le C.H.U. de Besan- çon des capteurs biologiques. “L’objectif final est vraiment d’individualiser la prise en charge thé- rapeutique.” À ce

Mort d’épuisement

devant son ordinateur.

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