La Presse Bisontine 125 - Octobre 2011

LE PORTRAIT

La Presse Bisontine n° 125 - Octobre 2011

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CHALEZEULE

La mémoire d’une résistante alors âgée de 10 ans Colette Guy fait de la résistance pour la caserne Vauban

C olette Guy ne décolère pas. Savoir que la caserneVauban à Besançon sera détrui- te pour laisser place à des logements l’horripile. Elle l’a fait savoir au maire de Besançon Jean-Louis Fousseret en lui adres- sant une lettre “piquante” pour lui faire part de son incompréhension. “À la caserne Vauban, des tranches de vie capitales se sont nouées. Ces per- sonnes (N.D.L.R.. : les élus) n’estiment pas la valeur historique de ce bâtiment !” lâche-t-elle désabusée. Plus que nouée, la vie de Colette s’est écrite ici ! À 81 ans, elle raconte pour la première fois comment sa mère (Suzanne Labolle née Cour) a activement résisté face à l’occupant alle- mand dès 1940 en aidant des prisonniers anglais à s’évader de la caserne. Et comment sa maman réalisait de vraies “fausses” cartes d’alimentation et d’identité. Tout commence en novembre 1940. Colette a alors 10 ans. Son père disparaît, tué le 16 juin 1940 à Troyes par des tirs italiens alors qu’il encadrait un convoi sanitaire. Elle et son frère Michel (de deux ans son cadet) sont orphelins de père. La famille vit au 24, rue du Funiculai- À 81 ans, Colette Guy raconte pour la première fois comment sa mère, elle et son jeune frère, ont permis à quatre Anglais de s’évader des geôles allemandes situées à la caserne Vauban de Besançon en 1940. Les Anglais sont devenus ses amis jusqu’au décès du dernier, en 2009.

Habitante de Chalezeule, Colette Guy (Labolle de son de jeune fille) ouvre l’album photo où elle pose avec les soldats anglais évadés, devenus par la suite ses amis.

re à Besançon et Suzanne lamère, s’impose comme chef de famille. Tous les mardis, entre 16 heures et 17 heures, les Labolle appor- tent des colis de nourriture (plaques de chocolat et Vache qui rit) aux soldats anglais empri- sonnés à la caserneVauban. Pour- quoi aider des soldats anglais ? “Parce que ma grand-mère était anglaise et vivait à Londres” explique Colette Guy. Le contact se noue rue Pergaud, où les prisonniers anglais pas- sent chaque jour pour se rendre sur un chantier près de la gare. Là, Colette et son frère remettent les paquets et discutent avec ces prisonniers. Un jour, ces derniers font connaître leur désir d’évasion par peur d’être transférés enAlle- magne. Ils réussissent en passant par les égouts de la caserne pour

“C’était une traîtresse.”

ressortir “libres” devant l’actuel lycée Jules- Haag. “Un matin, vers 7 heures, quatre hommes ont frappé chez nous. C’était Gordon Laming, Stanley Newell, John Cope et KennethWhight… Ma mère a préparé un café. Ma tante qui était là prit peur ! En 1940, abriter des Anglais était interdit. Nous aurions pu être fusillés… mais à cet âge, on ne sait pas ce que cela représente.” Les Anglais resteront quatre jours cachés non loin du clapier à lapin. Ils rejoindront la ligne de démarcation par le train… avant d’être faits pri- sonniers en Espagne. Là-bas, ils fileront à nou- veau à l’anglaise pour regagner leur pays et reprendre la guerre. Colette ne l’apprendra qu’une fois le conflit mondial terminé. Entre-temps donc, aucune nouvelle des Anglais mais sa mère Suzanne continue la résistance active “en créant de fausses pièces d’alimentation et d’identité grâce à sa place à la mairie de Besan-

çon” relate la fille. Un voisin “collabo” la dénon- ce mais le réseau de résistance parvient à pro- téger la mère de Colette. “Je sais qu’une colla- boratrice du nom de Raymonde Goguey avait été tuée d’une balle dans la tête et “encrottée” dans le bois de Sorans (vers Vieilley). C’était une traî- tresse. J’avais 15 ans : cela m’a marquée…” explique Colette Guy. À la Libération, les éclats de joie laisseront pla- ce à une autre immense surprise : le retour en 1947 sur les terres de son évasion de Gordon Laming. L’Anglais était revenu voir la famille Labolle à Besançon, il est aussi retourné vers la bouche d’égout qui lui avait permis de s’évader. Cet épisode marque le début d’une fabuleuse histoire entre Bisontins et Anglais : la mère de Colette reçoit les honneurs de l’armée anglaise “pour son courage” et en 1948, Colette - qui n’a que 18 ans - va à Londres retrouver ses amis et

sa grand-mère. Elle gardera contact avec les Anglais (sauf John Cope) jusqu’à la mort de “Gor- don en 2009, alors âgé de 90 ans. Je faisais par- tie de leur famille, ils faisaient partie de la mien- ne. Ils venaient souvent chez moi aux Vareilles (Chalezeule) et j’ai gardé contact avec la femme de Gordon.” Femme de tempérament, énergique mais dimi- nuée physiquement, Colette Guy a perdu son mari à l’âge de 34 ans. Comme sa maman à qui elle rend hommage en témoignant, elle a donc élevé seule ses deux enfants.Avec son frèreMichel aujourd’hui installé à Lyon, elle est une des rares à détenir encore un pan de l’histoire de la résis- tance bisontine. Elle a retranscrit ses souvenirs dans un livret. À l’inverse de la caserne Vauban qui disparaîtra, la fabuleuse épopée de Colette restera ! E.Ch.

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Rédaction:“LesÉditionsdelaPresseBisontine”-B.P.83143-1,ruedelaBrasserie-25503MORTEAUCEDEX-Tél.0381679080-Fax:0381679081-redaction@groupe-publipresse.com

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