La Presse Bisontine 125 - Octobre 2011

LE GRAND BESANÇON

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La Presse Bisontine n° 125 - Octobre 2011

INTERVIEW L’ancien sénateur

Georges Gruillot : “Le tram est une erreur” Ancien sénateur et président du Conseil général du Doubs, Georges Gruillot coule une retraite active entre Besançon et Vercel. L’homme politique (U.M.P.) se confie sur le Grand canal, l’endettement du Département… et le Tram.

D epuis trois ans et sa retraite d’homme public, Georges Gruillot - 80 ans - est discret dans les médias. “Je suis com- me un curé qui quitte sa paroisse : j’évite d’y revenir pour ne pas faire de l’ombre à mon successeur” dit-il. Pour La Pres- se Bisontine, celui qui fut élevé au gra- de de chevalier de la Légion d’honneur en 2009 joue le jeu des questions- réponses. Il apporte sa vision éclairée sur des projets qu’il a pu mener à bien (route desmicrotechniques par exemple) ou ceux qui ont capoté (Grand canal). Politique, économie, social, il parle sans langue de bois. La Presse Bisontine : Depuis 2008, vous êtes retiré de la vie publique et politique. Que fait Georges Gruillot de ses journées ? Georges Gruillot : Je croyais que je m’ennuierais car j’ai passé ma vie à 100 à l’heure aussi bien professionnelle (1) que publique. Je constate que je ne touche pas terre et m’intéresse tou- jours à l’actualité en lisant deux heures par jour les journaux. L.P.B. :Vous avez tout de même gardé des res- ponsabilités nationales ? G.G. : Je suis membre de la commission nationale d’aménagement commercial (C.N.A.C.), chargée de régler en appel les problèmes des gens mécontents des décisions des commissions départe- mentales d’aménagement commercial. Cela concerne les implantations et extensions de grandes surfaces ou ciné- mas. Nous sommes 8membres. Je repré- sente le Sénat. L.P.B. : L’extension du cinéma de Besançon, de Pontarlier ou d’hypermarchés, ces dossiers sont peut-être passés sur votre bureau. Avez- vous voté ? G.G. : Nous avons une règle : lorsque l’on connaît un des thèmes, on s’abstient pour éviter les conflits d’intérêt. L.P.B. : Vous vivez rue Pasteur à Besançon. Le Tram va-t-il révolutionner la ville ? G.G. : Je ne veux pas polémiquer, mais selonmoi, le tramest une erreur. Besan- çon n’a ni les capacités ni la géogra- phie pour l’accueillir et en plus, elle possède un réseau de bus parmi les

L.P.B. :A quoi attribuer le fait que deux sénateurs sur trois sont de gauche dans le Doubs ? G.G. : On ne peut pas dire que le Doubs est une ter- re de droite. Cela fait longtemps que ça balan- ce. Les postes de res- ponsabilité sont tenus par la gauche mais ce n’est pas irréversible.

“Je me lâche car je vieillis.”

L.P.B. : Quel bilan tirez-vous des actions de Claude Jean- nerot, votre successeur et celui de Claude Girard, au Département ? G.G. : Une satisfaction : Claude Jean- nerot a gardé une continuité dans les actions que nous avions menées. Pro- blème, l’argent est gaspillé. L.P.B. : Le Doubs vit donc au-dessus de ses moyens selon vous. N’est-ce pas dû désen- gagement de l’État ? G.G. : C’est facile de dire que la faute est à l’État. Si je reprenais le Dépar- tement, je ferais des économies sur des postes de dépenses.Àmon arrivée à la présidence, j’avais dénoncé toutes les assurances et ainsi divisé par deux la dépense en faisant valoir la concur- rence. J’avais également supprimé toutes les subventions aux associa- tions… On a choisi de soutenir celles qui avaient un impact sur la vie loca- le. Je diminuerais aussi d’autres postes de saupoudrage. L.P.B. : Quelle est la conséquence de ce défi- cit ? G.G. : Le Département est pendu. Il fal- lait réserver les gros emprunts pour l’emploi. Emprunter pour la vie cou- rante quand on a déjà une masse finan- cière, ce n’est pas un bon point. Mais je ne suis pas idiot, ils (le Département) sont débordés par le financement des politiques sociales. L.P.B. : Avec le recul, quelles sont vos plus belles réalisations à la tête du Doubs ? G.G. : La création de la route des Micro- techniques même s’il faut la terminer. Le maintien du chemin de fer entre Besançon-Valdahon et Morteau a été déterminant. J’ai travaillé en collabo- ration avec le conseiller général de l’époque (Henri Cuenot, socialiste). J’ai eu aussi l’opportunité d’acheter les ter- rains de la Croix de Pierre à Étalans. Les gens ont dit : “Gruillot est fou.” Aujourd’hui, la zone est attractive. Pon- tarlier doit avoir de son côté son contour- nement… mais je pense que les élus locaux n’ont pas assez de poids. L.P.B. : Vous avez milité pour le Grand canal, projet aujourd’hui abandonné. C’est un échec personnel ? G.G. : Je me suis battu toute ma vie pour le canal. Il ne s’est jamais fait mais il reviendra. C’est une erreur monu-

Sénateur et chevalier de la légion d’honneur, Georges Gruillot vit l’été à Vercel, le reste de l’année à Besançon.

nalistes adorent brancher sur la cor- ruption. Je peux encore vous montrer toutes mes notes de frais, je les ai toutes gardées…J’ai connu plus de gens hon- nêtes que de crapules dans la politique. L.P.B. : Le chômage, la violence, l’insécurité, les banques qui s’écroulent… Que vous ins- pire notre génération. G.G. : “La génération dorée” : c’est la fau- te à la nôtre, celle qui connut le plein- emploi. Nous nous sommes défoncés et avons nivelé le terrain à nos enfants pour qu’ils ne se tordent pas les che- villes. Nous n’avons pas donné le goût à l’effort. En disant cela, j’ai l’impression de passer pour un vieux rabat-joie (rires). C’est triste de voir des étudiants ne pouvant pas étudier dignement. J’avais proposé au Sénat une loi où l’État se portait garant pour financer les études. Lionel Jospin m’avait alors opposé un point de la Constitution… (1) : Il était vétérinaire à Vercel. Propos recueillis par E.Ch. En bref 1988-2008 : Sénateur du Doubs 1982 -1999 : Président du Conseil général du Doubs 1979 -2004 : Conseiller général du Doubs 1977 -2001 : Maire de Vercel-Villedieu-le-Camp

mentale car E.D.F., via une astuce, était prêt à payer tous les investissements en vendant l’électricité. Nous n’aurions rien payé… mais Dominique Voynet est arrivée, ça a capoté. Ce fut un coup politique. Aujourd’hui, il serait termi- né. Cela aurait généré de l’implantation industrielle et moins de camions sur nos routes. L.P.B. :Avoir donné tant pour si peu : c’est une leçon. G.G. : On ne perd jamais de voix en gar- dant de cap même si on se trompe. On perd beaucoup lorsque l’on change son comportement. L.P.B. : Les politiques retournent-ils leur ves- te plus vite qu’auparavant ? G.G. : Ils mégotent plus, c’est vrai. L.P.B. : Vous aviez acheté les bâtiments qui accueillent aujourd’hui l’Institut Courbet à Ornans. Que pensez-vous de cette réalisation ? Faut-il mener une action en justice pour récu- pérer les tableaux ? G.G. : Bien qu’invité, je n’étais pas à l’inauguration pour éviter que ma pré- sence soit interprétée par les uns ou les autres. Lorsque j’étais à la tête du Doubs, j’ai rencontré des difficultés en voulant répertorier ces œuvres. Je ne suis jamais arrivé au bout des conclu- sions de savoir quelles œuvres avaient été financées. Aujourd’hui, je ne sais pas si le Département est arrivé à tout

répertorier. Cette réalisation est un excellent point pour l’art. L.P.B. :Parlons politique. Que se passe-t-il avec l’U.M.P. dans le Doubs. Jean-François Hum- bert (notre précédente édition) tacle son camp. Votre sentiment ? G.G. : Je suis toujours inscrit à l’U.M.P.. Sous la houlette de Jean-Marie Biné- truy et Michel Vienet, l’U.M.P. fonc- tionne bien. Pour Jean-François Hum- bert, que je connais bien, je pense qu’il est un peu aigri… L.P.B. :Vos prévisions pour la Présidentielle de 2012 ? G.G. : J’ai toujours pensé que Nicolas Sarkozy serait réélu.Aujourd’hui, cela semble moins ridicule de dire ça qu’il y a un an. L.P.B. : Comment avez géré votre rapport entre vie publique et vie privée et quelle vision avez- vous de l’affaire D.S.K. ? G.G. : Pour D.S.K., c’est inadmissible de ne pas être plus exemplaire. De mon côté, j’ai toujours évité les photographes et les journalistes. Là, je me lâche car je vieillis. Je prends du recul. L.P.B. : Est-il vrai que vous contrôliez Besan- çon avec Robert Schwint au point de museler la ville ? Aurait-on pu vous corrompre ? G.G. : Nous avons travaillé en collabo- ration et en intelligence malgré notre différence politique. Je sais que les jour-

meilleurs de France. Je l’ai d’ailleurs dit à Jean-Louis Fousseret, en tête à tête, car j’ai de très bonnes rela- tions avec lui. Le patron : c’est lui. Il prend des décisions, je les respecte. En poli- tique, il faut savoir taper du poing sur la table.Mais Jean-Louis Fousseret ne doit pas courir après François Rebsamen et Dijon.On ne peut pas copier Dijon.

“Claude Jeannerot, une satisfaction.”

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