La Presse Bisontine 125 - Octobre 2011

LE DOSSIER

La Presse Bisontine n° 125 - Octobre 2011

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Tout le monde garde encore en mémoire la rocambolesque prise d’otages le 13 décembre dernier, dans l’école maternelle de Planoise, qui a tenu en haleine une matinée entière non seulement Besançon, mais la France entière. C’est le plus récent des grands faits-divers sur lesquels nous revenons ce mois-ci. Les autres, personne ne les a oubliés non plus : la libération de Céline et Sarah, les deux Bisontines emprisonnées dans les geôles dominicaines, le martyr subi à Saint-Vit par la petite Kelly, l’accident subi par le jeune Bilel à Planoise, le crash de La Vèze et bien d’autres encore qui seront traités dans ce numéro. La Presse Bisontine n’a jamais surfé sur le créneau du fait-divers, et pour cause, sa périodicité est mensuelle. À travers ce numéro pourtant consacré entièrement aux faits-divers, on a voulu comprendre comment ont évolué les affaires évoquées et surtout leurs principaux acteurs. Une fois que les projecteurs des médias se sont éteints, ils restent souvent seuls avec leurs doutes, leurs questions LES FAITS-DIVERS LES PLUS MARQUANTS DU GRAND BESANÇON QUE SONT-ILS DEVENUS ?…

ou leur douleur. Avec pudeur et le recul nécessaire, La Presse Bisontine est retournée à leur rencontre.

ANALYSE

Moins sensationnaliste qu’avant La fascination pour les faits-divers est bien réelle

Elles sont souvent dramatiques et paradoxalement, ces informations captent instantanément l’attention des lecteurs de journaux. Les faits-divers les plus marquants du Grand Besançon ont tous défrayé la chronique et même parfois attiré les projecteurs des médias nationaux. Tentative d’analyse.

L e 13 décembre dernier, Planoise recevait contre son gré les médias de la France entière, attirés ins- tantanément par l’annonce d’une pri- se d’otages dans la maternelle Charles- Fourier. Une journée d’effervescence médiatique comme Besançon n’avait peut-être jamais connu commençait alors, au grand dam des protagonistes de cette affaire, mais hélas, pour le bon- heur des médias dont certains même étaient à la limite du dérapage déon- tologique. Quelques années plus tôt, c’était à Saint-Vit que les télévisions et les journaux nationaux braquaient leurs feux pour couvrir une affaire, plus sordide celle-là, de la petite Kelly, mar- tyrisée par ses camarades de jeu. Ces deux exemples sur lesquels nous revenons plus loin sont révélateurs de la véritable fascination qu’exercent les faits divers sur le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur. Pourquoi ? “Cette fas- cination pour le fait-divers est liée à l’intérêt fondamental des êtres humains pour tout ce qui est à la marge. Le fait- divers franchit tous les codes humains et de civilisation. Les êtres humains sont en fait fascinés par tout ce qui ne respecte pas les codes sacrés. Le fait- divers, c’est de la mythologie grecque réactualisée” analyse Patrick Eveno, professeur d’histoire des médias à la Sorbonne. Avec la multiplication des canaux d’informations et le foisonnement des blogueurs et autres internautes qui revêtent sans vergogne la tenue du journaliste, on pourrait supposer que le phénomène du fait-divers est en crois- sance constante. Mais selon l’historien, il n’en est rien. “Il n’y a pas plus de faits-divers qu’avant dans les médias, au contraire. Si on compare par exemple au XIX ème siècle où des journaux entiers

comme “Le Petit Jour- nal” faisait du fait- divers son fonds de commerce, aujourd’hui, aucun journal n’est basé que là-dessus. La grande presse popu- laire de 1870 à 1950 a beaucoup surfé sur les faits-divers. Beaucoup plus qu’aujourd’hui. Le fait-divers est deve- nu un genre journa-

où il y avait le bien contre le mal.” Hélas, que ce soit au plan national ou plus localement, à l’image des faits- divers sur lesquels nous reviendrons dans ce dossier, il ne faut pas nier la satisfaction, du moins l’attirance que tout un chacun éprouve à observer les souffrances ou le malheur des autres. Une fascination inconsciente, mais indéniable. Le fait-divers remplit aus- si cette fonction malgré nous de conju- rer nos angoisses. Entendre les mal- heurs des autres, c’est aussi se rappeler qu’on a la chance de ne pas être soi- même une victime. J.-F.H.

Patrick Eveno, spécialiste de l’histoire des médias, prépare un ouvrage consacré aux grands faits- divers français.

“C’est de la mythologie grecque réactualisée.”

listique parmi d’autres, d’ailleurs tout aussi respectable. En journalisme, il n’y a pas de genre ignoble. Du moment que l’on parle des rapports entre hommes en société, on fait son travail de jour- naliste” poursuit Patrick Eveno. Avec cette évolution, selon ce spécialiste, que la presse est devenue “plus socio- logique et moins moralisatrice qu’avant,

CRIME

La société moins violente aujourd’hui “On ne naît pas criminel, on le devient” Professeur de sociologie spécialisé en criminologie à l’Université de Besançon, Jean-Michel Bessette évoque la sociologie du crime.

L a Presse Bisontine : En étudiant l’histoire de la criminalité, vous tordez le cou à certaines idées reçues et notamment celle que notre société est plus violente qu’auparavant. Vous confirmez ? Jean-Michel Bessette : La société dans laquelle nous vivons est beaucoup moins violente que les précédentes. Dans mes cours, je fais référence à Norbert Élias et au processus de civi- lisation des mœurs. Les crimes de sang ont fortement baissé et baissent d’année en année. L.P.B. : Pouvez-vous dresser le portrait-robot d’un meurtrier ? J.-M.B. : Si j’utilise la formule de Vic-

tor Hugo, ce sont plutôt “les misé- rables” qui se retrouvent jugés en cour d’assises. Proportionnellement, on y retrouve moins de P.D.G. que de per- sonnes sans emploi. Un exemple : dans les années soixante-dix, on comp- tait 20 criminels pour 100 000 marins- pêcheurs contremoins de 1 sur 100 000 chez les ingénieurs. Le crime appa- raît plus lié à un contexte sociologique qu’à un patrimoine génétique. On sait aussi que plus du tiers des affaires en cour d’assises concerne des affaires sexuelles sur mineur de moins de quinze ans avec personne ayant auto- rité. C’est une évolution. L.P.B. : Le criminel né : est-ce une impostu-

re ou une réalité ? J.-M.B. : C’est aberrant de penser que l’on naît criminel. On le devient en fonction des circonstances. L.P.B. : Des séries comme “Les experts” font le plein en audimat. Ressentez-vous ce regain d’intérêt lorsque vous dispensez vos cours à la faculté de Besançon ? J.-M.B. : Ces séries n’ont rien à voir avec la réalité (rires). J’ai créé unMas- ter (Bac + 5) spécialisé en criminolo- gie qui attire de plus en plus les étu- diants. Ils étaient près de 150 à la rentrée. Propos recueillis par E.Ch.

L’universitaire bisontin Jean- Michel Bessette a récemment co- écrit “Les grandes affaires crimi- nelles en Franche-Comté”.

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