La Presse Bisontine 123 - Juillet-Août 2011

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 123 - Juillet-août 2011

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POLITIQUE

Une pro-Aubry Barbara Romagnan en route pour les législatives

L a Presse Bisontine : Comment réagis- sez-vous par rapport à l’évolution de l’affaire D.S.K. ? Barbara Romagnan : Mal. Contrairement à ce que les enquêtes d’opinion ont l’air de dire, cette affaire a des effets dévas- tateurs sur la classe politique et sur les rapports des gens à la politique. Déjà que l’image des politiques était sérieusement dégradée, à tort ou à rai- son, cette affaire ne fait que l’aggraver. Et au-delà du drame humain, cette histoire est une vraie caricature avec d’un côté l’homme blanc et puissant qui peut s’offrir ce qu’il veut et de l’autre la jeune femme noire et pauvre qui subit. Une image déplorable des dérives de notre société. L.P.B. : Et en tant que femme ? B.R. : J’ai été particulièrement choquée du décalage d’expressions dans les opi- nions émises. Par le fait qu’on a trop oublié le fait que, s’il y a une pré- somption d’innocence, il y a aussi une présomption de légitimité de la paro- le de la victime présumée. En France, il y a un viol tous les trois quarts d’heure ou toutes les heures et seulement une femme sur dix porte plainte, tout sim- plement parce que sa parole est décré- dibilisée d’emblée. Ensuite, il faut arrê- ter de dire que parce qu’un homme est très intelligent, il ne peut pas com- mettre ce genre de choses, comme si un violeur devait être forcément black ou arabe. Les violences sexuelles concer- nent toutes les couches sociales. Enfin, il est impensable de sortir des énor- mités comme l’a fait Jack Lang en disant qu’il n’y avait pas mort d’homme, c’est simplement affreux. L.P.B. : Donc que D.S.K. soit hors course, ça ne vous perturbe pas plus que ça ! C’était le poulain par exemple de Jean-Louis Fousse- ret, ce n’était pas le vôtre ? B.R. : Non, je n’ai jamais soutenu la candidature éventuelle de D.S.K. Je pense que si elle se déclare, Martine Aubry ferait une bonne candidate. Elle a eu notamment le mérite de remettre les gens collectivement au travail, non seulement les socialistes mais aussi les syndicats, le monde associatif… Elle a eu aussi le mérite de faire voter aux socialistes le non-cumul. Après le calamiteux congrès de Reims, Marti- ne Aubry a aussi réussi à mobilier les troupes et à retrouver un minimum d’humilité. Elle incarne une dimen- sion humble, modeste. Elle peut enfin contribuer à redonner de la crédibili- té au personnel politique. C’est néces- saire parce que j’estime qu’on n’a jamais eu autant besoin de politique que main- tenant, pour tenter de contrer le libé- ralisme économique. législatives de 2007, elle s’aligne à nouveau en juin prochain. Avec un discours qui se veut franc et direct. La conseillère générale P.S. du canton de Planoise est une des valeurs montantes de la gauche bisontine. Après avoir frôlé l’élection aux

Barbara Romagnan enseigne la philosophie au lycée agricole de Dannemarie- sur-Crète.

règles. Le problème en France, c’est que si ça ne fait pas trente ans qu’on fait de la politique on n’est pas tou- jours reconnu. Il faudrait donc une loi applicable à tous qui limite le nombre de mandats. En politique, c’est com- me en matière de consommation, on se nourrit de ce dont on a besoin, puis on doit penser aux autres. L.P.B. :Vous qui vivez à Planoise, qui êtes une élue de Planoise, comment jugez-vous l’évolution de ce quartier ? B.R. : Il va plutôt dans le sens d’une dégradation mais ce n’est pas parce qu’il serait plus une zone de non-droit qu’avant. C’est qu’en France, comme à Planoise, il y a de plus en plus de repli sur soi, de méfiance, moins d’ouverture. Ici, on n’a pas attendu la crise pour avoir des difficultés mais il est clair que ce repli sur soi dégrade le quotidien d’un quartier comme Pla- noise. L.P.B. : Comment se sentent traités les habi- tants de Planoise ? B.R. : Les habitants réclament parfois plus de présence, car la présence, poli- cière ou autre, c’est une action en soi. Les gens ont parfois l’impression qu’on se moque d’eux et que si au centre-vil- le il y avait des rodéos de scooters, on mettrait moins de temps à les faire cesser. L.P.B. : Un mot pour terminer à propos du débat sur l’assistanat, le R.S.A. ? B.R. : On a entendu beaucoup de contre- vérités sur ces sujets. Le R.S.A., c’est à peine 43 % du S.M.I.C. Pour les étran- gers non communautaires, le délai pour y prétendre est de 5 ans de rési- dence en France contrairement à ce qu’on a pu dire. La contrepartie, dans une société riche comme la France, c’est justement ce devoir d’assistance. Des tricheurs et des feignants, il y en a partout et ce n’est pas le propre des pauvres. Je ne défends pas l’assistanat, mais l’assistance, oui. Aux gens fra- giles qui ne peuvent pas travailler pour diverses raisons, on leur doit l’assistance. Propos recueillis par J.-F.H.

relation de proximité quel que soit le man- dat que l’on exerce. J’estime aussi que la proximité n’a pas que du bon car on confond parfois la proximité et le clientélisme. Il faut savoir garder une cer- taine distance et je pen- se que l’on n’est pas contraint au motif que l’on est homme ou fem- me politique de devoir répondre à chaque situation particulière. Mais il faut savoir tra- vailler au plus près avec les gens dont le métier est d’être au quotidien dans la proxi- mité. Il y a une nuan- ce. En politique, il est nécessaire qu’il y ait de la place pour

élection présidentielle ? B.R. : Ce sera de retrouver la recette du “comment vivre ensemble” à l’heure où les différences de salaires n’ont jamais été aussi grandes. Un des enjeux de cette campagne sera de proposer de réformer l’impôt de manière à per- mettre de retrouver une vraie marge économique. Comment comprendre que la France, qui est encore dans les 10 premières puissances du monde, soit capable de laisser 15 millions de pauvres ou de personnes qui risquent de tomber dans la pauvreté ! Une vraie réforme fiscale, c’est la clé de la pro- chaine présidentielle. L.P.B. : Vous avez été secrétaire nationale du P.S. chargée de la rénovation. Une expérien- ce dont vous ne semblez pas avoir gardé un souvenir impérissable ? B.R. : On m’a proposé ce poste parce qu’aux yeux du parti j’étais de celle qui pouvait incarner cette idée de réno- vation. J’ai occupé ce poste de 2005 à 2007. J’ai laissé tomber simplement

L.P.B. : C’est votre côté rebelle et indépen- dant ? B.R. : Non, mais je pense qu’on dit les choses plus librement, ça n’a rien à voir avec un membre d’une équipe municipale qui est tenu par l’équipe justement. L.P.B. : On n’a donc aucune chance de vous voir figurer en bonne place sur une liste lors des prochaines municipales ? B.R. : Je n’exclus rien du tout. Il y a une dimension honorable d’être un des représentants de sa ville mais ce n’est pas ma priorité. Je suis bien dans mon mandat d’élue locale et de militante socialiste. L.P.B. :Votre priorité alors, c’est plutôt un man- dat de député à côté duquel vous êtes passé très près en 2007 ? B.R. : Je viens de faire part en effet à mes camarades socialistes de mon sou- hait de poursuivre ce que j’avais enta- mé avec eux en 2007. Ce sont les mili- tants qui décideront en novembre.Mon expérience depuis 2008 à Planoise, mon score de 2007, tout cela me don- ne, je pense, une certaine légitimité. Je suis prête et décidée, sans oublier que dans tous les cas, il vaut mieux avoir en politique deux doigts d’humilité. L.P.B. : Françoise Branget que vous affronte- rez certainement l’an prochain ne fait-elle pas correctement son travail ? B.R. : Françoise Branget fait ce qu’elle a à faire, le mieux qu’elle peut. Je n’ai aucun reproche personnel à lui faire. L.P.B. : Vous qui êtes une farouche partisane du non-cumul, quelle serait votre décision en cas d’élection au Palais Bourbon ? B.R. : Je me mettrais évidemment en conformité avec ce que j’ai toujours dit en quittant mon autre mandat. C’est important que les mots aient du sens en politique. L.P.B. : Le risque d’un mandat unique de par- lementaire, c’est de perdre pied avec la proxi- mité, non ? B.R. : Je pense qu’on peut être dans une

“La proximité n’a pas que du bon.”

l’émotion, mais surtout pour la raison. Depuis que je milite et que j’ai unman- dat, j’essaie de me garder de rapports trop personnels. Il y a un mot qui me paraît très important, c’est celui de décence. L.P.B. : Qui sont vos modèles locaux en poli- tique ? B.R. : Je suis très reconnaissante aux gens qui sont capables de décider à un moment qu’il est sage pour eux d’arrêter. Car je sais à quel point c’est dur de le décider. Je pense par exemple à Pau- lette Guinchard à l’Assemblée Natio- nale ou à Annie Roy-Ménétrier au Conseil régional par exemple, ou enco- re quelqu’un comme Joseph Pinard. Ce sont des gens qui ont fait leur part de travail et qui se retirent dignement. L.P.B. : Le contraire d’un Jean-Louis Fousse- ret qui postule à nouveau aux législatives ! B.R. : Non, je n’ai pas dit que je ne com- prenais pas quelqu’un comme lui qui n’a pas envie d’arrêter car il estime qu’il a encore des choses à défendre. Il y a une dimension à évaluer par rap- port aux limites qu’on se fixe. Il faut être capable de se fixer soi-même les

parce que je me sen- tais inutile à cette fonc- tion et je n’ai jamais eu les moyens de faire ce que j’avais à faire. Je n’étais sans doute pas taillée pour ce gen- re de fonction. L.P.B. : En 2008, vous avez choisi de briguer un poste de conseillère générale,une fonction pas vraiment “pal- pable” en milieu urbain, plutôt que de vous posi- tionner auprès du maire de Besançon. Pourquoi ? B.R. : J’ai choisi les can- tonales parce que c’est plus facile d’être libre et autonome dans le cadre d’un mandat comme celui-ci qu’au sein d’une équipe municipale, même si sur le principe je suis favorable au scrutin de liste à la proportion- nelle.

“Un violeur devrait être forcément

black ou arabe ?”

L.P.B. : Quel sera le principal enjeu de cette

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