La Presse Bisontine 123 - Juillet-Août 2011

DOSSIER

La Presse Bisontine n° 123 - Juillet-août 2011

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PORTRAIT

Depuis six ans Daniel Mourey, gardien de la cathédrale Saint-Jean L a cathédrale Saint-Jean n’a plus de secrets pour lui. “ Je suis un peu le Quasimodo des lieux” sourit-il en avalant les Chaque jour, il ouvre et ferme la grande porte de la cathédrale pour le public. Daniel Mourey veille à ce que tout aille bien dans ce lieu qui n’a plus de secrets pour lui.

tie mesure quarante centimètres de long. C’est un monument à elle seule.” Il n’y a guère que la serrure de la porte du trésor contre laquelle il ne peut rien, car le passe est aujourd’hui déte- nu par la Direction Régionale des Affaires Culturelles. Plusieurs fois par jour, Daniel Mourey vient faire son petit tour, en ce moment un plus que d’habitude. Depuis que la D.R.A.C. a lancé les appels d’offres pour réaliser des tra- vaux de couverture, c’est lui qui se charge de faire visiter la char- pente aux entreprises. “ C’est 1 000 marches par jour” lance- t-il. De quoi tenir en forme ce sexagénaire qui dispose d’une bonne condition physique. Il y a tout juste un an, Daniel Mou- rey quittait Besançon à bicy- clette pour rejoindre Bistrita en Roumanie, la ville jumelée à la capitale comtoise. Il a parcou- ru 2 000 kilomètres en trois semaines pour défendre la cau- se des enfants handicapés.Le monde associatif fait partie de sa vie. Il y a fait ses premiers pas à l’âge de 14 ans. Aujour- d’hui, il est un bénévole de l’ombre à l’E.S.B.-M. Et il chan- te aussi dans le Chœur des Ché- nestrels qui fêtera bientôt son cinquantième anniversaire. “ La musique,c’est mon plaisir” confie- t-il. Daniel Mourey ne rechigne pas à faire des heures supplé- mentaires lorsque la cathédra- le Saint-Jean accueille un concert. Il veille, assis aumilieu de l’assemblée. Une fois le der- nier parti, il refermera la porte après s’être assuré que tout est en ordre. “ Je suis attentif à ce

que tout aille bien et à ce que les gens respectent ce lieu.” Par habitude, il jet- te toujours un coup d’œil derrière l’autel du Saint-Suaire pour s’assurer “ qu’il n’y a pas un type caché là. Je regar- de aussi dans le confessionnal. Je fais le tour sérieu- sement, car je sais que dans le passé il

250 marches qui mènent au clo- cher. Il s’appelle Daniel Mou- rey, mais pour tout le monde ici, c’est Daniel tout simplement. Cela fait six ans que ce vaillant retraité de l’industrie âgé de 61 ans occupe la fonction de gar- dien de la cathédrale. Le matin à 9 heures et le soir à 19 heures, c’est lui qui ouvre et ferme la grande porte de l’édifice reli- gieux. Avec le temps, il a appris à connaître cet endroit dans ses moindres recoins. Muni d’un trousseau de cinquante clefs, il ouvre toutes les portes, de la crypte, de l’ancien appartement du gardien, ou encore celle qui donne accès aux combles qui filent au-dessus de la nef cen- trale. “ La clef de la grande sacris-

“La musique, c’est mon plaisir.”

est arrivé à deux ou trois reprises que des personnes se retrouvent enfermées dans la cathédrale.” Daniel Mourey ne se lasse pas de venir dans cemonument dont il commence à bien connaître l’histoire à force de lecture et de rencontres. Il apprécie le char- me des lieux lorsqu’ils sont bai- gnés par le soleil qui traverse les vitraux le matin. Le gardien n’hésite pas à dialoguer avec les visiteurs qui passent la porte. “ Quand je vois des personnes curieuses, je discute avec elles de choses et d’autres. Je leur don- ne quelques renseignements sur la cathédrale.” Et puis il y a les habitués qu’il laisse en paix com- me cette dame qui chaquematin fait le chemin de croix en s’arrêtant à chaque station. Pour respirer, il arrive parfois à Daniel Mourey de monter tout en haut dans le clocher de Saint- Jean. C’est une vigie, battue par le vent, où il n’y a la place que pour une seule personne. Mais de là, la vue est imprenable sur Besançon. C’est le privilège du gardien. T.C.

Daniel Mourey est chargé aussi de faire sonner les 10 cloches de Saint-Jean aux grandes occasions.

HISTOIRES Petites anecdotes de Saint-Jean - Notre-Dame des Jacobins brave le destin

Ce tableau accroché au fond de la chapelle du Saint-Sacrement a une histoire singulière. Peinte en 1630 par le Florentin Domenico Cresti dit Il Passignano, elle a échappé à plu- sieurs destructions. La première, jus- te après son exécution, lors de son expédition par bateau depuis l’Italie. Échouée sur une plage entre Sète et Marseille suite au naufrage du bateau qui l’amenait en France, elle sera retrouvée intacte un an et demi après le naufrage. Plus récemment, elle a échappé au désastre provoqué par quelques illu- minés. Un homme avait allumé un brasier avec du papier et des cierges entassés à l’entrée de la chapelle. L’incendie avait été maîtrisé à temps. Le saccage le plus récent a été le fait d’un schizophrène néo-nazi au milieu des années 2000. “Il venait souvent à la cathédrale habillé en nazi et pro- férait des “Heil Hitler” et des insultes à voix haute. Un jour, il est revenu armé d’un couteau à la Rambo et a découpé le visage de la Vierge avant

Notre- Dame des Jacobins.

- Les illuminés de Saint-Jean La cathédrale a ses visiteurs un peu loufoques. Comme ce père de famille un peu dérangé qui venait régulière- ment se planter devant une sculptu- re du Christ et qui proférait à Jésus : “Descends de ta croix, je vais te casser la g…. C’est à cause de toi que je divor- ce !” Ou cet autre individu qui s’est fait une spécialité de piquer dans les troncs de Saint-Jean. Pour se faire oublier après les dernières visites, il se cache dans un confessionnal avant de commettre son forfait. - La Vierge aux saints C’est LE chef-d’œuvre pictural de Saint-Jean. Réalisé en 1512 par Fra Bartoloméo, un peintre ami de Raphaël, cette Vierge aux saints est une œuvre majeure de la Renaissan- ce italienne. C’est une peinture sur bois aux couleurs toujours éclatantes.

de le jeter dans une poubelle. À? 5 minutes près, elle était ramassée et emmenéeà l’usine d’incinération de Planoise” se souvient le gardien de la cathédrale. Après une minutieuse opération de restauration qui a duréun an et demi, Notre-Dame des Jacobins a retrouvé? son emplacement, munie cette fois d’une vitre de protection.

- Les tailleurs de pierre Comme de coutume dans de nombreux édifices religieux, les tailleurs de pier- re s’en donnent parfois à cœur joie pour croquer discrètement leurs contemporains ou leurs confrères. Il faut se rendre au fond de la cathé-

drale, à droite du chœur, pour aper- cevoir ce petit détail architectural lais- sé là en souvenir par un des tailleurs de pierre qui croqua le visage de l’architecte en lui affublant des oreilles… de cochon. J.-F.H.

La Vierge aux saints, peinte en 1512.

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