La Presse Bisontine 118 - Février 2011

La Presse Bisontine n° 118 - Février 2011

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LE DIRECTEUR DE LA RODIA

500 euros pour les associations

“Avec la Rodia, on change d’histoire”

sensibilisation aux risques audi- tifs. Autant de choses que nous avions lancé à Larnod mais que nous pourrons optimiser ici. Nous organiserons aussi des causeries sur différents thèmes comme les droits d’auteur, les musiques du monde… Nous nous devons aussi d’être un moteur pour fédérer les acteurs de la musique et mettre en pla- ce des actions originales. Le rôle d’une structure comme la nôtre est aussi d’amener ses compé- tences à l’extérieur. Exemple : c’est nous qui assurons déjà la programmation d’un lieu com- me le Surabaya à Villers-le-Lac dans le Haut-Doubs. L.P.B. : Une grande salle de 950 places, n’est-ce pas trop grand pour les musiques actuelles et pas assez pour attirer de grandes affiches ? M.C. : Au-dessus de 1 000 places,

on est contraint de programmer des artistes qui font le plein. Notre rôle est aussi d’être un lieu où doit passer la création. L’avantage de la configuration de la Rodia, ce sont ses deux salles. Si un artiste programmé dans la grande salle est loin de faire le plein, on peut se rabattre sur la petite salle. Et vice-ver- sa d’ailleurs si un groupe rem- plit plus que ce que nous comp- tions, on peut le programmer dans la grande salle presque au dernier moment. On a vraiment un bel équipement. Avec la Rodia, on change d’histoire. L.P.B. :Vous lorgniez depuis longtemps sur le poste de directeur cette S.M.A.C. ? M.C. : L’histoire remonte à la fin des années quatre-vingt quand le rock a commencé à sortir de l’ombre. J’ai monté trois ou quatre dossiers à Besançon, sans qu’ils aboutissent. Puis il y a eu l’aventure du Cylindre en 1997 et quand le maire a sorti ça dans son programme en 2001, on a évidemment soutenu le projet. Mais c’est la ville elle-même qui s’est rapprochée du Cylindre tout simplement parce qu’il n’y avait plus que nous. Tout cela s’est fait naturellement. On m’a proposé un temps partiel pour définir le projet à partir de 2005. La ville m’a nommé directeur le 1 er octobre dernier. Elle a sui- vi sa logique. L.P.B. : Ça gagne combien un direc- teur de la Rodia ? M.C. : Dans les 3 000 euros par mois.

Manou Comby dirigera la S.M.A.C. bisontine avec sa longue expérience des musiques actuelles. Il répond sans détours aux questions, même embarrassantes.

L a Presse Bisontine :Vous avez un outil extraordinaire entre les mains. Qu’allez-vous en faire ? Manou Comby : Le principal objec- tif est de toucher de nouveaux publics. Les musiques actuelles ont un noyau dur de 200 à 300 fidèles à Besançon, des gens qui venaient par exemple systé- matiquement au Cylindre. Il est évident que désormais nous aurons la possibilité de faire des choses qu’il était impossible de faire à Larnod. Il n’y a qu’à voir la programmation des trois jours d’inauguration. Il y a plein de

formations qui n’auraient pas pu se produire à Besançon avant la Rodia. L.P.B. : Cela suffira ? M.C. : Pour attirer de nouveaux publics, il faudra aussi que nous sachions donner le goût de la musique à l’extérieur en faisant venir du public. En cela, le tra- vail qui est prévu à destination des scolaires est fondamental. Des rencontres sont d’ores et déjà prévues pour les collégiens et les lycéens de Besançon. Nous prévoyons aussi des concerts en maison d’arrêt, des ateliers de

Le créateur du Cylindre de Larnod, Manou (alias Emma- nuel) Comby, est désormais aux commandes de la Rodia.

ou avec le festival Génériq. On participe aussi au groupe “char- te des bars” qui défend juste- ment l’idée d’une diffusion dans les petits lieux. L.P.B. : Certaines associations criti- quent déjà les tarifs de location de la scène à la Rodia. M.C. : On leur propose justement un tarif spécifique pour avoir à disposition la petite salle (“le club”), avec le plateau technique monté par nos équipes, des tech- niciens, des agents de sécurité, le tout pour 500 euros. Certaines trouvent que c’est encore trop cher car elles voudraient payer zéro. Je ne suis pas d’accord avec ce principe. La plupart des asso- ciations ont bien compris que ce tarif est plus que raison- nable. Propos recueillis par J.-F.H.

ge, la pression monte ? M.C. : Je me suis donné un an pour montrer à tout le monde le bien-fondé de ce projet. Nous sommes 8,5 équivalents temps plein pour faire tourner la bou- tique. Ce n’est rien de trop. L’idéal serait d’être 10 personnes. Une partie du personnel vient du Cylindre. Tout cela répond à une double logique : sociale et de projet. L.P.B. : La Rodia ne va-t-elle pas tuer les bars bisontins ? M.C. : Je pense qu’on leur appor- tera plus qu’on leur enlèvera. À part le Cousty qui fait 300 places, les bars ont une capaci- té entre 60 et 100 places, on ne leur marchera forcément pas dessus. Nous continuerons à travailler avec les bars, notam- ment avec la rentrée étudiante

COMMENTAIRE

Une institution bisontine

La dure réalité des concerts Le Cousty, rue de Dole à Besançon, est une des insti- tutions bisontines de la nuit. Son patron a vu évoluer les mentalités en trente-cinq ans. L’organisation de concerts est de plus en plus compliquée.

I nutile de se faire dumal en se retour- nant. L’âge d’or des bars et des concerts est bien révolu. En tout cas pour l’instant. “Avant, on pro- grammait n’importe quel groupe et on remplissait la salle. Aujourd’hui,même une pointure n’attire plus les foules. Les concerts, ça devient très très compliqué” assure GérardMercier, l’emblématique patron du Cousty qui entame sa 34 ème année à la tête de l’établissement qui dispose d’une jauge de 350 places en concert. Alors une S.M.A.C. dans ce contexte, est-ce bien raisonnable ? “Je leur souhaite de réussir, c’est un équi- pement qui manquait à Besançon. Mais l’organisation de concerts est devenue quelque chose de franchement diffici- le” ajoute le boss du Cousty. “J’ai vrai- ment levé le pied avec les concerts, j’essaie de prendre le moins de risques possibles. Je gère au coup par coup” dit-il pru- dent.

Aujourd’hui, plus question de donner le moindre cachet à des artistes. “On leur met à disposition la salle, ils pren- nent les entrées et je prends le bar.” Mais encore faut-il que le public accep- te de payer une entrée. “ a devient de plus en plus difficile à faire comprendre qu’une entrée à un concert est payan- te. Les jeunes ont pris l’habitude de tout télécharger gratuitement, ça les choque qu’on leur fasse payer une entrée. Sur ce point-là, les choses ont beaucoup changé” ajoute Gérard Mercier. Alors la formule plus souple, il l’a trouvée : quand il veut organiser des soirées spé- ciales, c’est désormais à un D.J. qu’il fait appel. Seul avec sa petite valise, c’est forcément moins coûteux que tout un groupe à loger et à nourrir. Le Cousty a vu en 35 ans les menta- lités et les habitudes de consomma- tion évoluer radicalement. “Avant, c’est nous qui amenions de nouveaux tubes

L.P.B. : À quelques jours du démarra-

qu’on faisait tenir pendant des mois. Aujourd’hui, ce sont les jeunes qui m’amènent leurs titres, on ne peut plus les surprendre.” Même chose pour les habitudes de consommation. C’est désormais dans les appartements que les jeunes boivent des verres, avant d’aller éventuellement terminer la soi- rée dans des clubs comme le Cousty qui ouvre depuis deux ans selon les horaires d’une boîte de nuit, jusqu’à 5 heures du matin. “On voit régulière- ment des jeunes arriver avec un sac à dos rempli de bouteilles. Bien sûr, ça ne passe pas…” Pas nostalgique pour autant, Gérard Mercier poursuit sa mission entamée le 1 er juillet 1977. Il espère que “l’esprit concert reviendra” , que l’on est en ce moment que “dans une phase de flot- tement.” L’ouverture de la Rodia joue- ra peut-être comme un catalyseur auprès des amateurs de musiques actuelles qui fréquentaient assidûment les bars comme le Cousty, condamné à toujours à innover. En partenariat avec le bar de l’U, Gérard Mercier a mis en place un nouveau système de navettes de bus pour acheminer les étudiants du centre-ville vers son établissement. Innover, ou végéter, dans lemonde deve- nu impitoyable des cafés-concerts. J.-F.H.

Festivités Trois jours

d’inauguration Lʼ inauguration de la Rodia sʼétale sur trois soirs, du jeudi 27 au samedi 29 janvier. Le jeudi soir, cʼest “open S.M.A.C.” avec des concerts non-stop dans les deux salles, ouvertes gratui- tement au public. Au programme notamment, la franco-suédoise Fre- drika Stahl and Co (compositions jazzy chantées en anglais et par- fois en français, teintées de bossa, de blues, et même de pop) ou encore Heavy Trash (groupe de rock basé à New York à la musique très éclectique : blues, rock indépendant, rockabilly, punk rock). Le lendemain 28 janvier, concerts - payants cette fois-ci - avec au pro- gramme Lilly Wood ans the Prick (musique folk, pop et électro), Bird- pen (groupe de rock anglais) et Slide on Venus, des Bisontins qui ont remporté à lʼautomne dernier à Paris, le titre de “meilleur groupe rock français”. Le samedi 29 janvier enfin, cʼest la journée “Rodia portes ouvertes” avec visites guidées de lʼédifice musical dès 11 heures, concert jeune public à 17 heures, “en famille” avec The Ninoʼs (chanson française acoustique, largement influencé par Nino Ferrer). Renseignements au 03 81 87 86 00

“J’espère que l’esprit concert reviendra.”

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