La Presse Bisontine 118 - Février 2011

La Presse Bisontine n° 118 - Février 2011

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ASSOCIATION L’intégration par le sport Le karaté prépare au combat de la vie Entraîneur du Planoise Karaté Academy, Ali Yugo a créé un réseau permettant à ses licenciés de trouver des stages en entreprise. En contrepartie, il est intransigeant avec le respect des règles.

Ali Yugo (3 ème en partant de la gauche) avec une partie de ses élèves au Pla- noise Karaté Academy.

P as une sortie dans la rue sans qu’il ne soit interpel- lé. Un Bonjour par-ci, une poignée de main par là,Ali Yugo est chez lui à Planoise, ce quar- tier qui l’a accueilli en 1988 lors de son arrivée du Burkina-Faso. Aujourd’hui, il rend la pareille avec son club de karaté donnant aux jeunes Planoisiens l’occasion de se défouler, s’intégrer. Sou- vent, son téléphone sonne. Au bout du combiné : des personnes lui demandent de l’aide “pour savoir comment procéder pour un mariage, un décès, ou pour

trouver un job” , dit-il humble- ment. Il répond dans la limite de ses possibilités en sachant que sa médiatisation lui a quel- quefois joué des tours : “L’erreur est que les gens pensaient que je travaillais avec les journalistes pour manger… Les galères, je connais, même si je n’ai man- qué de rien” précise-t-il. Avec sa cinquantaine d’élèves qu’il entraîne plusieurs fois par semaine dans le gymnase du collège Diderot, les méthodes sont simples : on dit bonjour lorsque l’on rentre sur le tata-

mi, on respecte son adversaire sans toutefois baisser la tête. Dans la vie, c’est pareil. Tous les licenciés au club, jeunes pour la plupart, respectent ces règles. D’ailleurs, Ali veille, sachant qu’il se rend dans les établissements scolaires pour rencontrer le principal ou la conseillère pédagogique d’éducation. Il lit les bulletins, les appréciations, le comporte- ment en classe. Si un de ses pro- tégés se comporte mal, c’est la porte. “Je peux valoriser un élè- ve qui n’est pas très fort en kara-

raison d’être du club et d’Ali : “Mettre en relation les jeunes dont les parents ont peu de connaissances avec des chefs d’entreprise ou décideurs. C’est terrible mais rien que pour le stage de troisième, les collégiens ne trouvent pas d’entreprise pour les accueillir…Du coup, ils sont montrés du doigt dans leur éta- blissement. On ne peut pas accep- ter !” Ainsi, maître Yugo leur explique comment appréhender un entretien, comment s’habiller, comment parler, comment réa- liser son press-book . Parfois même, il les accompagne. Car ici et plus qu’ailleurs, l’étiquette “Planoise” colle à la peau. “On ne va pas dire que c’est la faute à leurs parents s’ils n’ont pas de réseaux !” s’offusque-t-il. Du tatami à la politique, il n’y aurait qu’un pas… qu’Ali se défend de franchir “car faire de la politique, c’est comme vivre des problèmes des gens. Moi, je préfère agir dans mon coin et si tu es régulier dans ce que tu fais, les gens te font confiance.” Visi-

blement, cela fonctionne et ses élèves le lui rendent bien avec des médailles toujours plus nom- breuses. Outre Planoise, l’ancien cham- pion de France de karaté inter- vient à la maison d’arrêt de Besançon où une convention signée lui permet d’aider les détenus une fois leur sortie de “taule”. “On fait une activité phy- sique martiale et j’essaie par exemple de construire un projet sportif avec le détenu pour qu’il obtienne par exemple une licen- ce. On sent ceux qui ont envie de s’en sortir. Avec mon expérience, je peux être utile.” Optimisme pour les jeunes cherchant une issue, il l’est toutefoismoins pour son quartier : “Tant que l’on cher- chera à enfermer des gens dans une case parce qu’ils sont de tel- le couleur ou de tel quartier, on n’y arrivera pas.” À sa manière, Ali combat les inégalités. Une lutte de tous les jours.

té en lui donnant une ceinture s’il a de bonnes notes” nuance Ali, à la fois respecté et redou- té. L’homme parle beaucoup. Heureusement, il ne brasse pas du vent. Preuve en est lorsqu’il interpelle un artisan de Planoise, juste devant Intermarché, en lui demandant s’il pouvait prendre un de ses élèves en stage. Le chef d’entreprise donnera son contact et ouvrira son réseau.C’est l’autre

E.Ch.

CRÉATEUR DE LIEN SOCIAL Jeunesse à canaliser D evant le centre Mandela, des gamins s’amusent, sautent, crient de joie, se chamaillent. Comme tous les enfants de leur âge, les bambins de Planoise sont plein de vie. Et com- me les autres, ils ont besoin d’être canalisés. “Un peu plus qu’ailleurs” admet le directeur remplaçant des Francas Fran- çois Ducouloux. Association d’éducation populaire reconnue et agréée, les Fran- cas agissent pour l’accès de tous aux loisirs et à la citoyenneté permettant à des centaines de jeunes habitants de bouger avec le centre “Rosa Parks” situé devant le centre Mandela. Les enfants sont-ils plus durs ici ? “Non” , répond le directeur remplaçant François Ducouloux. Il a dirigé d’autres centres de loisirs dans l’agglomération bisontine et à Montbéliard. Selon lui, le seul changement réside dans la mixité sociale, qui n’est pas vraiment là. “On sent de la solidarité” dit-il. Autre différen- ce : le langage. “Ici, il ne faut pas se sentir agressé par certains modes de langage” dit le directeur remplaçant tout en admet- tant que les jeunes sont ici nettement plus demandeurs d’activités.

Les Francas donnent accès aux loisirs et à la citoyenneté.

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