La Presse Bisontine 118 - Février 2011

LE DOSSIER

La Presse Bisontine n° 118 - Février 2011

17

Une nouvelle fois et malgré lui, le quartier de Planoise a fait plusieurs fois la une des médias nationaux en quelques semaines. La première mi-décembre pour la prise d’otages sensationnelle qui s’est heureuse- ment bien terminée. Pour l’anecdote, cet événement a eu son écho jus- qu’en Irak où une famille de Bagdad a saisi son téléphone pour joindre un de ses proches, résidant à Besançon, par peur que la vie de l’un de ses fils soit menacée… L’autre événement dramatique, c’est quelques jours plus tard l’agression au couteau dont a été victime un adolescent dans le quartier, stigmatisant une nouvelle fois Planoise. Pour certains, le quartier de Planoise, modèle de progrès social lors de sa construction dans les années soixante, est un quartier à la dérive. La Presse Bisontine est allée à la rencontre de ses habitants. Car sous le vernis, Planoise est autre chose que l’image qu’il véhicule. Il faut reconnaître aussi que le quartier, par endroits, est tout de même gangrené par une minorité de personnes qui pourrissent la vie du plus grand nombre. C’est aussi cela la réalité de Planoise, un quartier à deux visages, l’un souriant, l’autre plus sombre. PLANOISE, un quartier sous pression Le quartier de Planoise mérite aujourd’hui la plus grande attention si Besançon veut le défaire de cette image de “quartier sensible” qui lui colle à la peau. “C’est pas Neuilly, mais pas Chicago non plus !” AMBIANCE Impressions sur le quartier de Planoise

Carte d’identité Habitants : 20 994 (17 % de la population de Besançon, 14 % du parc de logement). Équipements : 2 gymnases, une maison de quartier, un théâtre, 2 bibliothèques. Commerces : Trois centres commerciaux (Époisses, Ile-de-France, Cassin). À proximité : lʼhôpital Jean-Minjoz, la zone commerciale Châteaufarine, une piscine, une patinoire, le parc des expositions Micropolis, les archives départementales. Éducation : 3 crèches, 11 écoles maternelles, 6 écoles primaires, 2 collèges, 2 lycées dont un professionnel. Associations : une centaine (recensées par le Centre 1901).

ajoute cet habitant. À côté de cela, la place Cassin qui a tris- te mine avec ses lampadaires désuets est balayée tous les jours par les services de la ville. “Il ne faut pas stigmatiser notre quartier” estime de son côté Jean-Noël Fleury, président de Planoise-Avenir. Il ajoute : “Il faut être intransigeant avec les fauteurs de troubles sans cas- ser le dialogue qu’une minorité veut empêcher. La paupérisa- tion des familles entraîne les parents dans les recherches constantes de solutions admi- nistratives, sociales, profes- sionnelles qui réduisent d’autant le temps consacré à l’exercice parental.” En clair : des parents démissionnent.

Ce qui est curieux à Planoise, c’est que pour garder un sem- blant de calme sur le quartier, on tolère la délinquance dans la limite de quelques trafics. “Pla- noise, c’est un peu comme une cocotte-minute qui bout. On la refroidit de temps en temps avec des C.R.S. quand il y a un gros problème, mais l’important est surtout qu’elle n’explose pas” résu- me un observateur du quartier. Ici, nombreux sont les habitants qui regrettent la disparition de la police de proximité dont les agents tissaient des liens avec la population. Et de l’avis de beaucoup, les correspondants de nuit mis en place par la vil- le avec d’autres partenaires ne font pas l’affaire car ces postes

ne sont pas occupés par des gens du quartier qui ne craignent pas d’y circuler. Planoise mérite la plus grande attention. “Ici les gens ont besoin de voir de la couleur” estime Raymond Bernard, le directeur d’Intermarché. Il faudrait peut- être que la ville réfléchisse à un grand schéma de valorisation de Planoise qui engloberait l’O.R.U., la Z.F.U., les associa- tions, etc. Elle sait le faire pour la culture et le tourisme, alors pourquoi pas pour un quartier ? Elle a sans doute les moyens d’engager une réflexion globa- le sur ce territoire à reconqué- rir. Les habitants pourraient y être associés à loisir. T.C.

“P lanoise c’est pas Neuilly, mais c’est pas Chi- cago non plus !” disait l’autre. Le quartier le plus peu- plé de Besançon n’est pas celui des extrêmes. Pourtant, au regard de la diversité de son habitat et par là même de sa population, on est tenté de dire qu’il n’y a pas un,mais des quar- tiers de Planoise. Ici, des rues bordées de petits pavillons à deux pas de Châteaufarine res- pirent la tranquillité. On se croi- rait presque à la campagne ! Là, en face, partout, le béton. Des tours, denses, massives. Les appartements empilés par strates forment de monstrueux millefeuilles. Et dire que ces constructions étaient à la mode dans les années soixante. L’idée de l’époque, qui ne déplaisait pas, était de loger un maximum de monde. De ce point de vue, ce fut une réussite. Mais per- sonne alors n’imaginait les dif- ficultés sociales qui pouvaient naître de ces vastes complexes immobiliers. Chômage, délin- quance, précarité, intégration

au moins sur deux tableaux qui se complètent : l’urbanisme et le social. Le chantier a démarré à Pla- noise avec l’O.R.U. (opération de renouvellement urbain) qui va modifier la morphologie du quartier. Il aurait d’ailleurs été souhaitable d’associer la popu- lation en amont à cette opéra- tion. Ici, beaucoup de bonnes choses se font d’un point de vue social, qu’il s’agisse du travail des associations ou de la créa- tion de la zone franche urbaine il y a six ans qui a permis de générer de l’emploi. Malgré tout ce qui peut s’y fai- re de bien, il faudra du temps et des moyens financiers pour débarrasser Planoise de son image de “quartier chaud” de Besançon où règne l’insécurité, qui lui colle à la peau. “C’est un quartier difficile, mais ce n’est pas une zone de non-droit” note un commerçant de la place. La ligne jaune n’a donc pas été fran- chie à Planoise, tant mieux, contrairement à ce qui se pas- se dans d’autres villes de Fran- ce. Pour autant, il faudrait être naïf pour ne pas voir que des voyous se sont approprié le territoire. Cassin est devenu un repère, où on vient faire du “biz”, autre- ment dit du business , celui de la drogue. Il arrive que les choses tournent mal, à la bagarre, par- fois même entre bandes rivales. Les deals se passent en pleine journée. Il arrive que des échanges aient lieu à l’intérieur de la galerie marchande. Mais que fait la police (?) dont le poste planté au pied d’un immeuble face au point public

est invisible. “Ils n’ont pas les moyens de bosser” dit un habi- tant du quartier. Il n’y a même pas d’enseigne, comme si les ser- vices de l’État cherchaient à se faire volontairement discrets alors qu’ils devraient au contrai- re occuper le terrain. “Mainte- nant, la police vient faire des rondes du côté de Cassin, mais elle passe à 8 h 30 le matin, quand il ne se passe rien. Elle devrait venir au moins en fin de journée, ce serait plus efficace. C’est un bon quartier mais il manque une présence policière”

La place Cassin est souvent squattée. Même si les jeunes ne sont pas agressifs, cela génère un sentiment d’insécurité.

difficile. Pour l’éviter, sans dou- te aurait-il fallu dès le départ accompagner ce genre ce quartier par des politiques publiques effi- caces. À défaut, la ville de Besan- çon (comme par- tout en France) prend la mesure du retard à com- bler. Il faut jouer

“Ce n’est pas une zone de non-droit.”

Made with FlippingBook - Online catalogs