La Presse Bisontine 115 - Novembre 2010

BESANÇON 16

La Presse Bisontine n° 115 - Novembre 2010

VIE MUNICIPALE

Dans l’opposition Martine Jeannin, élue en dissidence Elle n’est pas vraiment à gauche et pas franchement à droite non plus. Désormais conseillère municipale d’opposition, Martine Jeannin agit sous la bannière de la Gauche Moderne. À 56 ans, elle songe déjà aux municipales de 2014.

se marginaliser dans la majorité par ses prises de position, agaçant parfois le maire. Après cet- te expérience, sûr que Jean-Louis Fousseret ne lui aurait pas tendu la main pour l’inviter à l’accompagner une seconde fois. D’ailleurs si tel avait été le cas, elle ne l’aurait sans doute pas saisie. En revanche, elle a attrapé celle de Jean-Ros- selot, qui dans le cadre de la politique d’ouverture menée par la droite a décidé l’ex-socialiste à le rejoindre. “Je ne pouvais pas passer de gauche à droite sans réfléchir.” Il lui fallait une alter- native. Elle l’a trouvée dans le parti de la Gauche Moderne, de Jean-Marie Bockel. Créé en 2008, ce mouvement politique émerge mais il est enco- re marginal. “Il peut encore mourir comme il vient de naître.” Il est en tout cas beaucoup trop jeune pour que Martine Jeannin puisse espé- rer porter une liste sous ces couleurs lors des municipales de 2014. Cette bataille, elle ne peut l’envisager qu’en fédérant d’autres tendances politiques comme le MoDem. Sa détermination est intacte. Elle aura 60 ans dans quatre ans. Indépendante, attachée à la vie publique, elle se présentera ! “Je ne sais pas encore sous quelle forme. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il faut que ce soit une équipe regrou- pant plusieurs tendances politiques qui se pré- sente face à Jean-Louis Fousseret, et pas un seul homme ou une seule femme.” Le maire a répu- tation d’être inébranlable, bien dans sa ville de tradition socialiste. Attendons de voir. Quand elle a quitté la majorité, on l’a traitée de traître. Je crois au contraire qu’elle s’est sentie abandonnée et qu’on ne lui a pas donné d’autre choix que celui de partir.” Ce qu’ils disent d’elle Yves-Michel Dahoui, adjoint à la culture “Elle fait partie des renégats” “Martine Jeannin fait partie de ces renégats qui sont partis se vendre pour un plat de lentilles. Je me demande quel est le cheminement intellectuel lié à une pareille démarche. D’autant que lors des dernières élections législatives, Martine Jeannin a eu l’investiture du P.S. pour se présenter dans la 5ème circonscription. Ces gens-là sont des traîtres. À mon sens, la fidélité doit être une constante de la vie politique. Or, renier ses engagements pour se retrouver conseillère municipale de base dans une opposition stérile, il ne faut pas avoir beaucoup d’estime de soi-même. Nicole Weinman a le parcours inverse à celui de Martine Jeannin. Elle a quitté l’opposition pour rejoindre la majorité. Mais cela est le fruit d’un cheminement personnel qui lui a pris du temps. Elle n’a pas changé d’avis en quinze jours. Finalement, j’accorde assez peu d’intérêt à ce que fait Martine Jeannin. Manquer à ce point de conviction ne m’intéresse pas.” Catherine Gelin, opposition municipale “Une femme entière qui n’aime pas être déçue” “Martine Jeannin est quelqu’un que j’aime beaucoup. Elle a un fort caractère, et beaucoup de tempérament. C’est une femme entière qui n’aime pas être déçue. Son parcours de vie fait que son souhait est que les gens puissent s’en sortir par le travail. Proposer une assistance aux personnes est nécessaire, mais à un moment donné, il faut les pousser à se retrousser les manches pour avancer. Martine Jeannin est une battante qui a parfois ses coups de gueule. C’est une femme entière qui a besoin d’être épaulée par des gens francs et honnêtes.

Martine Jeannin souhaite prendre de la hauteur lors des prochaines élections municipales à Besançon.

D e son balcon situé au neuvième éta- ge d’un immeuble, Martine Jeannin a une vue imprenable sur la ville. Le panorama s’étend de la Citadelle aux Tilleroyes. Du bout du doigt, elle indique le H.L.M. dans lequel elle a passé son enfance au cœur du quartier de Montrapon. C’était dans les années cinquante, Besançon était encore une ville ouvrière. Une époque qui s’est éteinte avec la disparition successive des majors de l’industrie comme Lip, la Rhodia ou Weil. Le temps gomme ce trait de caractère de la ville pour en épaissir un autre plus social. Martine Jeannin le regrette. “À mon sens, on exagère trop à Besançon sur le social. Tout cela part de bons sentiments de générosité, de soli- darité. Mais il manque un côté business à cette ville qui est nécessaire.” Un propos qui surprend dans la bouche de la fille d’un ouvrier commu- niste. Mais elle ose le dire après avoir vécu com- me un échec le départ de ses enfants qui ont quitté la capitale régionale à défaut d’avoir pu y trouver un travail. “Il faut changer cela. C’est un sacré virage à prendre pour Besançon.” Mais comment ? En prenant exemple sur d’autres villes qui progressent ? En cherchant d’autres axes de développements économiques comme le tourisme ? En tissant des partenariats avec des agglomérations voisines ? Martine Jeannin n’a pas la réponse. Mais ce dont elle est convain- cue, c’est qu’il faut aller vers l’entreprise. Or selon elle, la majorité municipale ne donne pas l’impression de s’engager sur ce chemin d’un pas franchement décidé. “Ce n’est pas facile de

années plus tôt, Martine Jeannin avait déjà croi- sé la route de Jean-Louis Fousseret. Il était député, elle était cadre, syndicaliste, mobilisée pour éviter la fermeture de l’usine Weil où elle travaillait depuis une trentaine d’années. “Je me souviens avoir participé à une table ronde à laquelle siégeait Jean-Louis Fousseret, et Clau- de Guéant le préfet de l’époque. On nous a écou- tés mais ça n’a pas empêché la fermeture de l’usine. 1 500 familles étaient concernées.” Qu’il soit de gauche ou de droite, le pouvoir politique a ses limites quand il s’agit de peser sur le règle- ment d’une affaire privée (sauf à voler au secours des banques aux abois en cas de crise financiè- re).

diriger une ville, je le concède. Jean-Louis Fous- seret a développé le volet social, mais il lui manque une vision de chef d’entreprise.” Pourtant, qu’ils siègent à la Région, au Dépar- tement ou à la Ville, les élus locaux détiennent forcément une partie de la réponse au problè- me. Les adversaires politiques de Madame Jean- nin lui rétorqueront que sa critique est facile, et qu’elle n’avait qu’à faire des propositions quand elle était du côté de l’exécutif dans la majorité municipale. Ses détracteurs se réga- lent à écorner sa crédibilité en la renvoyant face à l’ambiguïté de son engagement politique : plus vraiment à gauche, pas franchement à droite et pas tout à fait au centre. En effet, après un man- dat effectué dans la majorité sous la bannière du P.S., elle siège depuis 2008 sur le banc de l’opposition, à côté du leader U.M.P. Jean Ros- selot, mais cette fois-ci avec la casquette Gauche Moderne le parti de Jean-Marie Bockel. “Je suis désormais à l’aile gauche de la droite, alors qu’avant j’étais à l’aide droite de la gauche” résu- me Martine Jeannin, assumant assez bien ce transfert. Son choix lui a pourtant valu des cri- tiques assez fortes de la part de quelques-uns de ses anciens colistiers la soupçonnant de souf- frir de schizophrénie politique. Pourtant, c’est bien dans le socialisme que Mar- tine Jeannin a ses racines. Pendant plusieurs années elle a été encartée au P.S. Elle apparte- nait donc à la même famille de cœur que Jean- Louis Fousseret qui est venu la chercher pour figurer sur sa liste en 2001. “J’ai accepté, c’était pour moi un honneur” confie-t-elle. Quelques

Élue pour la première fois en 2001, elle a occupé un siège de conseillère municipale membre de la commission urbanisme, entre autres. Elle avoue ne s’être jamais totalement sentie à l’aise dans ce groupe, tiraillée en son for intérieur entre le contenu du discours politique de gauche et la réalité du quotidien qu’elle percevait à Besançon. Problèmes de sécurité, d’immigration, “ce sont des sujets que la gauche étouffe, comme si seule la droi- te devait se préoccuper de ces questions. À plusieurs reprises on m’a reproché de vouloir abor- der ces thèmes-là.” L’électron libre Martine Jeannin a fini par

“Il peut encore mourir.”

T.C.

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