La Presse Bisontine 114 - Octobre 2010

L’ÉVÉNEMENT

La Presse Bisontine n° 114 - Octobre 2010

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IMMIGRATION SOUS TENSION

Réalité du terrain ou réalité des chiffres. Laquelle croire ? En plein débat sur la nouvelle politique de l’immigration menée à l’échelon national par le ministère, La Presse Bisontine a mené l’enquête auprès des demandeurs d’asile, réfugiés ou clandestins installés à Besançon. Qui sont-ils ? Où et comment vivent-ils ? Profitent-ils du système où sont-ils les grands oubliés ? Autant de questions et des réponses. Entrevue avec les services de l’État qui notent une baisse du flux de demandeurs d’asile alors que dans le même temps, les associations constatent un nombre de demandeurs d’asile toujours plus important. Un paradoxe dû en partie à une croissance accrue de personnes vivant “hors-cadre” ne figurant ni dans les registres des offices de l’immigration ni dans les comptages de la préfecture. Qu’on se le dise : Besançon expulse ! Une vingtaine de Roms a fait valoir récemment “l’aide au retour volontaire.” “C’est une forme d’expulsion monnayée” disent les associations d’aide aux sans-papiers, inquiètes de devoir se subsister aux missions régaliennes. Outre le climat, les situations sociales deviennent tendues : entre le manque de place en centres d’accueil, l’attente d’une éventuelle régularisation et l’entrée en clandestinité, une vie parallèle naît. La situation psychologique des réfugiés en pâtit fortement à l’image du témoignage de Siva - le vendeur de roses bisontin - qui vit aujourd’hui caché pour éviter une expulsion en Inde, son pays d’origine.

Siva, à la sortie du tribunal.

IMMIGRATION

Le constat à Besançon Vingt Roms “expulsés” de Besançon

Ils ont “bénéficié” de l’aide au retour volontaire. Si le flux de demandeurs d’asile diminue d’environ 3 % à Besançon, les associations tirent la sonnette d’alarme. Sur le terrain, la situation devient tendue.

L a proximité de la frontière fait de Besançon “un département de transit migratoire impor- tant” explique Dominique Blais, directeur territorial de l’Office français de l’immigration et de l’intégration à Besançon (O.F.I.I.) dont les bureaux sont situés avenue Car- not. Mission de cette structure réga- lienne : accueillir les nouveaux arri- vants, les guider, leur expliquer leurs droits. C’est ici, au premier étage d’un ancien immeuble bisontin que les

un chiffre aux médias mais livre une tendance : “Dans le Doubs et en Franche- Comté, on note une baisse du flux de demandeurs alors qu’il augmente d’environ 13 % en France” explique Dominique Blais. Ce chiffre sème le doute chez les associations travaillant aux côtés des sans-papier car sur le terrain, elles prétendent “devoir aider de plus en plus de sans-papier.” Vingt Roms de Roumanie ont quitté Besançon il y a quelques semaines. Ils ont traversé la frontière en bénéficiant de l’aide au retour volontaire délivrée par l’O.F.I.I. de Besançon : “Ce sont des Roms, plutôt des couples, de frères ou des sœurs” lâche le directeur territo- rial qui n’en dira pas plus. Le montant de l’aide pour une famille avoisine les 3 000 euros et 1 000 euros pour un adulte seul. Le chiffre, toujours le chiffre. Combien d’étrangers arrivent à Besançon, com- bien en partent, combien restent ? À cette question, la préfecture du Doubs a réponse. Chut, c’est secret ! Et cela l’est encore plus depuis que le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a envoyé trois circulaires (24 juillet, 5 et 9 août) aux préfets “pour expulser plus - en visant notamment les Roms” tout en

Maryse Fischer, une Bisontine qui se mobilise avec d’autres place de la Révolution pour dénoncer la politique d’immigratio.

migrants demandent de l’aide. Ici aussi qu’ils prennent connaissan- ce des papiers à four- nir pour espérer un éventuel titre de séjour. Des Pays de l’Est, Bos- nie et Kosovo en majo- rité, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, les ressor- tissants sont parfois jeunes, souvent pères de famille. Combien sont-ils à frapper à la porte de l’office ? Le directeur territorial de l’O.F.I.I. a interdiction formelle de divulguer

“Il reste des points

d’échauffeme nt en centre.”

et de l’intégration en France” nuance le directeur de l’O.F.I.I. Les collectifs sont loin d’être de cet avis : “On consta- te qu’il y a de plus en plus de personnes dans le dénuement le plus total” dit Maryse Fischer, adhérente à l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (A.C.A.T.). Gérard Marion, de la Pastorale des Migrants apporte une nuance : “Ce n’est pas de pire en pire ! Nous avons la place pour accueillir en France car l’immigration est une chance à condi- tion que trois critères soient réunis pour un migrant : avoir un logement, un tra- vail, et ne pas être dans l’insalubrité. Le problème des Roms, c’est un leurre de l’État pour ne pas parler des retraites” argumente-t-il. Plus de migrants, moins de moyens, forcément ça coince ! “Il reste des points d’échauffements dans les centres, concè- de le directeur de l’intégration à Besan- çon, mais les choses sont balisées. Ça s’améliore.” On ne demande qu’à le croire. E.Ch.

n’aurait soi-disant pas l’objectif du chiffre à l’inverse des départements du Centre de la France. Sa proximité avec la frontière lui permettrait d’avoir un “bon quota.” Soit. Les collectifs pour les “droits de l’Homme” basés à Besançon tirent la sonnette d’alarme. Réseau éducation sans frontières (R.E.S.F.) ouvre une nouvelle permanence le mercredi pour faire face à un chiffre croissant de migrants en détresse. Une anecdote révélatrice d’un état de fait : “La réfor- me de la politique d’immigration aggra- ve considérablement la situation des étrangers en rétention qui peut condui- re à la multiplication de gestes déses- pérés et à une dégradation du climat dans les centres” disent les associa- tions. Pour exemple, le nombre de places en centre d’accueil des demandeurs d’asile (C.A.D.A.) est passé de 700 (en 2001) à 540 en 2010 en Franche-Comté. “On veille à ce que les gens soient à l’abri dans les C.A.D.A. Aujourd’hui, il y a une vraie politique de l’immigration

livrant des conseils. Ainsi, un courrier écrit par le directeur adjoint du cabi- net du ministre demande aux repré- sentants de l’État dans les départe- ments à “veiller à m’informer préalablement (au minimum 48 heures auparavant) de toute opération d’évacuation revêtant un caractère d’envergure, ou susceptible de donner lieu à un écho médiatique.” En clair, expulsons, mais en silence. Le Doubs

Évolution du flux des premières demandes d’asile, mineurs accompagnants compris (source OFPRA) Régions Flux 2008 Flux 2009 Var 2008/2009* PF** 2008 PF **2009 Franche-Comté 440 427 -13 -3,00% 1,30% 1,10% Total 32928 39799 6871 20,90% 100,00% 100% * Taux de croissance du flux de l’asile en 2009 ** PF = part régionale du flux de l’asile

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