La Presse Bisontine 114 - Octobre 2010

ÉCONOMIE 36

La Presse Bisontine n° 114 - Octobre 2010

PHÉNOMÈNE Le stress au travail

DOULEUR

Une employée de La Poste témoigne

UN MALAISE, PEU DE REMÈDES Une série de cinq suicides en 15 jours vient encore de frapper France Télécom, portant à 23 le nombre de salariés qui se sont donné la mort en France en une année. Rien n’a changé alors ? Éléments de réponse à Besançon où la société a lancé des pistes pour réduire le stress au travail après le suicide d’un technicien en 2009. Qu’on se le dise, le malaise au travail n’est plus le seul apanage de cette entreprise sous le feu médiatique. Dans les autres, on déprime, en silence. Diagnostic.

La détresse d’une salariée Employée à La Banque Postale au bâtiment Demangel à Besançon, une fonctionnaire dénonce les conditions et les relations de travail. Elle avoue avoir pensé au suicide.

V iviane Papillon se dit à bout. Son travail d’assistante en crédit immobilier au sein de la Banque Postale à Besan- çon n’est plus un exutoire mais un cauchemar, “en raison de condi- tions et de relations de travail déplorables” dit-elle. Elle est actuellement en congé maladie. Si elle prend la responsabilité de témoigner dans nos colonnes, c’est avant tout “pour que son histoi- re serve aux autres.” Cri d’alerte ou pas, cette Bisontine est

te et de répondre encore plus rapi- dement au client. L.P.B. : Vous parlez de souffrance au travail. Pourquoi ? Comment se mani- feste-t-elle ? V.P. : Il y a trois ans que je tra- vaille au bâtiment de La Banque postale rue Demangel. Sans par- ler de la vétusté, des fenêtres qui ne ferment pas l’hiver, je suis arrivée dans un local où il n’y avait même pas de bureau, pas de chaise, pas de téléphone ni de P.C. Nous sommes deux pour un bureau d’une place. Consulter ou ouvrir des dossiers, c’est impos- sible. L’approvisionnement en matériel était galère. J’ai dû, moi- même, acheter des rames de papier. L.P.B. : N’avez-vous pas tenté d’alerter votre hiérarchie sur ce problème ? V.P. : Si… Il a fallu six mois pour que les choses rentrent dans l’ordre alors que d’un autre côté, on nous inflige une pression de plus en plus grande. On nous demande des résultats, de répondre vite, alors que souvent nous devons avoir connaissance de dossiers que nous n’avons

consciente des conséquences qu’une prise de position peut induire pour la suite de sa car- rière professionnelle. “Je n’ai rien à perdre. Cela fait depuis le 4 juin 1985 que je n’ai pas eu de pro- motion, que j’ai le même grade, les mêmes échelons” assure-t-elle. Fonctionnaire de son état, elle a quitté le guichet d’un bureau de poste à Besançon pour rejoindre les bâtiments de La Banque pos- tale situés au 4, rue Demangel où elle est employée comme assis- tante commerciale immobilière. Entretien. La Presse Bisontine : En quoi consiste votre travail d’assistante en crédit immo- bilier ? Viviane Papillon : Il consiste à gérer le service après-vente des crédits vendus par les conseillers immo- biliers pour un secteur géogra- phique donné. Je réponds au télé- phone, gère cinq boîtes mails en relation avec 17 conseillers immo- biliers en 2008. Lorsque ma col- lègue est absente, je me retrou- ve seule pour traiter toutes ces tâches : c’est mission impossible alors que d’un autre côté on me demande d’être plus performan-

Des conditions de travail que Viviane Papillon dit “ne plus supporter.”

Lemalaise au travail fait partie du plan d’entreprise La Poste répond L a direction de La Poste admet quʼil existe du stress au travail, comme dans toutes les entreprises. En revanche, personne ne peut lui reprocher de prendre à la légère ce sujet sensible touchant toutes les sociétés. Depuis 2009, un dispositif du stress professionnel a été mis en place où chaque salarié répond à un questionnaire lors de sa visite médicale afin dʼévaluer “son” niveau de stress. “C’est le premier levier d’alerte” dit lʼenseigne. En 2008, un observatoire de la santé a été mis en place ainsi quʼun plan de sécurité allant de 2007 à 2010 pour diminuer le nombre dʼaccidents du travail. Elle espère dʼici 2015 doter tous ses facteurs de vélos électriques pour leur faciliter les tournées. Au total, La Poste a recours à environ 1 300 personnes “pour l’accueil humain” à travers la France. “Il y a 115 médecins, 100 infirmières, 400 spécialistes du personnel, 280 assistantes sociales et 300 conseillers mobilité” détaille la direction. Ce maillage permet aux salariés dʼéviter lʼisolement. Concernant le cas précis de cette salariée bisontine, la société nʼa pas souhaité en dire plus. Elle est toutefois consciente des pro- blèmes de cette dame récemment reçue par un médecin du tra- vail. Si elle admet que le bâtiment Demangel “n’est pas le plus neuf” , la direction doute sérieusement quʼil ait fallu plusieurs mois pour apporter une chaise.

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