La Presse Bisontine 114 - Octobre 2010

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 114 - Octobre 2010

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VIE MUNICIPALE Élu depuis 2001 Jean-Jacques Démonet, porte-parole des handicapés

D ans la salle du conseil municipal, Jean- Jacques Démonet occupe le premier des pupitres disposés en “U” derrière lesquels les élus bisontins s’installent au siège qui leur est attitré. Proche de l’entrée, située en début de rang, cette place est tout simplement la plus accessible pour ce conseiller qui est en fauteuil roulant. Jean-Jacques Démonet est handicapé. Tétraplégique pour être précis. Ce sexagénaire qui ne fait pas son âge accomplit son deuxième mandat au sein de la majorité municipale dans laquelle il a le statut de délégué aux personnes handicapées. Le maire Jean-Louis Fousseret pouvait-il lui confier une mission plus évidente que celle-ci ? Qui d’autre mieux que lui pouvait comprendre la réalité du handicap et faire avan- cer des dossiers relatifs à l’accessibilité des lieux publics par exemple. Dans le monde des valides, ces préoccupations sont moins grandes. Il fallait donc quelqu’un comme lui pour défendre les inté- rêts des personnes handicapées dans une muni- cipalité sensible à l’application de principes éga- litaires. Jean-Jacques Démonet n’est pas juste là pour faire bonne figure et donner au conseil municipal l’alibi de la diversité. Le maire l’a investi d’un rôle qu’il s’efforce de tenir. Depuis 2001, l’élu de la société civile ne ménage pas ses efforts dans la conduite de projets. “Mon boulot consiste à rendre accessible tout ce qui ne l’est pas. Récemment, nous avons travaillé sur la scè- ne du Kursaal où une plateforme élévatrice exté- rieure a été installée pour les personnes à mobi- lité réduite” dit-il. C’est une action de plus,mais il en faudra d’autres pour adapter l’environnement urbain bisontin. La législation aide cet élu à agir puisqu’elle obli- ge les municipalités à rendre accessibles leurs voiries. “À Besançon, 10 millions d’euros sur 10 ans vont être investis. 90 % de la voirie seront accessibles à toutes les personnes quel que soit À soixante ans, Jean-Jacques Démonet effectue son second mandat au sein de la majorité municipale dans laquelle il est délégué aux personnes handicapées. Son job : rendre la ville accessible à ce public.

sur la liste électorale. Jamais il n’aurait pensé qu’il serait élu premier magistrat de la com- mune. “À l’époque, ça a été un événement. J’étais le plus jeune élu handicapé de France. Je me sou- viens avoir été très médiatisé. Le fait d’être élu a été une réinsertion sociale formidable.” Il fera deux mandats. Un parti politique l’a sollicité pour se présenter aux élections cantonales, mais il a décliné l’invitation, comme il refusera sans doute de s’engager pour un troisième mandat à Besan- çon. “L’envie est là mais il faut savoir mettre des barrières. Je suis à la Ville, à l’Agglo, au C.C.A.S., les 35 heures je ne sais pas ce que c’est. J’arrive à un stade où je connais mes limites. À la fin de ce mandat, j’aurai 65 ans. Quand on a quaran- te ans de fauteuil roulant derrière soi, on fatigue vite. Si je devais repartir pour un mandat, ce serait avec moins de responsabilités.” Car pour l’heure, Jean-Jacques Démonet a enco- re du pain sur la planche. Il doit préparer la 4 ème édition du forum du handicap qui se déroulera le 18 novembre au Palais des sports. Un rendez- vous dont il est le fondateur. T.C. serait bien qu’il y ait une personne handicapée au Conseil. En 2001, Jean-Louis Fousseret m’a téléphoné.” Ce qu’ils disent de lui Édouard Sassard, opposition municipale : “Il fait preuve de pragmatisme dans l’analyse des situations ” “Ce que j’apprécie chez cet élu, c’est qu’il ne tombe pas dans le combat politique. Dans les dossiers, il recentre toujours le débat sur l’humain. Il y a des échanges possibles avec cet homme, ce qui n’est pas le cas avec d’autres élus beaucoup plus sectaires. Il parle de l’essentiel, fait preuve de pragmatisme dans l’analyse des situations. Jean-Jacques Démo- net n’a jamais de jugements abrupts et sim- plistes. Les jugements sont francs. C’est une personne qui a des valeurs humaines qui dépassent les clivages politiques. Sur le dossier du trampar exemple, avec Cathe- rine Gelin qui souffre également d’un handi- cap, ils avaient chacun un avis différent sur le projet. Mais chacun à leur manière ils ont situé le débat sur l’usager qui est finalement au cœur de cette problématique.” “Sa tâche est phénoménale” “Jean-Jacques Démonet va à l’essentiel. La mission handicap dont il est investi est lour- de et importante. Il a du travail jusqu’en 2015 voire plus. La tâche est phénoménale. Je ne suis pas toujours d’accord, mais je partage avec lui des avis sur l’accessibilité. Jean-Jacques Démonet est quelqu’un qui écoute et qui essaie de faire bouger les choses. Ce qui me semble important, c’est d’aider les personnes valides à grandir par rapport au handicap qui n’est pas forcément là où on le croit. Nous vivons dans un monde qui manque cruellement d’humilité, c’est un handicap sociétal.” Catherine Gelin, opposition municipale : Jean-Jacques Démonet : “En 1995, j’avais dit à Paulette Guinchard que ce

leur handicap. Certes il restera toujours des endroits où tout le monde ne pourra pas se rendre, comme la rue de la Madeleine, mais cela est lié à la configura- tion de la ville. Je rappelle éga- lement que douze toilettes sont accessibles, ainsi que des bâti- ments publics. Mais je butte enco- re sur un point. Je me bats pour qu’on règle le problème de l’église Saint-Pierre qui ne dispose d’aucun accès possible pour les personnes handicapées. Une étu- de a été lancée, j’espère une issue favorable” annonce Jean-Jacques Démonet. Pour le créateur de la commis- sion d’accessibilité, le bilan de dix ans de mandat est assez positif. Des efforts sont encore à produi- re sur le réseau de transport en commun existant par exemple. Mais là aussi, des progrès ont été faits notamment avec la mise en place d’Évolis Ville, un dispositif réservé aux personnes à mobili-

“Une réinsertion sociale formidable.”

té réduite qui dessert les 59 communes de la C.A.G.B. “Chaque mois, huit à dix personnes de plus sollicitent ce service” observe celui qui est aussi vice-président de l’Agglo et animateur de la mission handicap. Pas à pas, le visage de la capitale régionale chan- ge et s’ouvre à la différence. À l’échelle d’une vil- le comme Besançon, 10 % des personnes sont handicapées. Leur problème n’est pas forcément visible mais elles en souffrent au quotidien. Par son statut d’élu, Jean-Jacques Démonet est deve- nu un de leurs porte-parole, au même titre que Frédéric Allemann chargé du programme de requalifications urbaines et de Catherine Gelin (opposition municipale), les deux autres élus handicapés qui siègent au conseil. “Nous sommes trois, c’est une évolution sociale phénoménale” , un signe des temps qui montre à quel point les mentalités ont progressé en quarante ans. Tous les nouveaux projets prennent en compte le han- dicap, des investissements sont réalisés pour transformer l’existant, des passerelles sont jetées en direction de l’entreprise pour favoriser l’insertion ou la réinsertion des personnes han- dicapées. Ce n’est pas le meilleur des mondes,

mais Jean-Jacques Démonet mesure le chemin parcouru. “Il y a quarante ans, quand on se dépla- çait en fauteuil roulant dans une ville, nous étions considérés comme des handicapés mentaux. Dans les hôpitaux, il n’y avait ni le côté humain, ni la prise en charge qu’il y a maintenant” se souvient Monsieur Démonet qui a quitté le monde des valides le 14 juillet 1971 à la suite d’un accident de natation. Marié, futur père, technicien ascensoriste, il avait 21 ans quand tout a basculé. Grâce au soutien “phénoménal” de son épouse et de son entoura- ge, il a traversé cette épreuve. “Mais je le dis, on n’accepte jamais le handicap, on le surmonte” confie-t-il humblement. Petit à petit, il s’est reconstruit en s’investissant dans la vie associative et politique, “que je ne connaissais pas avant cela.” Pendant longtemps, Jean-Jacques Démonet a occupé de hautes fonc- tions au sein de l’association des paralysés de France (A.P.F.). C’est un peu par hasard qu’il a fait connaissance avec la vie municipale. En 1977, il a été élu maire de Valleroy, le village du Doubs dans lequel il venait de s’installer. Des habitants sont venus le chercher pour figurer

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