La Presse Bisontine 112 - Juillet-Août 2010

L’INTERVIEW DU MOIS

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La Presse Bisontine n° 112 - Juillet-août 2010

Gros mots Si la France est en émoi depuis la mi- juin, ce nʼest pas à cause de lʼélimination prématurée de son équipe nationale dans le Mondial de football. Après tout, la Terre ne tourne pas autour du bal- lon rond, ce sport nʼest finalement quʼun jeu et vu le niveau lamentable des tri- colores depuis quatre ans, cet échec- là nʼest pas une surprise. Non : lʼissue catastrophique de ce Mondial sud-afri- cain pour la France a mis en lumière aux yeux du monde entier les dérives dʼune société tout entière. Et cette équi- pe de France en est hélas le reflet écla- tant. Rendons-nous compte que cʼest un des socles de la République fran- çaise quʼont fait vaciller les irrespon- sables jean-foutres tricolores. Cela par plusieurs attitudes : une inadmissible nonchalance sur le terrain, un mépris froid de lʼautorité, une violence verba- le que lʼon croyait cantonnée aux ban- lieues les plus perdues, une suffisan- ce et une morgue effroyables, enfin une impression extraordinaire dʼimperméabilité au drame qui les entou- raient, sorte de déshumanisation cris- tallisée dans la seule image dʼun Anel- ka, drapé en Dark Vador hilare errant dans les couloirs dʼun aéroport au moment de son renvoi. Estomaquée, la France se rendait compte que son équipe était peut-être à lʼimage du pays. Et cʼest bien cette image-là qui fait froid dans le dos et qui renvoie à leurs res- ponsabilités les plus hautes instances du pays. On pourra bien trouver des fusibles dans cette mascarade - Dome- nech, Escalettes et consorts - mais cette descente aux enfers africaine est plus lʼéchec dʼun système français tout entier où les valeurs essentielles ont fondu avec la lente dérive dʼun État qui a érigé en règles le consensus, le lais- ser-aller, la tolérance de façade, le nombrilisme, lʼindulgence et le laxis- me, au nom dʼune liberté ou dʼune sup- posée émancipation de lʼindividu. Inter- rogez aujourdʼhui les éducateurs sportifs du Grand Besançon, eux qui ont reçu en héritage les clés dʼune éducation que dʼaucuns qualifieraient de “dépas- sée” : ils pleurent de voir que leurs gamins, éblouis ou aveuglés par lʼaura artificielle de leurs idoles multi-mil- lionnaires, sont tentés aujourdʼhui de fouler au pied ces valeurs. Le respect, lʼautorité, lʼhumilité, lʼabnégation et même la soumission ne sont pas des gros mots. Osons le réaffirmer… et bon été à tous. Jean-François Hauser Éditorial est éditée par “Les Éditions de la Presse Bisontine”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : redaction@groupe-publipresse.com Directeur de la publication : Éric TOURNOUX Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction : Édouard Choulet, Thomas Comte, Jean-François Hauser. Agence publicitaire : S.A.R.L. BMD - Tél. : 03 81 80 72 85 François ROUYER - Portable : 06 70 10 90 04 Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Juillet 2010 Commission paritaire : 1102I80130 Crédits photos : La Presse Bisontine,Assemblée Natio- nale, association et organisateurs, C.A.G.B., François Ver- denet, Ville de Besançon (E. Chatelain - J.-C. Sexe).

INTERVIEW

Après l’échec des Bleus en Afrique du Sud

“Domenech peut s’exiler au Zimbabwe”

François Verdenet (ici en Afrique du Sud) a été contacté par des agents de joueurs et des cadres de la fédération pour livrer des infos sur le “drame” des Bleus.

L a Presse Bisontine : Comment l’équipe de France a-t- elle pu arriver à une telle déchéance au point d’être la risée du monde entier ? François Verdenet : C’est à force d’être renfermée sur elle-même. C’est un peu l’image d’une meute d’animaux où les joueurs ont commencé à se bouf- fer entre eux puis ont fini par bouffer Domenech. L’ambiance a été pourrie par certains. L.P.B. : Est-ce Ribéry le caïd à l’origine de la fronde ? F.V. : Ribéry comme caïd, le raccourci est bien trop facile. Le responsable, c’est Domenech et ça fait plus de six ans que nous le disons à France Foot- ball. Comme quoi nous ne nous sommes pas trom- pés… même si j’aurais préféré le contraire. Pour l’anecdote, lorsqu’il est arrivé à la première confé- rence du Mondial, sa première phrase devant plus de 300 journalistes fut la suivante : “On se dépêche, car j’ai faim et je pense que vous aussi.” Pire, il envoyait des textos en pleine conférence. La pres- se étrangère n’en croyait pas ses yeux ! des Bleus. Quasiment “ du reportage de guerre” image ce Bisontin d’origine. Envoyé spécial pour le bi-hebdomadaire France-Football en Afrique du Sud, François Verdenet a vécu en direct le “fiasco”

F.V. : C’est lui qui a choisi de couper l’équipe de l’extérieur, de choisir des camps retranchés, de multiplier les allers-retours en bus, en avion. Nous les journalistes, nous avons passé 35 heures en avion en 3 semaines ! C’est lui qui a donné le bras- sard à Évra et non à Gallas, premier motif de ten- sion. C’est lui qui a mis à l’écart Henry, le doyen de l’équipe de France et mis Valbuena à la place. La préparation physique n’était pas bonne et les joueurs réclamaient un contact avec l’extérieur, comme Évra. Domenech, c’est une coquille vide qui a toujours fait écran de fumée grâce à sa com- munication mais derrière, il n’y a rien du tout. Si

L.P.B. : Les propos d’Anelka sont terribles… F.V. : Il n’aurait jamais eu de tels propos envers Ancelotti - manager de Chelsea - mais je suis heu- reux que cette phrase soit sortie car elle justifie ce que l’on a écrit depuis longtemps. Domenech n’a jamais été respecté. L.P.B. : Comment avez-vous vécu les rebondissements (phra- se d’Anelka, pétage de plomb de Duverne, démissions) ? F.V. : En exagérant, c’était du “reportage de guer- re” car les infos arrivaient de partout. Gérard Houllier et des agents de joueurs m’appelaient pour savoir ce qui se passait au sein même de l’équipe ! Ils n’avaient aucune info. L.P.B. : Quels furent les commentaires de vos confrères de la presse étrangère ? F.V. : Un Italien m’a dit : “ S’il se passait chez nous la même chose, les joueurs ne pourraient plus ren- trer au pays.” C’est la honte. L.P.B. : Comment l’équipe peut-elle se reconstruire ? F.V. : C’est l’année 0 du foot français. La grande chance de Laurent Blanc (le futur sélectionneur) est qu’il va pouvoir tout raser et tout reconstrui- re. Il faudra du temps. L.P.B. : Et Domenech dans tout ça ? F.V. : Je n’irai pas pleurer sur son sort. Qu’il aille trouver l’asile sportif au Zimbabwe. L.P.B. : Que penser de l’intervention des politiques, Roselyne Bachelot en tête ? F.V. : C’est lamentable. Roselyne Bachelot a dû apprendre pendant la coupe du Monde que le bal- lon était rond. C’est facile de demander un audit maintenant alors que ça fait plusieurs années que nous pointions les erreurs.

en 2006 nous sommes allés en finale, c’est grâce à Zidane, Viei- ra, Makelele. Ils avaient dit à Domenech comment il fallait jouer : en 4-2-3-1. Ce sont eux qui avaient pris les clés. L.P.B. : Avez-vous parlé avec le sélec- tionneur durant la préparation ou durant le Mondial. Ces 23, sont-ils des enfants gâtés comme on a pu le lire, l’entendre ? F.V. : Je n’ai jamais parlé avec Domenech. Je ne crois pas que les Français soient plus gâtés que les joueurs italiens. L.P.B. : Quels éléments ont lancé la muti- nerie ? Gourcuff cristallisait-il les ran- cœurs ? F.V. : Gallas, Abidal et Malouda sont les premiers frondeurs. Évra et Ribéry ont suivi. Ces joueurs n’ont plus rien à perdre, alors ils ont parlé. Pour Yohann Gourcuff, il a été jalousé mais c’est aussi à lui de tenter de s’intégrer.

“C’est l’année 0 du foot français.”

Propos recueillis par E.Ch.

L.P.B. : Domenech, c’est le fautif selon vous. Expliquez-nous.

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