La Presse Bisontine 112 - Juillet-Août 2010

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 112 - Juillet-août 2010

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VIE MUNICIPALE

Adjoint à l’eau, assainissement, bâtiments municipaux

Communiste, et alors ? Christophe Lime est entré dans la vie politique par le mouvement syndical. Leader du parti communiste à la Ville de Besançon, il a la réputation d’un élu pragmatique, fidèle à ses idées. Il laisse aux autres la politique spectacle.

“C hristophe Lime, c’est un type extraordinaire” complimente franche- ment un élu de l’Agglo qui ajoute tout de go : “Mais je lui ai déjà dit “dommage que tu sois communiste !…” L’intéressé se s’offusque pas des quelques raille- ries amicales lancées à son égard à propos de son appartenance poli- tique. Ce genre de réflexion lui ins- pire toutefois un commentaire : “Les gens pourraient dire que c’est par- ce que je suis communiste que je suis un bon élu. Mais ils n’inversent pas les choses.” Il faudrait sans doute une révolution pour changer les mentalités. Même en 2010 ce n’est pas aisé d’endosser les couleurs d’un parti emblématique comme le P.C. dont l’histoire souffle les heures glo- rieuses comme les plus sombres. En France, ce parti tomberait en désuétude, à la fois ringard et pathé- tique, prétendent ses détracteurs les plus virulents qui oublient un peu vite que la fête de l’Huma réunit plusieurs centaines de milliers de personnes. Le P.C. a encore 130 000 adhérents. “Avec ce que nous pre- nons dans la tronche depuis trente ans, nous sommes toujours là. C’est peut-être que nous sommes encore vigousses” sourit Christophe Lime qui reverse l’intégralité de ses indem- nités d’élu au Parti Communiste comme il est coutume de le faire après avoir déduit quelques frais inhérents à sa fonction. Cette pra- tique en vigueur, respectée par la majorité des élus du P.C., comble 50 % du budget de cette formation. Il assume cet héritage, porté par

mouvement syndical. C’était en 1980. Le jeune homme venait d’être embauché à E.D.F. Il a eu le déclic dumilitantisme à la première mobi- lisation sociale à laquelle il a assis- té. “Quand j’ai vu ce qu’il était pos- sible d’obtenir en se mobilisant, j’ai trouvé ça magique” se souvient-il, “alors j’ai pris ma carte à la C.G.T.” Depuis, l’homme a embrassé la cau- se jusqu’à devenir permanent syn- dical à E.D.F. et coordinateur sur l’Alsace et la Franche-Comté. Entre la lutte syndicale et le parti com- muniste français, le camarade Chris- tophe qui a dans ses références Hen- ri Krasucki, n’avait qu’un pas à franchir, alors il l’a fait. “C’est la formation politique avec laquelle je me suis senti le plus en phase.” Lorsqu’un 2001, le P.C. l’a sollicité pour partir en campagne aux côtés de Jean-Louis Fousseret, promoteur de la gauche plurielle, il a répondu présent.Après la victoire aux muni- cipales, quand le maire l’a nommé adjoint responsable de l’eau, de l’assainissement et des bâtiments publics car historiquement l’eau est gérée par les communistes paraît- il, il ne s’est pas fait prier. “Je l’avoue, les deux premières années de man- dat, j’ai eu l’impression d’avoir un tsunami qui m’arrivait dessus tant j’avais de choses à apprendre sur le fonctionnement de la ville. Heureu- sement que les services techniques étaient là pour m’épauler.” Il faut imaginer ce qu’a pu ressentir un communiste, syndicaliste de sur- croît, en s’installant dans un fau- teuil de patron d’un service ayant à ses ordres une cohorte de fonc- tionnaires prêts à exécuter la poli- tique municipale. Christophe Lime n’abuse pas de ce pouvoir. Il a appris en décortiquant les dossiers qui concernent sa délé- gation tout en restant à l’écoute des services. Il partage son temps entre ses responsabilités à la mairie et son job à E.D.F. qui l’occupe 35 heures par semaine. Dans l’équipe muni- cipale comme à la communauté d’agglomération sa réputation est faite : “Un type droit dans ses bottes” dit-on. Ses interventions sont pesées, argumentées, et ses éclats de voix plutôt rares. Pragmatique, lucide, l’adjoint n’est pas un calculateur. Les manœuvres habiles, les joutes de pouvoir, la poli- tique spectacle, la tactique de com- munication ne font pas franchement partie de son répertoire. Il a dit “non” au tram tel qu’il était pré- senté, et n’a pas changé son fusil d’épaule comme il aurait pu le fai- re pour préserver la cohésion de la majorité municipale à laquelle il appartient. Dans ce dossier où beaucoup d’élus jouaient les girouettes dans la caco-

Christophe Lime pilote le plus gros chantier de rénovation en cours à Besançon, celui de la Citadelle.

phonie générale, lui n’a pas quitté sa ligne de conduite. Sa liberté d’élu est aussi celle de pouvoir défendre ses convictions. “Si un jour je ne peux plus exprimer mes désaccords, alors je quitterai ce poste d’adjoint. Les prises de décision consensuelles sont acceptables tant que vous ne reniez pas vos valeurs” affirme-t-il sans retenue. Peut-être en effet que ces 228 millions d’euros investis dans le tram auraient été plus utiles ailleurs comme il le suppose. Peut- être aussi qu’au nom du dévelop- pement durable, les collectivités ont perdu la notion de la mesure, prêtes à tous les sacrifices pour financer des projets écolos. “Je me méfie des experts qui nous dictent la condui- te à tenir pour les cinquante pro- chaines années. Quand on a rasé la porte de Battant, ce sont les mêmes experts qui disaient à l’époque qu’il fallait faire entrer les voitures dans le centre-ville. C’était l’avenir.” Si cette porte était encore debout, la Ville l’élèverait sans doute au rang de ses fleurons du patrimoine his- torique dont elle est si fière. Besançon compte Christophe Lime parmi ses plus fervents ambassa- deurs. L’adjoint qui assume un petit côté chauvin est gâté puisque le patrimoine fait partie de sa délé- gation. Un gros morceau (elle englo- be 500 bâtiments publics, 4 millions d’euros de travaux d’entretien) dont le plus lourd concerne la restaura- tion de la Citadelle. Dans le cadre du contrat de projets État-Région, 9,9 millions d’euros (hors taxes) sont engagés jusqu’en 2013. “Comme je le dis souvent, elle est superbe à voir cette Citadelle, mais désespérante financièrement.” Les deux mains posées sur les remparts de la for- teresse, Christophe Lime contemple cette ville qu’il aime. C’est ici, le nez au vent de la Boucle, qu’il vient res- pirer quand le cœur lui dit, à l’écart des fracas du monde. T.C.

Ce qu’ils disent de lui… Martine Jeannin, élue “gauche moderne” “Il n’est pas du genre versatile” “Je connais Christophe Lime depuis de nombreuses années. Avant d’être dans l’opposition, j’étais dans la majorité. Je n’ai jamais eu de problèmes avec cet élu avec lequel je tra- vaille dans la commission eau, assainissement, urbanisme. C’est un garçon agréable et dynamique. Ce n’est pas parce que je suis passée dans l’opposition qu’il m’ignore. Christophe Lime n’est pas d’un genre versatile. Fidèle à ses convictions, il a dit non au tram et a assumé cette position. Il a des idées, il intervient très justement au conseil municipal et ne se déroute pas de sa pensée. C’est à mon sens quelqu’un qui compte dans la majorité. Cet adjoint n’est pas agressif, il est posé, ce sont des qualités appré- ciées par les élus des deux camps.” Nicole Weinman, majorité municipale “Il a une pédagogie naturelle” “Christophe Lime est un grand travailleur. Il est véritablement à l’écoute des autres élus, et s’entend bien avec tout le monde. Cet adjoint est loyal vis-à-vis de son parti. Quand il a des choses à dire, il les dit avec beaucoup de conviction et de fermeté. C’est quel- qu’un qui compte car il a une puissance de travail énorme. Il est à la tête d’une délé- gation qui lui prend beaucoup de temps, malgré tout il sait se rendre disponible. C’est très agréable de travailler avec quelqu’un comme lui. C’est quelqu’un qui a une péda- gogie naturelle et qui a à cœur de convaincre les autres.”

l’idée qu’il est enco- re possible dans la société actuelle d’agir pour la rendre plus juste et plus sociale sans devoir en passer par la révolte. Pourtant, ce communiste sent bien que la colère couve lorsqu’il se déplace sur un piquet de grève. “Ce que je crains, c’est le mouvement de colère incontrôlable” alors que le combat de l’équité devrait se gagner dans l’arène politique, là où le débat d’idée dans ce qu’il a de plus noble a droit de cité. À 48 ans, Chris- tophe Lime n’est pas décidé à renier ses engagements, lui qui est arrivé en politique par le

“Je me méfie des experts.”

Prochain numéro de La Presse Bisontine : vendredi 27 août

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