La Presse Bisontine 111 - Juin 2010

ÉCONOMIE

41 La Presse Bisontine n° 109 - Avril 2010 Technome-Belfort :

DU CÔTÉ DE BELFORT-TECHNOPÔLE Belfort, le lion rugit avec l’énergie

Technome

LES PLUS

- Le savoir-faire industriel - La zone franche urbaine (exonération de charges fiscales) - General Electric (1 800 salariés) vient dʼy

Capitale européenne de l’énergie avec Alstom et General Electric, Belfort accueille 7 500 emplois au technopôle. Des ingénieurs

installer son siège européen - La bonne forme dʼAlstom - Les services aux entreprises - Les coûts de location

affluent du monde entier. Sacrée reconversion pour un espace jadis déprimé.

- Lʼuniversité de Technologie (U.T.B.M.) - Lʼombre de Jean-Pierre Chevènement LES MOINS - La dépendance aux géants G.E. et Alstom - La zone est déjà trop petite - Peu de places de parkings - Manque de diversité économique Au technopôle de Belfort, on a préservé l’architecture extérieure des bâtiments. À l’intérieur : la matière grise a remplacé les chaînes de montage.

C’ est ici que l’entreprise américaine Gene- ral Electric (G.E.) conçoit des turbines à gaz exportées dans le monde entier. Ici qu’Alstom construit ses rames T.G.V. Ici que la société Orange a installé son centre de recherche, ici que l’Université de technologie de Belfort- Montbéliard forme ses nouveaux ingénieurs, ici encore que la société Converteam pense l’énergie de demain… La liste des entreprises installées au technopôle de Belfort autrement appelé “Techn’Hom” est longue au point que ce parc urbain d’activités est le nouveau poumon éco- nomique du Nord Franche-Comté, concurren- çant de fait Besançon. Le chiffre d’affaires géné- ré se compte en milliards d’euros. Mieux, la majorité des postes sont occupés par des cadres ou ingénieurs. Une sacrée révolution pour Bel- fort, ville industrielle et militaire par nature, parvenue d’un coup d’un seul à transformer un espace déprimé en “Silicone Valley”. L’électrochoc remonte à 1992 avec la fermeture de l’usine Bull (informatique). 2 000 salariés sur le carreau, soit près d’une famille sur dix tou- chée par ce drame social. Se pose une question : que faire de ces milliers de mètres carrés de bâti- ments abandonnés ? La Sempat, une société

de entier. Dans un des quatre restaurants de la zone, il n’est pas rare de croiser plusieurs natio- nalités (Japonais, Chinois, Américains, Alle- mands, Anglais, Australiens…). Le lieu est cos- mopolite, une sorte de ville dans la ville où il est possible de confier le matin son bébé à la crèche d’entreprises (déjà trop petite), de prendre un petit-déjeuner dans la nouvelle boulangerie, de couper ses cheveux dans le tout nouveau salon de coiffure, de se défouler dans une salle de remi- se de forme flambant neuve (squash, hammam, musculation…). Bref, c’est un vrai centre à l’Américaine même si le maire de Belfort n’aime pas ce raccourci : “Je ne veux pas d’une ville dans la ville, dit Étienne Butzbach. Belfort a engagé une énorme politique au centre-ville. Il ne fau- drait pas que cette zone devienne un ghetto éco- nomique coupé du cœur” nuance le premier magis- trat qui n’en demeure pasmoins heureux d’assister à cette reconversion économique réussie. “Jean- Pierre Chevènement a fait un énorme travail dont nous récoltons les fruits. Mais attention à ne pas trop penser en terme location de bâtiments” , conclut l’édile qui espère garder ce savoir-faire industriel, véritable plus-value du Nord com- tois. En faisant confiance au secteur de l’énergie, Le Lion de Belfort rugit de plaisir.Avec un contre- point : la flambée de l’immobilier. E.Ch.

ENTRETIEN Christian Proust, P.D.G. de Sempat “Belfort a l’excellence mondiale”

Pour Christian Proust, la réussite de Techn’Hom s’explique par la stratégie commune menée par les élus Belfortains. “Besançon a manqué de stratégie publique” dit-il.

L a Presse Bisontine : Quelle est la recette du succès de Techn’Hom ? Christian Proust : La démarche ori- ginale est de travailler avec les entreprises existantes pour favo- riser leur développement en proposant des solutions souples tout en pensant au bien-être des salariés. Nous achetons des locaux pour les louer ensuite aux entreprises. C’est du busi- ness . On appliquera le même processus à la gare T.G.V. de Méroux-Moval. L.P.B. : Peut-on comparer le Techno- pôle à Temis-Besançon ? C.P. : On est à une autre échel- le, plus grande. Temis Besan- çon est parti de rien alors qu’ici nous avions des bâtiments industriels, un passé, un savoir- faire. On peut nous comparer à la Rhodiaceta à Besançon, un sitemagique, qui avait un poten- tiel tout à fait équivalent au Techn’Hom… Besançon a des atouts mais contrairement à Belfort qui a engagé depuis 1977 des politiques, le Doubs n’a jamais eu de stratégie publique pour la capitale régio- nale, trop isolée. À Belfort, le Conseil général, la Ville… ont travaillé ensemble. L.P.B. : S’appuyer sur General Elec- tric etAlstom,n’est-ce pas trop d’œufs dans le même panier ? Craignez-vous de futures délocalisations ? C.P. : Nous avons au Techn’Hom l’excellence mondiale. Ici, des machines usinent des pièces de 40 tonnes avec une précision

d’économie mixte dont le pré- sident-directeur général est Christian Proust (lire par ailleurs) a la charge de redy- namiser ce site. Commence une vaste opération d’urbanisme industriel. Aujourd’hui, seules les briques rouges rappellent le passé indus- triel. L’odeur de la soudure s’échappant des lignes de mon- tageAlstom s’est estompée pour laisser bouillonner la matière grise de salariés venus du mon-

au micron. Dans le monde, il n’y a qu’une dizaine de sites qui le font alors que des usines comme Peugeot, il y en a 150. On est bien évidemment plus exposé à la concurrence que Besançon mais nous avons un savoir-faire. Il faut le garder. L.P.B. : Comment faire ? C.P. : S’il n’y avait pas eu de médiateur (N.D.L.R. : la Sem- pat) lors de l’éclatement d’Alstom, nous n’aurions pu mener de projets à long terme. Je viens de signer un bail de 15 ans avec General Electric où la Sempat investit 41 mil- lions d’euros pour permettre à cette entreprise de s’étendre. En contrepartie, elle s’engage à rester. L.P.B. : Quel est le prix des loyers fixé par votre société mixte d’économie ? Le fait d’être en zone franche (exo- nération d’impôts pour les entreprises) est un atout. C.P. : Le prix des loyers repré- sente entre 8 et 10 % de l’investissement que nous fai- sons. L.P.B. : Vous investissez lourdement avec ce risque de faire face à de mau- vais payeurs. C.P. : La Sempat fait 3 millions d’euros de bénéfice net en 2009 (avant impôt). C’est là que notre démarche est originale : pour amener les capitaux, il faut savoir montrer que l’on peut investir et rassurer les entre- prises. On vient d’investir plus

“Le travail de Jean-Pierre Chevènement.”

Christian Proust (ici au centre du technopôle) a deux casquettes : chef d’entreprise et homme politique.

Technopôle en bref Situation : parc urbain dʼactivités de 100 hec- tares situé à Belfort. Chiffres : 119 entreprises ( 7 500 salariés ) et 1 000 étudiants inscrits à lʼUniversité. Tendance : 11 nouvelles sociétés depuis novembre 2008. Secteurs dʼactivités. Industrie (4 778 emplois, 26 entreprises), service aux entreprises (2 319 emplois, 71 entreprises), recherche et formation (239 emplois), Commerce (53 emplois), construc- tion (6 emplois), service aux salariés (76 emplois). Services aux salariés : 2 restaurants inter-entre- prises, brasserie, bar de nuit, coiffeur, boulange- rie, crèche inter-entreprises de 44 places, centre de sport, réseau très haut débit (jusquʼà 10 Gb/s), Internet nʼimporte où sur TechnʼHom, service ban- caire, ligne de bus cadencée à 10 minutes. La Sempat : première société dʼéconomie mix- te de France dans lʼimmobilier dʼentreprise (24 mil- lions de chiffre dʼaffaires). Le capital de la Sem- pat est détenu à 58,03 % par des actionnaires publics et à 41,97 % par des actionnaires privés.

de 100 millions d’euros avec pratiquement pas de finance- ment public. L.P.B. : Un quatrième restaurant, une crèche d’entreprise et une immense salle de sport… ont été créés. C’est risqué… C.P. : Les entreprises deman- dent de bonnes conditions pour elles et leurs salariés. Tout va ensemble. L.P.B. : La renommée du Techn’Hom n’est plus à faire ? C.P. : On a montré la validité de notre réalisation et lorsque le commissaire à la réindustria- lisation de la Franche-Comté (N.D.L.R.. : Gilles Cassotti) a une entreprise à installer, disons qu’il pense à nous. Je viens de recevoir un patron. Peut-être 200 emplois à la clé mais je n’en dirai pas plus car rien n’est fait. Propos recueillis par E.Ch.

Étienne Butzbach, maire de Belfort : “Attention que le technopôle ne devienne pas un ghetto économique”.

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