La Presse Bisontine 111 - Juin 2010

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 111 - Juin 2010 2

Courage Jean-Louis Fousseret est un maire de Besançon avant dʼêtre un président dʼagglomération. En ce moment, ce constat est plus flagrant encore. Cʼest en effet sa deuxième casquette quʼil devrait avoir vissée sur la tête pour se sortir du guêpier du tramway dans lequel il est encore empêtré actuellement, fait de chausse-trappes à répétition. Le problème, cʼest quʼil est pris entre deux feux municipaux qui se nomment Éric Alauzet, lʼinfluent vert de sa majorité municipale, et Jean-Claude Roy, lʼélu bisontin inflexible qui lui a soufflé jus- quʼici la grande majorité de ses posi- tions, parfois extrêmes, sur le sujet. Avant une nouvelle étape politique où le sort du projet sera définitivement scellé, il faut que le maire de Besan- çon ait enfin le courage politique de se muer définitivement en président dʼagglomération. Car ce tramway devra être un moyen de transport dʼagglomération ou ne sera pas. Cʼest en tout cas le message que comptent bien faire passer les délégués com- munautaires de la C.A.G.B. lesquels, que M. Fousseret le veuille ou non, ont le pouvoir de faire basculer à tout moment les décisions de la C.A.G.B. dont ils détiennent, ne lʼoublions pas, 60% des voix. Quand Jean-Louis Fous- seret aura su sʼaffranchir enfin de ses élus tutélaires bisontins, il prendra la vraie dimension de ce dossier, le tram- way, qui reste un projet visionnaire et qui doit devenir un formidable moyen de desservir la capitale régionale et de fluidifier ses accès, engorgés dʼannée en année par un trafic de plus en plus intense. Cʼest bien sous sa casquette de président dʼagglo et non de maire que M. Fousseret réussira le grand pro- jet de son deuxième mandat. Il devra comprendre que les élus de lʼagglomération seront de vrais alliés pour lui quand il tiendra mieux comp- te de leur point de vue. Pour cela, il doit impérativement sʼaffranchir des considérations bisonto-bisontines qui lʼanimaient jusquʼici. Le tramway de Besançon doit être revu, retravaillé, dans une meilleure et plus large concer- tation géographique. Les élus de la C.A.G.B. passent souvent pour des “bénis oui-oui”. Sur ce dossier, ils comp- tent bien montrer les dents. Et Jean- Louis Fousseret aura tout intérêt à les écouter pour éviter que son tramway ne déraille inexorablement. Jean-François Hauser Éditorial

FOOTBALL

Avant la Coupe du Monde

Michel Vautrot a arbitré cinq matches de coupe du Monde en 1982 et 1990. Le Bisontin évoque la main de Thierry Henry, Domenech, et les magouilles qui plombent l’arbitrage. Michel Vautrot : “Avec Domenech, c’était réglo”

époque, c’était “banane et variété” (rires)…Heureusement, mon patron me laissait des libertés (il fut ensei- gnant). J’ai toujours refusé d’être salarié pour garder ma liberté de parole même lorsque j’étais direc- teur national. L.P.B. : Le prince de Jordanie vous deman- de de former les arbitres de son pays. Vous en êtes à votre sixième visite. Êtes-vous payé pour ce genre de missions ? M.V. : À 64 ans, je ne cherche pas un boulot. Les Jordaniens avaient tout prévu pour moi avec un apparte- ment, un salaire… mais j’ai refusé. Là-bas, les arbitres n’ont pas été payés depuis un an donc je n’aurais pas pu les regarder dans les yeux si j’avais été rémunéré. J’y vais par passion, pour découvrir. C’est ce que j’aime. L.P.B. : Pourquoi ce surnom de T.G.V. ? M.V. : Le Très Grand Vautrot… car je voyage beaucoup (rires).

L e sifflet autour du cou, Michel Vautrot l’a gar- dé en guise de pendentif. L’ancien arbitre inter- national n’est pas nostalgique, juste un roman- tique qui n’oublie pas que l’arbitrage lui a tout apporté… et a bien failli tout lui faire perdre. À 64 ans, le plus charismatique des hommes en noir a accepté de nous recevoir dans son appartement bisontin, rue Canot. Simple et accessible. La Presse Bisontine : La France sera-t-elle championne du Monde ? Michel Vautrot : Je me trompe souvent en pronostic. Pour que la France gagne, il faut que je dise qu’elle va perdre (rires). Plus sérieusement, elle ne part pas favorite mais rien n’est écrit d’avance. Heu- reusement d’ailleurs. L.P.B. : Serez-vous du voyage en Afrique du Sud ? M.V. : Non car je serai en mission U.E.F.A. au Kaza- khstan du 16 au 25 juin. J’essaierai de suivre des matches. Avec le décalage horaire et les commen- taires en kazakh, ça sera sympa ! L.P.B. : Vous connaissez personnellement le sélectionneur Raymond Domenech. Est-il si antipathique que cela ? M.V. : Il y a deux Raymond : celui du public et l’homme. Quand je l’arbitrais alors qu’il était joueur, je l’aimais bien car ce n’était pas un pleureur. C’était un dur avec ses moustaches impressionnantes mais il était réglo. Avec lui, c’était un arbitrage les yeux dans les yeux. J’ai ensuite appris à le connaître l’homme à la fédération : c’est un type intelligent, cultivé, mais c’est un provocateur né. Je me fais son avo- cat en disant qu’il a beaucoup protégé ses joueurs. En revanche, il n’a pas mesuré sa communication en demandant la main d’Estelle Denis en direct à la télé… L.P.B. : Que pensez-vous de la main de Thierry Henry face à l’Irlande lors des qualifications ? M.V. : Au nom de l’éthique, on attend que le joueur se dénonce (il coupe) mais il y a bien longtemps que l’éthique n’est plus là dans le foot. S’il avait été fair- play , il serait passé pour un traître de la nation. Je ne suis pas là pour le juger mais j’ai une solution. L.P.B. : Serait-ce la solution de la vidéo ? M.V. : Non. Au lieu de la vidéo, j’ai une solution qui consiste à dire que si le joueur ne se dénonce pas immédiatement, il encourt une suspension de 6 mois. Sachant qu’un footballeur ne joue pas perd toute sa valeur, il aura tout intérêt à se dénoncer. Pour l’exemplarité des jeunes, c’est dommage d’en arriver là. L.P.B. : Vous participez à de nombreuses conférences dans le monde pour évoquer l’arbitrage. L’image française est-elle écornée avec cette affaire ? M.V. : Les autres pays ne manquent pas une occa- sion de nous mettre un tacle par-derrière mais ce que j’ai trouvé le plus déplacé, c’est l’attitude du président de la Fédération (N.D.L.R. : Jean-Pierre Escalettes) qui a fêté sur la pelouse irlandaise la victoire alors que tout le monde avait vu cette main. Avec le recul, son âge, il aurait dû rester en retrait. L.P.B. : La France ne sort pas grandie. Selon vous, un arbitre français aura-t-il la chance de diriger un match de Coupe du Monde ? M.V. : Pour l’instant, un arbitre français est pré-qua- lifié mais il doit encore passer une série de tests. Je pense que Stéphane Lannoy arbitrera. L.P.B. : Plusieurs erreurs sont notées en Ligue 1. Peut-on dire que l’arbitrage français a baissé de niveau ? M.V. : Je ne commente pas le niveau car j’ai un devoir de réserve et j’ai tiré le rideau. Je n’ai d’ailleurs plus mis les pieds dans un stade depuis cinq ans. Tout ce qui se passe en France, je l’avais prévu et dénoncé mais la fédération a préféré jouer les

autruches. Elle a sacrifié une génération d’arbitres.

L.P.B. : Vous évoquez ici la corruption des arbitres et autres magouilles. Avec le recul, regrettez-vous d’avoir dénoncé publiquement certains agissements dans le milieu ? M.V. : Je ne regrette rien (il coupe) et je le referais. L’arbitrage, c’est l’honnêteté alors lorsque j’ai décou- vert les dérives en 2003 (il était directeur technique de l’arbitrage), j’ai remis un rapport qui a été enter- ré pour des raisons que j’ignore. J’ai alerté les hautes autorités politiques, j’ai même été victime d’un faux document qui visait à me faire tomber. Je n’ai pas de remords car si je n’avais pas dénoncé ces dérives, on aurait dit que je magouillais aussi. J’ai fait mon travail, je ne suis pas un héros. L.P.B. : Quel critère pour devenir “bon arbitre” ? M.V. : À ce niveau, le plus important n’est pas la connaissance mais le bon sens. Celui qui arbitre avec son livre ne peut pas arbitrer au top-niveau. Tous font des erreurs : un bon arbitre est celui dont on accepte les erreurs. L.P.B. : Aujourd’hui, les hommes en noir de L1 touchent plus de 4 000 euros pour certains par mois. Cela vous choque ? M.V. : Ça peut rapporter gros mais seulement au top-niveau. Ce n’est pas anormal car on leur deman- de d’être au top physiquement. L.P.B. : Roulez-vous sur l’or ? M.V. : L’arbitrage m’a tout apporté… mais à mon

“Raymond Domenech est un provocateur né.”

L.P.B. : Dernière question : pouvez-vous nous donner trois moments forts de votre carrière ? M.V. : Le match Colombie-Israël en 1990 (menaces d’attentat), le match Nice-Marseille en 1991 où un train de “supporters” avait été affrété pour venir assister à mon dernier match, les 5 matches de Cou- pe de France consécutifs…et décembre 2009 lorsque le président de la République Nicolas Sarkozy me remet les insignes de chevalier de la légion d’honneur. C’est un symbole fort pour moi. Propos recueillis par E.Ch.

est éditée par “Les Éditions de la Presse Bisontine”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : redaction@groupe-publipresse.com Directeur de la publication : Éric TOURNOUX Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction : Édouard Choulet, Frédéric Cartaud, Thomas Comte, Jean-François Hauser. Régie publicitaire : Besançon Médias Diffusion - Tél. : 03 81 80 72 85 François ROUYER - Portable : 06 70 10 90 04

L’ancien arbitre Michel Vautrot ne sera pas en Afrique du Sud pour la Coupe du Monde. Il a une piste pour améliorer les fautes d’arbitrage.

Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Mai 2010 Commission paritaire : 1102I80130

Crédits photos : La Presse Bisontine, Cabinet Giovanni Cappaï, C.A.G.B., C.H.U., C.P.E., Haras de Besançon, I.P.V., O.T.S.I. Ornans, Sybert.

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