La Presse Bisontine 111 - Juin 2010

BESANÇON 14

La Presse Bisontine n° 111 - Juin 2010

VIE MUNICIPALE

Adjoint à la culture Yves-Michel Dahoui, le “bad boy” de la mairie Décrié après le rendez-vous manqué de Sonorama,

A près le tourisme, la cultu- re. En juillet, la Ville devrait présenter son sché- ma d’orientation culturel- le après avoir dévoilé en mars son plan de développement touristique. Pour l’instant, la muni- cipalité parachève sa partition dont la trame est de “dire où nous vou- lons aller et comment nous voulons faire les choses” préciseYves-Michel Dahoui.Mais à ce stade de l’écriture, l’adjoint à la culture reste encore discret sur le contenu de l’œuvre qui se décompose, c’est sûr, en plu- sieurs mouvements. Le musée des Beaux-arts qui doit faire l’objet d’un programme de rénovation de 7 mil- lions d’euros, la S.M.A.C., le Bas- tion, la création possible d’une aca- démie de musique, la Friche qui abriterait des ateliers d’artistes, l’orchestre, l’art dans la rénovation urbaine, la Cité des arts, des bars qui seraient des lieux de diffusion de la culture, sont quelques-uns des chapitres. Le tout formerait un ensemble harmonieux. “Besançon, ville desmusiques et des patrimoines” voilà un label que la capitale régio- nale épinglerait bien à sa Boucle. Exit donc Sonorama du program- me, même si la porte reste ouverte à la création d’un nouvel événement porté cette fois-ci par des acteurs locaux de l’animation culturelle. Yves-Michel Dahoui a d’ailleurs com- mencé à les rencontrer pour leur exposer ses ambitions.Une démarche volontariste venant de la part de cet élu désireux d’impliquer à ce projet les principaux concernés par la poli- tique de la Ville. C’est cette concertation qui a sans doute manqué dans l’élaboration de Sonorama, un rendez-vous qui res- tera gravé comme un échec dans le Yves-Michel Dahoui poursuit son travail. Son ambition de faire de Besançon une place forte culturelle est intacte.

Yves-Michel Dahoui regrette de ne pas être musicien. À choisir, il aurait pris le saxophone, un instrument aux sonorités chaleureuses et plaintives.

contrairement à l’apparence, ce qui le rend plus coriace encore. L’expérience. La détermination. Ce quinquagénaire n’est pas un nou- veau venu dans l’arène politique. Il s’est engagé au parti socialiste à 23 ans. En 1989, il est élu conseiller municipal, embarqué par Robert Schwint. L’année suivante, il devient 1er secrétaire de la fédération loca- le du P.S., un des plus jeunes de sa génération. En 2008, il a dit “oui” à Jean-Louis Fousseret qui lui propo- sait la culture, “un domaine à risque” , car lamission l’intéressait. Conseiller municipal, il est aussi conseiller général du canton Besançon-sud, un territoire ravi à la droite.Après vingt ans de mandat, l’élu estime avoir la légitimité pour solliciter désormais la confiance à ses amis du parti socia- liste afin d’obtenir l’investiture dans le cadre des élections législatives. Une fonction de député qui couron- nerait son parcours de militant de gauche dans lequel il s’est engagé au terme d’un cheminement per- sonnel. Né en Algérie, un pays où il a vécu pendant sept ans, ce garçon d’origine bretonne n’est pas issu d’une famil- le politisée. “Mais mes parents m’ont inculqué des principes de vie. Je n’ai jamais vécu avec l’idée que des caté- gories sociales pouvaient en domi- ner d’autres. Or la société n’est pas juste, en fonction dumilieu d’où vous venez, vous n’avez pas les mêmes chances de réussite. Je me suis enga- gé à gauche persuadé que la société doit s’organiser pour compenser les inégalités naturelles” raconte-t-il.À douze ans, le gamin n’était déjà pas plus du genre à se laisser marcher sur les pieds. Dans l’établissement scolaire de Saint-Brieuc qui l’accueillait, il a déclenché une grè- ve au réfectoire pour dénoncer la piètre qualité des repas. “J’ai été viré quinze jours” se souvient Yves- Michel Dahoui avec humour. Une forte tête déjà à l’époque et un tem- pérament affirmé. Comme quoi, on ne se refait pas. T.C.

une ville. Ce qui l’est, c’est tout ce que nous aurons apporté à l’issue de ce mandat. Un événement qui marche dans un désert culturel toute l’année n’a pas de sens.” Ni remords, ni regrets, et encore moins d’excuses. “Je n’ai pas à m’excuser. Cela ne veut pas dire que j’ai du mépris pour la réaction des Bisontins. Au contraire, je suis d’accord avec eux. Ils sont déçus par un événement qui m’a déçu. Par contre, je revendique le fait que nous avons voulu emmener les gens ailleurs. Imaginez par comparaison que vous mangiez toujours le même plat ou que vous lisiez toujours le même livre. La culture, ce n’est pas ça, mais c’est au contraire explorer d’autres pistes.Je demande à être jugé sur mon bilan et pas sur un projet qui pèse moins de 2 % du budget culturel.” L’adjoint, dont les colères ont par- fois fait vibrer les couliors de la mai- rie, a passé l’éponge sur Sonorama. Il s’attelle à d’autres chantiers com- me l’élaboration de ce schéma cul- turel. “Franchement, est-ce que je perds mon temps à me battre pour le musée ou l’école des Beaux-Arts ? Est-ce que j’ai tort de réfléchir aux scènes bisontines ?” assène-t-il. Son côté “réponse à tout”, un tantinet hautain, cette impression qu’il lais- se d’être un élu inébranlable encais- sant les coups sans sourciller aga- ce parfois. Certains se frottaient déjà lesmains à l’idée que l’adjoint sombre avec Sonorama. Mais à ce jour, ni ses détracteurs du monde politique, ni ceux du milieu culturel (car il en a) n’ont eu la peau de ce “bobo qui n’est autre qu’un pur produit de la gauche caviar déconnecté des pré- occupations de terrain” disent ses adversaires les plus amers en gui- se d’estocade. La critique se fait toujours en sour- dine. Ils sont rares à affronter Yves- Michel Dahoui, juriste de métier, orateur de talent en qui le maire Jean-Louis Fousseret a renouvelé sa confiance malgré l’agitation des derniers mois. L’homme prétend se soucier assez peu de son image,

Ce qu’ils disent de lui Mireille Péquignot, conseillère municipale d’opposition “Nous n’attendons pas de lui qu’il joue les artistes” “Mon avis sur lui a changé par rapport au début du mandat. Je suis déçue. Je pensais qu’Yves-Michel Dahoui était plus ouvert. Il semblait vouloir travailler sans sectarisme et au-delà des clivages. Or, ce n’est pas le cas. L’histoire de Sonorama prouve qu’il n’est pas à l’écoute, qu’il tarde à reconnaître ses erreurs et à prendre ses responsabilités. Néanmoins, l’adjoint à la culture accuse le coup depuis cette affaire.Yves-Michel Dahoui a été en quelque sorte désavoué par Jean-Louis Fousseret qui a pris la décision de dire stop à Sonorama. Il semble toujours étonné quand on lui indique que tous les acteurs culturels de Besan- çon ne sont pas sur la même longueur d’onde que lui. Pour ma part, ceux avec lesquels je discute ont des avis partagés. Ce que je redoute, c’est que par peur d’un chantage à la subvention, tous n’osent pas lui dire ce qu’ils pensent de sa politique culturelle. C’est une forme de discrimination, puisqu’on ne peut pas penser librement sans craindre de se voir privé d’une aide de la collectivité. Ce qu’on attend d’un adjoint à la culture, c’est qu’il donne des impulsions pour libérer l’initiative, et pas qu’il joue les artistes. Il y a dans sa politique culturelle un vrai manque de visibilité. Elle part dans tous les sens.” “Il a un côté bélier qui peut l’isoler parfois” “Yves-Michel Dahoui est une personnalité. C’est un élu qui a de l’expérience. Cela fait un moment maintenant qu’il est sur la place. Il est juriste, il aurait peut-être aimé être avocat. Cet élu a du brio qui attire les regards, mais il a aussi un côté bélier qui peut l’isoler parfois. Ses dossiers ont occupé l’espace ces derniers temps. Après Sonora- ma, les acteurs locaux de la culture attendent désormais beaucoup de lui. Il gère avec courage ce qui lui est arrivé à la suite du festival. Maintenant, il se dessine une nou- velle politique culturelle pour la ville, tout le monde a envie qu’elle réussisse. Pour les gens de gauche, l’éducation et la culture sont deux thèmes essentiels. On ne peut donc que souhaiter à Yves-Michel Dahoui de réussir dans cette entreprise. Tous les outils sont là pour bien faire, il y a la S.M.A.C. par exemple, un dossier mené avec Franck Monneur, ou encore la “fabrique” culturelle.” Emmanuel Dumont, adjoint au maire en charge de la communication et des nouvelles technologies

parcours de l’adjoint. Mais celui-ci n’en fait pas une affaire d’État. “Cela fera partie du bilan” dit-il, convain- cu par ailleurs que le microcosme culturel bisontin lui pardon- ne ce ratage coûteux qui se finit en point d’orgue devant les tri- bunaux. L’aventure n’aurait pas altéré les relations qu’il entre- tient avec le milieu artistique en parti- culier. Yves-Michel Dahoui prend sa part de responsabilité dans cette affaire, préci- sant toutefois qu’il n’a jamais été convaincu par l’événementiel. “Mais il fallait tenter Sonorama sachant qu’un événement n’est pas structurant pour

“Je n’ai pas à m’excuser.”

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