La Presse Bisontine 110 - Mai 2010

L’INTERVIEW DU MOIS

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La Presse Bisontine n° 110 - Mai 2010

Robot Le mal-être ressenti par les salariés de France Télécom dépasse largement le stade du discours syndical habituel où lʼon sent que la défense dʼun pré-carré motive tout autant que les revendica- tions altruistes. À Besançon, premier cas dans lʼhistoire des relations sociales, un magistrat a osé la terrible formule “homicide involontaire par imprudence” pour qualifier juridiquement le suicide dʼun salarié. Cette seule formulation laisse entrevoir et ce, quelle que soit lʼissue de la procédure, toute lʼétendue du malaise qui règne autour de ce sujet touchant au plus près le fléau social de ce début de siècle que les théoriciens cachent sous le terme un peu abscons de “risques psycho-sociaux”. Le stress, le harcèlement, les questions de san- té mentale sont les pendants modernes des accidents du travail dʼantan. Et main- tenant que les conditions dʼexercice du travail sont censées sʼaméliorer dʼannée en année grâce à des outils de confort et dʼoptimisation du temps que sont lʼinformatique, Internet ou les techno- logies de communication, cʼest finale- ment lʼeffet inverse qui se produit. Le cas France Télécom cristallise en ce point tous les travers dʼune organisa- tion que lʼon pense meilleure mais qui dans les faits ne tend quʼà favoriser les situations alarmantes. France Télécom a subi de plein fouet la globalisation du marché en même temps quʼelle devait sʼaffranchir de la tutelle rassurante de lʼÉtat. Et dans cette course à la réor- ganisation, cette marche forcée vers la mondialisation, se sont effilochés peu à peu les fondements mêmes des rela- tions harmonieuses de travail. On consta- te que plus la technologie progresse et plus la distance croît entre les salariés, entre eux et leur hiérarchie et entre eux et les clients. Le salarié est ravalé au rang de robot, la direction anonyme et lointaine, et le client, mécontent de sur- croît. France Télécom nʼest sans dou- te pas un cas isolé. On peut craindre que dʼautres services comme La Pos- te, E.D.F. ou Gaz de France, mais aus- si nombre dʼentreprises privées, sui- vent de près cette politique aux contours modernes qui se traduit en fait par une inquiétante régression. On peut soute- nir lʼesprit dʼentreprise et lʼémulation de la concurrence. Mais en lʼespèce, on en arriverait presque à regretter le pro- grès technologique ou la tutelle bien- veillante dʼun État qui avait sans dou- te créé un modèle social plutôt équilibré dans ces grandes entreprises. Jean-François Hauser Éditorial est éditée par “Les Éditions de la Presse Bisontine”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81 E-mail : redaction@groupe-publipresse.com Directeur de la publication : Éric TOURNOUX Directeur de la rédaction : Jean-François HAUSER Directeur artistique : Olivier CHEVALIER Rédaction : Édouard Choulet, Thomas Comte, Jean-François Hauser. Agence publicitaire : S.A.R.L. BMD - Tél. : 03 81 80 72 85 François ROUYER - Portable : 06 70 10 90 04 Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Avril 2010 Commission paritaire : 1102I80130 Crédits photos : La Presse Bisontine, Robin Devis, Herbe en Zik, Micropolis, Ville de Besançon, Christiane Vulvert, Weil.

L’ARCHEVÊQUE DE BESANÇON Monseigneur André Lacrampe

Pédophilie : “Pas de surenchère, mais de la vigilance”

L a Presse Bisontine : L’église catholique vit-elle sa plus forte tempête suite aux affaires de pédophilie révé- lées en Allemagne, en Irlande et suite au discrédit por- té à l’encontre du Pape ? Monseigneur André Lacrampe : Le christianisme a 2 000 ans d’âge et nous sommes sous les feux de la ram- pe depuis 2 000 ans ! Nous avons traversé des épreuves, des turbulences, nous avons l’habitude… L.P.B. : Ces épreuves sont-elles plus sournoises aujourd’hui avec l’emballement médiatique ? A.L. : Certes, elles sont différentes. Tous ces actes de pédophilie sont extrêmement graves et entraî- nent honte et regret. Ces actes abominables défi- gurent notre église. Notre pensée va aux victimes qui ont à repenser leur personnalité et qui doi- vent se reconstruire. Ces actes ne doivent toute- fois pas entraîner un discrédit ou de la suspicion sur les 400 000 membres du clergé (249 dans le diocèse dont 133 en activité) qui servent à lon- gueur d’année les mouvements d’adultes et de jeunes. L.P.B. :Avez-vous ressenti lors des fêtes de Pâques une inquié- tude de la part des fidèles ? Et étaient-ils moins nombreux ? A.L. : Au contraire, les fêtes de Pâques ont été lar- gement suivies. Dans la tempête que nous tra- versons, il y a eu ce souffle de la foi puisque nous avons célébré 353 baptêmes d’adultes, de jeunes en âge scolaire et de bébés. Au milieu de tout ce tohu-bohu, de plus en plus de personnes cher- chent des repères. Le message du Christ est un message qui apporte de la lumière. L.P.B. : L’église allemande a mis un numéro de téléphone à disposition des croyants pour répondre à leurs interrogations sur la pédophilie. Elle a été submergée d’appels et contrain- te de couper la ligne. Qu’est-il envisagé en France ? André Lacrampe annonce “le printemps.” Il appelle à encore plus de vigilance. L’archevêque de Besançon condamne fermement les actes de pédophile. “Après l’hiver vécu par l’église catholique”, Monseigneur

A.L. : En 2000, au niveau de l’église de France, nous avons engagé une réflexion à partir de situations devant lesquelles nous nous trou- vions. Cela a entraîné la parution d’un texte qui s’intitule “Lutter contre la pédophilie, repères pour les éducateurs”. Ce document demeure d’une grande actualité. Ce texte, nous l’avons travaillé avec les éducateurs et dans la pério- de que nous vivons, je m’engage à redonner vie à ce document pour vérifier nos comportements, notre “agir chrétien”, en sachant que ce domaine de la pédophilie touche non seulement des célibataires mais aussi des hommes mariés. L.P.B. : Cela veut-il dire que la pédophilie ne remet pas au goût du jour la question du célibat des prêtres. A.L. : Il n’y a aucune corrélation entre célibat et pédophilie. Cette déviance pathologique dépasse le problème du clergé. Ce que nous vivons dans notre église françai- se appelle toutefois la sérénité. Il ne faut pas s’emballer, ne pas fai- re de la surenchère mais être enco- re plus vigilant !

“Le célibat des prêtres n’a pas de relation avec la pédophilie.”

Depuis l’archevêché situé rue de la Convention à Besançon, Monseigneur Lacrampe s’engage à redonner vie au texte paru en 2000 et intitulé : “Lutter contre la pédophilie, repères pour les éducateurs”.

contre des cultures. Il ne faut pas creuser des fos- sés entre les peuples mais établir des passerelles. C’est dans la connaissance de l’autre que nous allons bâtir une terre fraternelle. L.P.B. : Les catholiques sont-ils aussi ouverts que nous vou- lons bien le croire ? Comment accueillent-ils ces nouveaux prêtres venus d’Afrique notamment ? A.L. : Actuellement, un Père malgache et Père polo- nais sont à Besançon. À Pontarlier, il y a un prêtre de Centrafrique. À Vesoul, on retrouve un prêtre du Congo et à Ronchamp un Polonais. J’observe que les communautés chrétiennes accueillent avec bienveillance cette présence. La catholici- té, c’est l’ouverture aux autres ! Il y a 100 ans, nous sommes partis de Franche-Comté en Asie ou en Afrique. Aujourd’hui, il y a 121 mission- naires francs-comtois dans d’autres pays. Pour- quoi il n’y aurait-il pas la réciprocité ? Je me rends quinze jours au Vietnam en septembre pour fêter les 150 ans âge de cette église viet- namienne. Nous avons à partager. Propos recueillis par E.Ch.

L.P.B. : La pratique religieuse en Franche-Comté est-elle tou- chée ? A.L. : Non. 550 jeunes à Valdahon seront confir- més : ce n’est pas rien que des jeunes de 17 à 20 ans fassent cette démarche en plein milieu de leurs études ! Je dois ajouter également la confir- mation des adultes qui se tiendra le jour de Pen- tecôte. Le nombre d’adultes demandant le sacre de confirmation est en augmentation, ce qui me fait dire que tous ces visages constituent un réel printemps de l’Église. L’Église est de toutes les saisons… Nous avons vécu l’hiver. Place au prin- temps. On lie souvent la pratique religieuse à la pratique dominicale (se rendre à la messe) mais il n’y a pas que cela : il y a le baptême, le maria- ge, les communions, les funérailles. C’est aussi la prière que l’on peut formuler dans sa voiture, chez soi… ou dans les mouvements. L.P.B. : Justement, les Musulmans veulent des espaces de prière. Êtes-vous pour ou contre l’implantation de minarets ? A.L. : Je suis pour que chacun vive sa foi. L’heure n’est pas au choc des civilisations mais à la ren-

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