La Presse Bisontine 109 - Avril 2010

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Bisontine n° 109 - Avril 2010 2

Autruche Lʼabstention record, quʼhélas nous annon- cions dans notre précédente édition, nʼémeut pas ou si peu la classe poli- tique. La droite la met seulement en avant pour tenter dʼexpliquer son nau- frage et la gauche fait comme si de rien nʼétait, maintenant quʼelle a gagné. La page du scrutin est tournée, “circulez, il nʼy a plus rien à voir…” La leçon à tirer de ces régionales 2010, bien au-delà de la razzia opérée par la gauche rose et verte en France, cʼest la fracture ouver- te qui sépare désormais les Français de leurs dirigeants nationaux, autant que les Francs-Comtois de leurs diri- geants régionaux. Et le plus grave, cʼest quʼau-delà des commentaires navrés et des tentativesmalhonnêtes dʼexplication selon laquelle lʼabstention est due à la méconnaissance des institutions régio- nales, aucun responsable politique, que ce soit Marie-Guite Dufay, Alain Fous- seret ouAlain Joyandet ne semble effrayé par ce constat dʼéchec cuisant et de désaveu profond de la classe politique. Quʼils se situent dans le camp des vain- queurs ou des battus, tous adoptent une nouvelle fois la politique de lʼautruche. Alors que faire face à ces actes de rébel- lion silencieuse ? Car en ne se dépla- çant pas aux urnes, cʼest un vrai mes- sage que les citoyens ont voulu faire passer à la classe politique contraire- ment à ce quʼen aient pensé ces der- niers dans un élan général de naïveté. La distance abyssale qui sʼest creusée entre les “élites” et le “peuple” arrange ceux qui souhaitent le statuquo et en véri- té, ils sont nombreux. Nʼa-t-on pas enten- du beaucoupde candidats souhaiter “une campagne laplus courtepossible ?” Com- ment espérer redonner lʼélan citoyen aux abstentionnistes avec de tels discours ? Alors que faire ? Rendre le vote obliga- toire, comme cʼest le cas enAustralie, en Belgique ou au Brésil ? Prendre réelle- ment en compte le vote blanc, auquel cas les abstentionnistes deviendraient sans doute de vrais votants avec un poids réel sur le scrutin ? Sʼil nʼy a pas de solution miracle, il est impératif dʼinscrire au rang des priorités du législateur une réflexion approfondie sur lamanière de réconcilier le citoyen avec les urnes. Songeons quʼà Bagdad, les électeurs courent le risque de sauter sur unebombe lorsquʼils se ren- dent aux urnes ! Et ils sʼy rendent… Lʼinstruction civique et le retour au réel desdirigeantscomptentparmi lesurgences. Car lʼexplosion sociale nʼest pas loin en France. Jean-François Hauser Éditorial

SOCIÉTÉ

6 500 Français découvrent leur séropositivité

Le sénateur du Doubs Claude Jeannerot est le rappor- teur d’une mission d’information sur la lutte contre le Sida. Il rend son rapport à l’heure où le gouvernement s’apprête à lancer son nouveau plan de lutte. “Le Sida est encore une réalité en France”

C.J. : Depuis que je suis sénateur, j’ai forcément modifié mon mode de management au Conseil général et mon temps de présence. Je suis à Paris le mardi et le mercredi, et donc plus présent sur le terrain le samedi et le dimanche dans le Doubs. L.P.B. : À vos yeux, il n’y a donc toujours pas d’incompatibilité entre ces deux fonctions “chronophages” ? C.J. : C’est une vraie complémentarité car la fonc- tion première du Sénat est de représenter les col- lectivités territoriales. Dans un pays centralisé, le Sénat n’aurait que peu d’utilité. Mais depuis les lois de décentralisation, heureusement qu’il y a un parlement qui représente spécifiquement les collectivités qui dépendent de plus en plus des dotations d’État. J’estime qu’un sénateur qui n’est que sénateur ne peut pas représenter un terri- toire. L.P.B. : Le cumul des mandats serait donc salutaire ? C.J. : Je suis toujours très à l’aise avec cette ques- tion car je n’ai jamais défendu le mandat unique. Dans certains pays, les présidents de grandes col- lectivités territoriales sont membres de droit de la Haute Assemblée. Je suis favorable à ce prin- cipe. Propos recueillis par J.-F.H.

eux aboutissent. C’est pourquoi j’estime qu’il ne faut pas écarter non plus les plus petites asso- ciations qui peuvent faire un gros travail. Ce doit être aux nouvelles agences régionales de santé d’assurer la coordination. L.P.B. : Vous êtes, de près ou de loin, concerné par ce thème du Sida ? C.J. : Pas du tout. Il se trouve que la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat, Muguette Dini, m’a sollicité en tant que membre de cette commission à laquelle je suis très assi- du. N’appartenant pas au corps médical, j’y ai vu justement l’intérêt de porter sur cette question un regard détaché de la technique médicale. L.P.B. : Quel impact a eu votre nouveau mandat de sénateur sur votre fonction de président du Conseil général du Doubs ?

La Presse Bisontine : Meurt-on encore du Sida en France ? Claude Jeannerot : Hélas oui. En 2008, 358 personnes sont mortes du Sida en France. À titre de com- paraison, en 2005, on a dénombré 605 décès, et 1 000 décès en 1999. Les chiffres de la mortalité sont en baisse mais le Sida est toujours bien pré- sent en France. Il y a eu plus de 1 500 cas nou- veaux en France en 2008. C’est l’effet des thérapies qui fait baisser la mor- talité, mais le Sida est encore une réalité en Fran- ce. D’où la nécessité de renforcer la prévention et l’intérêt de ce rapport parlementaire dont un des objectifs est de faire des propositions au moment où le gouvernement s’apprête à présenter un nou- veau plan de lutte contre la maladie. L.P.B. : On aurait tendance à croire que le Sida faisait plus de “ravages” avant ? C.J. : Justement, une des autres raisons de ce rap- port était de montrer que dans un contexte où la population est peu ou prou convaincue que le Sida est une maladie guérissable, elle a un peu lâché la garde. Il faut donc accentuer la prévention. L’épidémie de Sida se poursuit en France. Chaque année, 6 500 Français découvrent leur séroposi- tivité. Le Sida coûte 1,1 milliard d’euros par an avec la prise en charge des malades et chaque traitement coûte 13 000 euros par an à la Sécu- rité Sociale. Le Sida entraîne chaque année 90 mil- lions d’euros de dépenses supplémentaires à la Sécu alors que la prévention ne mobilise “que” 54 millions d’euros. C’est la raison pour laquelle on doit intensifier l’effort de prévention, en direc- tion de la population en général, mais aussi des publics à risques. L.P.B. : Qui sont-ils ces publics à risque ? C.J. : Sur 100 nouveaux cas de séropositivité en France, 37 % relèvent du groupe à risques majeurs, c’est-à-dire les homosexuels masculins qui ont peut-être eux aussi le sentiment que le Sida n’est plus une maladie mortelle, et donc, ont aussi ten- dance à augmenter les rapports non protégés. Le deuxième principal groupe à risque concerne les migrants des deux sexes originaires de l’Afrique subsaharienne. L.P.B. : Quelles sont les préconisations que vous avez choisi de mettre en avant ? C.J. : Il faut commencer par intensifier l’effort de prévention, pour la population en général, notam- ment les jeunes, et pour les populations à risques. Dans les clubs de rencontres par exemple, la régle- mentation sanitaire est beaucoup trop incertai- ne en la matière. La deuxième grande préoccu- pation est de renforcer le pilotage de la politique de lutte contre le V.I.H. en adoptant une action plus coordonnée entre différents ministères, notam- ment avec le ministère de l’Éducation Nationale. Enfin, il faut éviter le saupoudrage actuel des sub-

ventions aux associations en lien avec la lutte contre le Sida et ren- forcer le suivi de ces subventions. L.P.B. : À propos d’associations, que pen- sez-vous des propos du président de Sidac- tion Pierre Bergé au sujet des sommes allouées au Téléthon ? Sidaction qui, d’ailleurs, a fait l’objet d’un examen de la cour des comptes qui lui reproche une aug- mentation des fonds mis en réserve ! C.J. : Sidaction a en effet 8 millions d’euros immobilisés mais nous nous sommes aperçus que cette asso- ciation est particulièrement vigi- lante par rapport aux projets qu’elle soutient. Seulement 40 % d’entre

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“Il faut éviter le saupoudrage des subventions.”

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Claude Jeannerot est rapporteur de la mission d’information sur la question du Sida.

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