La Presse Bisontine 108 - Mars 2010

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 108 - Mars 2010

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Bertrand Simonin, amer :

INDUSTRIE

800 heures pour rien L’inquiétude des industriels bisontins Quelques-uns des plus gros employeurs privés du Grand Besançon se sont réunis pour tenter de faire passer leur message. L’organisation actuelle du travail étouffe leurs initiatives. Ressenti.

“À quoi bon orienter nos

enfants vers une école d’ingénieur. Autant leur dire d’apprendre à cuire du riz pour les touristes chinois !”

500 salariés avant la crise, 400 aujour- d’hui. L’effectif du groupe Simonin, auquel l’U.M.P. Xavier Bertrand a ren- du visite dans le cadre de la campagne des Régionales, a fondu de 20% en deux ans. 100 C.D.I. supprimés dans cette seule entreprise basée à Beure. C’est pour exprimer leurs craintes et leurs attentes que plusieurs chefs d’entreprises du Grand Besançon sont venus discuter ouvertement avec le secrétaire général du parti majoritai- re. Qu’attendent-ils de la Région ? Pas

grand-chose à vrai dire,malgré les ques- tions sur le sujet d’Alain Joyandet. C’est plus vers la France, voire vers l’organisation mondiale du commerce, qu’ils se tournent. “On attend d’abord un geste sur les charges salariales. Avec le système actuel, on ne peut plus créer d’emplois en France” déplore Bertrand Simonin, le P.D.G. du groupe éponyme. Deuxième fléau de la mondialisation selon lui : “Le gouvernement français tolère l’importation de produits sans les exigences de qualité et de sécurité qu’il

de régler cette question. C’est la même chose pour le travail des seniors. Il faut arrêter en France avec cette politique des quotas.” ChezAugéMicrotechniques àThise,onn’a limité“la casse” :9 emplois supprimés. “On avait un plan de 34 autres licenciements mais grâce à la Région et au dispositif de formationmis en place, on a pu les sauver” ajoute M me Augé, rendant involontairement hommage aux mesures prises l’an der- nier par la présidente de Région… Sur les questions de cotisations sociales, Bertrand Simonin ose une suggestion : “Pourquoi ne pas mettre des taxes à l’import pour payer la protection socia- le en France ? Si on ne résout pas le pro- blème de la Chine, on ne résoudra pas le problème du chômage” ajoute-t-il. Tous ces industriels, qui ont d’ailleurs créé des unités de production à l’étranger pur faire face, ont tenté de faire la démonstration que l’emploi dans le Grand Besançon ne dépendait que très peu des décisions locales mais bien des politiques commerciales dictées désor- mais depuis la Chine. C’est aussi cela la mondialisation. J.-F.H.

Le coût horaire du travail est 10 fois plus important en France qu’en Chine.

par un ouvrier polonais coûtera à l’entreprise 6 euros, auMaroc 4,50 euros et en Chine 2 euros à peine. Dix fois moins qu’en France. Simone Augé, de chez Augé Micro- techniques, critique quant à elle la lour- deur du système français. “Un seul exemple dit-elle : nous sommes contraints d’embaucher des personnes handica- pées sous peine de sanctions. Le pro- blème, c’est qu’on n’en trouve pas ! Et on veut nous sanctionner. On a perdu 80 heures de réunion à 10 personnes, soit 800 heures de travail, pour tenter

exige des produits fabriqués en France par des entreprises françaises.C’est aber- rant.” Olivier Bourgeois, responsable de Bour- geois Découpage (800 salariés dont 600 à Besançon), lui emboîte le pas : “Il y a quelques années encore, une voiture sur trois qui roulait dans le monde avait un stator d’alternateurBourgeois. Aujour- d’hui, il n’y en a plus qu’une sur cinq. Le différentiel vient de Chine” déplore l’industriel. Dans les entreprises Simonin, Bour- geois, Augé et autres industries repré- sentées ce 4 février dernier,le coût horai- re du travail s’élève à 22 euros par salarié. Alors que le même travail fait

Simone Augé :

“Grâce à la région, on a pu sauver 34 emplois.”

Ce qu’attendent les industries Le groupement français des industries trans- formatrices de métaux en feuilles (G.I.M.E.F.) a interrogé 35 entreprises franc-comtoises sur leurs préoccupations. Réponses collectées par Olivier Bourgeois, président du G.I.M.E.F. franc- comtois. - Quelles sont les problématiques majeures de votre entreprise en France ?

1 - La non-compétitivité de la main-dʼœuvre française : environ 44 % de charges sur les salaires. Conséquences : tous les nouveaux marchés consommateurs de main-dʼœuvre se font en pays low-cost. Les prix de vente indus- triels sont toujours tirés vers le bas par la mise en concurrence systématique avec les pays

Olivier Bourgeois est le président régional du G.I.M.E.F.

low-cost à niveau dʼexigence technique supérieur. Les entreprises nʼont plus dʼautres choix que de produire à lʼétranger, geler les salaires français, déloca- liser, licencier et parfois fermer leurs sites français. 2 - La concurrence déloyale . La France autorise lʼimportation de produits qui ne sont pas fabriqués dans les mêmes conditions quʼelle impose aux entre- prises qui produisent sur son territoire. Cette concurrence déloyale accélère les délocalisations et fermetures dʼusines en France estiment les entrepreneurs francs-comtois. 3 - La lourdeur administrative du Code du travail et le coût des procédures de licenciement économique en cas de baisse dʼactivité soudaine. Consé- quence : plus il est difficile et coûteux de licencier, plus les entreprises hésite- ront à embaucher et plus elles utiliseront les contrats intérimaires. - Quelles sont les solutions pour retrouver de la compétitivité et créer des emplois en France ? 1 - Supprimer les charges salariales et patronales sur toutes les entreprises françaises en concurrence avec les pays low-cost. 2 - Compenser cette perte de taxe par lʼÉtat , en taxant les produits et com- posants asiatiques (Chine-Inde…) importés et qui pourraient être fabriqués par des entreprises françaises. 3 - Aider financièrement les entreprises qui développent de la croissance à lʼétranger (à lʼexport o par implantation locale) pour garantir le maintien et le développement des emplois en France et assurer la pérennité de lʼentreprise face à la concurrence mondiale.

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