La Presse Bisontine 103 - Octobre 2009

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 103 - Octobre 2009

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LES VAÎTES

Le porte-parole du quartier “On ressent une crainte

de la démocratie à Besançon” Le porte-parole

de l’association Les Vaîtes revient sur quatre ans d’actions pour défendre les intérêts de ce quartier

croque-en jambe, mais d’apporter notre pierre à la réalisation d’un nouveau quartier. Le 18 juin dernier, en réunion publique, Jean-Louis Fous- seret a reconnu que l’association avait apporté beaucoup au quartier des Vaîtes. L.P.B. : Vers quoi va évoluer le combat de votre associa- tion qui au départ voulait éviter que les propriétaires expro- priés se fassent spolier ? É.D. : Nous allons continuer à donner nos idées. Charge à la ville de retenir les meilleures. On ne va pas seulement s’attacher à la négociation du prix du foncier. Nous sommes aussi vigilants sur l’idée même de l’éco-quartier. On nous dit qu’il se composera de logements serrés. Mais pour qu’il soit vivable, cela signifie qu’il faudra y interdire la voiture. Donc ne devront habiter là que des gens qui acceptent de ne pas avoir leur voiture garée en bas de chez eux. En disant cela, c’est le fondement même du projet que l’on remet en cause. Nous souhaitons que la mairie aille au bout de ce raisonnement, elle qui pour l’instant a décidé de privilégier les logements serrés et de garder la voiture. Elle fait plaisir aux écolos et aux automobilistes. L.P.B. : Les élus sont-ils disposés à vous écouter ? É.D. : Je suis déçu par le manque d’écoute. Ma déception, c’est que ces hommes-là ne sont mus que par le désir d’exercer le pouvoir et les ambi- tions personnelles, plus que par l’intérêt géné- ral. L.P.B. : Comment pensez-vous les habitants de Besançon perçoivent votre action ? É.D. : Quand on est amené à parler avec des Bison- tins d’autres quartiers de l’avenir des Vaîtes, les gens sont persuadés que la mairie a renoncé à son projet. Tout cela parce qu’il ne s’est rien pas- sé sur le terrain. J’ai le sentiment que tous les grands projets et en particulier d’urbanisme, mais aussi des sujets importants comme le tram- way, passent au-dessus de la tête du citoyen lambda . Les choses sont peut-être en train de changer. En même temps, quand on voit la Chambre de Commerce et de l’Industrie réagir au projet de tramway six mois après que la déci- sion ait été prise, alors que les entreprises vont contribuer au financement de cette infrastruc- ture, c’est révélateur. L.P.B. : Après cinq ans, ne redoutez-vous pas de vous essouffler ? É.D. : Le danger est de lasser. À un moment don- né, je suis monté au créneau d’une façon trop personnelle. J’ai fini par m’effacer car le danger est de trop personnaliser l’action qui est celle d’un quartier et pas d’Éric Daclin. Nous menons un combat contre une forme d’autisme de la part des hommes politiques qui veulent sauvegarder leur pouvoir sans le partager. En revanche, je constate que Jean-Louis Fousseret s’est consi- dérablement amélioré dans la conduite des débats politiques et des réunions publiques. L.P.B. : Que proposeriez-vous pour que le débat politique soit plus ouvert et plus consistant ? É.D. : Ce serait intéressant de filmer le conseil municipal et pourquoi pas de le retransmettre sur Internet. Je crois que cette initiative donne- rait davantage de consistance aux débats et nos élus feraient plus attention à leur attitude. Propos recueillis par T.C. Repères Lʼassociation Les Vaîtes a été créée en 2005 en réaction à la présentation de lʼavant-projet de P.L.U. (plan local dʼurbanisme) par la muni- cipalité. Le document indiquait que 2 000 loge- ments devaient être construits dans ce quartier bisontin encore caractérisé par ses larges espaces verts. Pour les besoins du projet, plusieurs habi- tants devaient être expropriés. Le chantier nʼa pas encore démarré.

de Besançon face à la municipalité.

L a Presse Bisontine :Ne pensez-vous que l’association Les Vaîtes donne l’impression aujourd’hui de défendre l’intérêt de quelques propriétaires plu- tôt qu’un intérêt collectif ? Éric Daclin : C’est une question qu’on s’est posée depuis le début, à savoir est-ce que nous allions constituer une association de propriétaires qui veulent agir pour défendre un prix d’indemnisation, ou alors élargir notre action ? Nous avons choisi la seconde option car les pro- priétaires ne détiennent pas le calme du quar- tier. Il y a des gens qui aiment venir ici pour se promener. Ces personnes-là sont également mobi- lisées à nos côtés pour défendre les Vaîtes. Nous sommes 275 membres actuellement. L.P.B. : Mais des membres de l’association y ont adhéré dans le but de défendre un intérêt personnel ? É.D. : C’est déplorable. En effet, des propriétaires qui ont eu gain de cause, n’adhèrent plus aujour- d’hui à l’association. Il s’agit de personnes dont la maison ne sera plus démolie. Ils ont sauvé leur pré carré et hop, terminé. C’est une erreur de raisonner ainsi car, par expérience, on sait que la mairie peut revenir sur ses décisions. Nous constatons qu’en proportion, parmi l’ensemble des personnes motivées par l’association, il y a eu une désaffection plus impor- tante de propriétaires qui ont eu gain de cause dans cette affaire que de personnes qui fré- quentent le quartier pour la balade. L.P.B. : Où est l’intérêt collectif ? É.D. : Des gens se sont déjà fait exproprier à un prix de 3,81 euros le mètre carré. Défendre un prix de terrain plus élevé sur ce quartier peut peut-être faire référence pour d’autres quartiers confrontés à des expropriations.ÀVallon du Jour et Franois, les gens se sont fait exproprier pour une bouchée de pain. Ce n’est pas normal. Com- me nous sommes nombreux, nous parvenons à nous faire entendre. Si nous étions trois “pay- sans”, le rouleau compresseur de la Ville serait déjà passé par là.

Éric Daclin : “Nous menons un combat contre une forme d’autisme de la part des hommes politiques.”

É.D. : Nous n’avons pas cette prétention d’informer les Bisontins. Nous l’avons fait sur le projet de tramway car il concerne le quartier. Il est légi- time que nous intervenions dans ce dossier auquel nous ne sommes pas opposés. Nous disons que la ville nous raconte des histoires en expliquant que le tramway coûtera 220 millions d’euros. Ce sera plus que cela ! Elle a choisi de réaliser un tram-fer, ce système est le plus durable mais c’est aussi le plus cher. Notre crainte est que la ville se lance dans des investissements qu’elle ne pourra pas assumer au regard notamment de la situation économique locale. L.P.B. : Acceptez-vous que l’on vous objecte d’être une association politisée en opposition avec l’équipe munici- pale ? É.D. : Six mois avant les élections municipales, nous avons décidé de lever le pied afin d’éviter justement d’apparaître comme une association politisée.Malgré tout, dans les réunions publiques qui ont suivi, nous avons servi de cible pour les élus. L.P.B. : Avez-vous été personnellement contacté pour rejoindre une liste électorale ? É.D. : J’ai eu des propositions pour rejoindre une liste d’opposition lors des dernières élections municipales. J’ai refusé. Entrer dans l’opposition était le meilleur moyen de discréditer l’association. L.P.B. : La majorité vous a-t-elle approché ? É.D. : J’ai été surpris que l’équipe sortante ne nous sollicite pas justement. Elle était en fait

persuadée que notre mouvement était politique par nature et opposé à Jean-Louis Fousseret. Or, je ne suis encarté dans aucun parti. L.P.B. : La municipalité laisse-t-elle suffisamment de pla- ce à la démocratie participative ? É.D. : Je suis surpris que dans une ville socialis- te, qui est censée prôner la participation des citoyens à la vie politique, on ressente au contrai- re une crainte de la démocratie. Les élus ont des idées, ils les exposent. Les propositions qui vien- nent des habitants les dérangent. Ils estiment souvent qu’elles contrecarrent leurs plans alors qu’elles sont là pour les enrichir. Cette crainte de la démocratie se ressent également au niveau des conseils de quartier qui sont clairement enca- drés par la municipalité. L.P.B. : Faut-il comprendre que si la concertation portait ses fruits, une association comme Les Vaîtes n’aurait pas lieu d’être ? É.D. : Les élus ne font pas de concertation mais de l’information. Depuis 2005, la population a été informée mais pas concertée sur le projet d’aménagement du quartier. Cependant, la mai- rie nous considère comme des interlocuteurs qui ont une légitimité, avec lesquels il faut compter car nous avons une forme de pouvoir sur le quar- tier. Le fonds de commerce d’un politique est de soigner son image. Par sa démarche, un groupe comme le nôtre a été capable de mettre en exergue les erreurs des élus. C’est le seul levier que nous avons activé pour faire avancer nos idées. Le but de notre mobilisation n’est pas de leur faire des

“C’est une partie d’échecs de la mairie.”

L.P.B. : Vous avez mené des opéra- tions coup-de-poing, comme “Les Vaîtes voient rouge” qui ont eu un écho médiatique. Comment la mairie a perçu cette manière de faire ? É.D. : La mairie a joué de cela. Elle a d’abord communiqué avec force et maladresse sur le pro- jet d’aménagement du quartier. Dès que nous avons commencé à agir, elle a fait plus attention à sa communication, avant de la stopper totalement six mois avant les élections municipales. C’est une partie d’échecs de la mairie. En avançant son projet dans l’ombre, elle espère ne pas rencontrer d’opposition et espé- rer ainsi la déliquescence de notre association. Mais ça ne marche pas. Pourtant, avant les élections, nous avons rencontré Jean-Louis Fousseret qui s’était engagé à nous voir une fois par trimestre. Cela n’a jamais été respecté. L.P.B. :Avez-vous le sentiment de jouer un rôle d’observateur attentif de la vie de la ville et d’informateur des Bison- tins ?

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