La Presse Bisontine 102 - Septembre 2009

L’INTERVIEW DU MOIS

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La Presse Bisontine n°102 - Septembre 2009

Agitée Le sport aura certainement gâché lʼété de Jean-Louis Fousseret. Non que le maire ait abusé dʼefforts physiques incon- sidérés, mais les rebondissements suc- cessifs du feuilleton estival des clubs de haut niveau, presque sans trêve, auront déchaîné les spéculations, sus- cité les commentaires, réveillé lʼopposition municipale et promis au premier magis- trat une rentrée pour le moins houleu- se. Le conseil municipal de rentrée risque dʼêtre dʼautant plus électrique que lʼopposition semble plus pugnace que jamais. Et dʼabord à travers lʼattitude du MoDem Philippe Gonon qui nʼa pas per- du une occasion durant lʼété dʼapporter ses réflexions sur la déliquescence du sport bisontin. Le leader centriste a même dégainé le premier pour cette rentrée politique avec une conférence de presse organisée le 25 août, histoi- re de montrer que cette année plus que toute autre, son groupe compte bien jouer les trouble-fête. Le constat est plus nuancé du côté de lʼU.M.P. où lʼon voit néanmoins se dessiner le visage futur du principal opposant à la politique Fousseret avec le jeune Édouard Sas- sard, pour lʼinstant encore un tantinet brouillon, mais visiblement ambitieux, reléguant presque dʼun coup lʼopposant historique Jean Rosselot au rang de figurant. Dʼautres dossiers que le sport sonneront sans doute pour le maire comme autant de sujets dʼinquiétude : une Université de plus en plus phago- cytée par sa voisine dijonnaise, des entreprises ralenties par la crise et par- tant, une sérieuse baisse attendue des produits fiscaux pour lʼagglomération ou encore des projets de contourne- ment routier qui risquent de se termi- ner dans lʼimpasse. Que ce soit sur le plan du sport de haut niveau, de lʼUniversité, des routes, des entreprises, Besançon se trouve piégée par son sta- tut de ville moyenne, trop petite pour exister sur la scène nationale et trop grosse pour ne pas être obligée dʼinvestir dans ces grands dossiers structurants, sport y compris. Pour lʼinstant, le mai- re de Besançon semble sʼaccrocher au principal rêve qui le fait avancer et envi- sager un avenir plus radieux pour sa vil- le : la réalisation du tramway dʼici 2014. Mais là encore, crise “aidant”, ce sujet structurant risque de devenir pour lui plus impopulaire que prévu et sʼapparenter à un vrai casse-tête. Une rentrée agitée sʼannonce pour M. Fousseret. ? Jean-François Hauser Éditorial

EXCLUSIF

L’ancien condamné se dévoile

Patrick Dils. Derrière ce nom, une des plus grandes erreurs judiciaires de l’Histoire. L’homme qui réside en Franche-Comté, à proximité de Montbéliard, se confie sans tabous. Patrick Dils :

“Mon histoire peut servir”

C’ est une maison au cœur du petit village de Méziré, dans le Territoire-de-Belfort. En bas de la sonnette, une étiquette “Dils Patrick”. Vingt-deux ans après, ce nom et prénom incarnent l’une des plus grandes erreurs judiciaires françaises. Le 20 avril 1987, Patrick Dils, apprenti pâtissier de 16 ans, est inculpé puis condamné à la prison à per- pétuité pour le meurtre de deux enfants, Cyril et Alexandre, à Montigny-lès-Metz (Moselle). Durant sa garde à vue, l’adolescent avait avoué le double meurtre avant de se rétracter et clamer son inno- cence depuis la cellule de sa prison. Il attendra quin- ze ans avant d’être entendu puis disculpé. La pré- sence sur les lieux du crime, au même moment, du tueur en série Francis Heaulme, et des incompati- bilités avec son emploi du temps, ont permis à ses avocats d’obtenir gain de cause. La Presse Bisontine :Aujourd’hui, que faites-vous Patrick Dils ? Patrick Dils : Comme vous, j’ai un travail qui m’occupe 8 heures par jour. Je tiens à être comme tout le mon- de en dehors du fait que j’ai un nom qui a défrayé la chronique et qui a marqué l’histoire. L.P.B. : Vous avez passé quinze ans en prison pour rien. À qui en voulez-vous ? P.D. : À personne, je ne suis pas aigri. J’estime seu- lement que l’on m’a volé quinze ans de ma vie, alors aujourd’hui je n’ai plus de temps à perdre. Je suis quelqu’un de positif et je m’investis beaucoup pour les autres avec mon association Louve qui aide des jeunes en difficulté. Et ce n’est pas parce que j’ai été accusé du meurtre de deux enfants que je l’ai créée. Je parraine également un enfant malade (http://dylanpourlavie.hawablog.com). L.P.B. : Quinze ans en cellule, vous avez dû vous sentir aban- donné ? P.D. : Bien évidemment. Il faut rappeler que je suis resté deux ans tout seul sans avoir le droit au par- loir ! L.P.B. : À 16 ans, c’est terrible ! P.D. : C’est indescriptible. On m’a volé mon adoles- cence même si on me dit : “Mais M. Dils, vous pou- vez sortir maintenant, aller en boîte”, je réponds oui, mais ce que je n’ai plus, c’est l’insouciance des 20 ans. L.P.B. : Vous rappelez-vous la date de votre retour à la liber- té ? Est-ce une date anniversaire ? P.D. : (sourire). Bien sûr, c’était le 24 avril 2002. Je ne fais pas de gâteau pour la fêter mais j’ai eu besoin de faire deux années de suite un pèlerinage à Lyon (lieu de son incarcération). L.P.B. : Racontez-nous votre sortie de prison ? P.D. : Je n’étais pas un détenu comme les autres car j’étais innocent donc il y a eu de l’euphorie ressen- tie mais je pense que pour un détenu normal, la per- sonne sort dans l’anonymat comme elle y est ren- trée. Il y a un manque terrible et c’est là que mon histoire peut aider. Je ne dis pas que j’ai des solu- tions mais on peut améliorer les choses.

Patrick Dils, un homme comme les autres…

de détention.

vous êtes malade. Pourquoi au même titre que votre santé ne prendriez-vous pas soin de votre liberté ? La liberté n’est pas un dû ! L.P.B. :Avez-vous des liens avec les victimes du procès d’Outreau, autre grand fiasco judiciaire ? P.D. : Oui grâce à l’association France Justice. J’ai suivi la réforme de la Justice et je ne comprends que l’on s’appuie sur des personnes qui ne connais- sent pas totalement l’univers de la prison. L.P.B. : Vous paraissez à l’aise, prolixe, posé. Ce n’est pas l’image qui a été donnée de vous par les médias… P.D. : (il coupe). Prenons les mots exacts : on a dit que j’étais un “beu-beu”, un illettré. Comment peut-on juger une personne qu’on ne connaît pas ! Vous m’avez demandé si j’en voulais aux journalistes. Ceux qui m’ont détruit sont ceux qui m’ont permis de mettre la tête hors de l’eau. Certains ont eu une flamme et sont allés au bout de ce qu’ils pensaient. Moi, j’ai toujours dit que j’étais innocent.Au deuxiè- me procès, mes avocats ne savaient plus quoi faire. Je leur ai dit : “On va se battre.” L.P.B. : On vous a reconnu innocent et vous avez perçu 1 mil- lion d’euros. Vous pourriez arrêter de travailler. P.D. : C’est faux, j’ai perçu 700 000 euros. Honnête- ment, vous pensez que ça se calcule ! Si on avait eu la décence de me demander ce que je voulais pour réparation, je n’aurais pas demandé 1 centime. J’aurais demandé, mais c’est un rêve éveillé, que tous les gens qui ont eu affaire à moi - de près ou de loin - vivent et subissent ce que j’ai vécu pendant 15 ans. Là, on aurait été quitte… L.P.B. : Êtes-vous un homme heureux ? P.D. : Je le suis complètement. Il me manque juste une chose : être papa…

L.P.B. : Sont-elles aussi atroces comme on peut l’entendre ? P.D. : Je dirais qu’il y a à boire et à manger.Mais pour y avoir passé quinze ans, je peux vous dire qu’il faut arrêter de se voiler la face : il y a des suicides, des viols, des coups. J’ai vu de l’évolution mais il n’y a pas d’hygiène et pas de respect. Le gardien n’est là pour juger. Le détenu doit lui aussi respecter. Mon histoire peut servir. L.P.B. : Libre, quel était votre souhait ? P.D. : Je suis sorti un mercredi soir, le vendredi soir, j’étais sur le plateau de TF1 pour l’exclusivité et le mardi matin, alors que j’aurais été en droit de par- tir en vacances, mon souhait était de travailler com- me tout le monde. Quand on travaille, on sait appré- cier les week-ends, les vacances.

L.P.B. : Le chapitre prison est-il difficile à évoquer ? P.D. : Il n’y a rien de difficile à évo- quer que ce soient les conditions de vie, le viol, le tabassage, le travail effectué en prison, sinon je ne ferais pas sept ans après des conférences pour faire connaître mon parcours. Ceci, je l’ai vécu… Je ne veux rien révolutionner mais si je peux aider, je le fais. J’aimerais, en partenariat avec les mairies, pouvoir parler de mon expérience aux jeunes. L.P.B. :Vous réalisez des conférences à tra- vers la France (1). Quel est le thème, l’objectif ? P.D. : L’erreur judiciaire et surtout les valeurs de la vie. Les gens les ont perdues. Pourquoi ? Parce que vous n’êtes jamais privé de quelque chose.Vous prenez soin de votre san- té (il me pointe du doigt), et bien vous allez voir votremédecin lorsque

“J’ai pensé une fois au suicide.”

est éditée par “Les Éditions de la Presse Bisontine”- 1, rue de la Brasserie B.P. 83 143 - 25503 MORTEAU CEDEX Tél. : 03 81 67 90 80 - Fax : 03 81 67 90 81

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L.P.B. : Comment fait-on pour tenir dans une cellule ? P.D. : Grâce à la flamme de l’innocence.

Imprimé à I.P.S. - ISSN : 1623-7641 Dépôt légal : Septembre 2009 Commission paritaire : 1102I80130

Propos recueillis par E.Ch.

L.P.B. : Avez-vous pensé au suicide ? P.D. : Une seule fois, mais ce n’était pas par rapport à mon innocence mais par rapport aux conditions

Crédits photos : La Presse Bisontine, Centre 1901, Coup de pouce alimentaire, L.A.C.I.M., Yves Petit, Philippe Riffey, Skinexigence, Ville de Besançon.

(1) Patrick Dils tiendra une conférence à Besançon courant de l’automne à la faculté de Besançon

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