La Presse Bisontine 102 - Septembre 2009

La Presse Bisontine n°102 - Septembre 2009

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ANALYSE Le point de vue de Loïc Ravenel “Besançon attend qu’un sport meure” Maître de conférences à l’Université de Franche-Comté, Loïc Ravenel a étudié le sport de haut niveau à Besançon. Son constat : pour bien gérer l’argent public, il faut choisir un sport.

GRAND ANGLE

Comment nos voisins gèrent-ils leur sport ?

Dijon champion Un club de foot en L2, le basket en Pro A, le handball, le hockey et la gym au plus haut niveau : le sport dijonnais est à

la fête. L’adjoint aux sports explique la politique sportive.

“O n ne va pas claquer les bretelles.” Si le sport de haut niveau se porte com- me un gant à Dijon, l’adjoint aux sports à la ville de Dijon Gérard Dupire est loin de fanfaron- ner. “On nous reproche qu’il y a trop de clubs de haut niveau. Pour l’instant, on tient mais des questions se pose- ront si le rugby venait accéder en Pro D2” convient ce dernier.

L a Presse Bisontine : Y a-t-il un sport de haut niveau de trop à Besançon ? Loïc Ravenel : Oui. Besançon est une ville moyenne qui se place à la 70 ème position des agglomérations fran- çaises : elle est dans l’obligation de faire un choix d’un sport de niveau. D’après des calculs réalisés, il y a à Besançon la place pour 1,4 sport d’élite. Pour une ville de plus de 250 000 habi- tants, c’est 2,4 sports et pour une agglo supérieure à 300 000, c’est minimum trois sports. L.P.B. : Pourquoi si peu pour une capitale régionale ? L.R. : Nous sommes à l’heure actuelle dans un système sportif où les coûts sont élevés et dans un contexte de désengagement des collectivités. On pourrait miser sur le football. Le pro- blème, c’est que nous ne sommes pas dans une assez grande métropole. On se frotte à la concurrence du sponso- ring à à l’Est avec Sochaux et à l’Ouest avec Dijon. On va se retrouver avec un stade dépassé et la notoriété du National, tout le monde s’en moque. On ne peut se comparer à Auxerre, car il y a une structure en place. Mais je ne suis pas sûr que ça dure encore très longtemps…Même Sochaux com- mence à être à la “ramasse” par rap- port à son stade (peu de parkings, pas d’animation après-match…). L.P.B. : Quel sport serait le plus adapté dans notre ville ? L.R. : Un sport de salle car c’est le moins coûteux. Je pense au basket (1) ou au handball car nous avons une culture de ce sport. Les grandes villes ne se posent pas la question car elles ont les moyens de les soutenir et les petites non plus car elles ne les ont pas. C’est justement aux villes moyennes de se positionner.

ont mis la main au porte-monnaie. Pour preuve, 11 % du budget de la ville va aux différents sports. Il était encore de 12 % il y a deux ans juste avant que la communauté d’agglomération du Grand Dijon ne reprenne une partie de la compéten- ce financière. Le foot reçoit 950 000 euros (800 000 pour la S.A.S.P. et 150 000 pour l’association), le basket 940 000, le hockey 137 000 et les deux clubs de handball 390 000. Contrairement à Besançon, Dijon - élue 3 ème ville sportive française par le quotidien L’Équipe - ne fonctionne pas avec des contrats d’objectifs. “Lors- qu’un club monte, on pose la question du budget demandé. Pour le moment, nous avons suivi les clubs mais nous sommes au taquet. Nous sommes appe- lés à serrer les subventions. Quel sport nous avons de trop ? Nous ne pouvons pas répondre !” Concernant la vérification des comptes,

L.P.B. : Un sport de salle nécessite forcément une infrastructure coûteuse. L.R. : Oui, mais c’est moins élevé qu’un terrain de foot. Le Palais des Sports est aussi périmé car il ne peut accueillir que des événements sportifs. Besan- çon a fait une erreur. Il faudrait un espace comme l’Axone à Montbéliard qui puisse accueillir des concerts et des manifestations sportives… Ain- si, si votre équipe redescend, vous avez toujours matière à rentabiliser le site. L.P.B. : Quel regard avez-vous sur les contrats d’objectifs mis en place par la municipalité de Besançon ? L.R. : Ils ne servent à rien. Si toutes les équipes montent en même temps, il se pose forcément un problème finan- cier à la fin. Certaines villes ont fait ce choix comme Pau qui a tout misé sur le basket ou encore Orléans. À l’inverse, Nîmes,Alès et Mulhouse qui n’ont pas choisi de sport connaissent ou ont connu de grandes difficultés. Quitte à jouer un sport, autant bien le jouer. L.P.B. :Vous comprenez que les politiques ne puissent faire de choix définitifs et crier ouver- tement qu’ils vont enterrer telle ou telle équi- pe ?

Pour avoir un club de football en Ligue 2 (8 ème la saison der- nière), un club de bas- ket en Pro A, deux équipes de handball féminines et mascu- lines au plus haut niveau ainsi que le hoc- key (Ligue Magnus), Dijon fait figure de bon élève. Pour arriver à un ce résultat, les politiques

“On est au taquet.”

un état comptable est fait chaque année comme c’est le cas à Besançon avec une demande d’expertise finan- cière. “Le seul dépôt de bilan, c’était le rugby en 2000. Nous surveillons étroitement. Il est déjà arrivé que notre service financier nous incite à la vigi- lance comme c’était le cas pour l’A.S.P.T.T. (2 400 licenciés) qui obte- nait des subventions d’un côté mais

Mulhouse en reconstruction Pour espérer une importante subvention, les clubs sportifs mulhousiens doivent désor- mais respecter trois critères. Mulhouse a vécu la même mésaventure que Besançon.

L.R. : Pour bien gérer l’argent public, il faut faire des choix… Propos recueillis par E.Ch. (1). Loïc Ravenel est l’auteur de “Basket pro- fessionnel en France : approche stratégique et géomarketing” paru aux Presses universi- taires de France. Pré- face de Tony Parker.

“Quitte à jouer un sport, autant bien le jouer.”

Le football à Mulhouse espère retrouver l’élite au plus vite.

P our le sport mulhousien, la gueule de bois d’un lendemain de fête commence doucement à s’estomper. Après la chute du basket (dépôt de bilan alors que le club était en Pro A), celle du hockey, ou encore du football (de Division 2 à C.F.A.), d’autres sports à l’instar de la natation ou du volley-ball féminin commencent à faire oublier les déboires connus en l’espace de quatre années où les Alsaciens ont vu dis- paraître une à une leurs équipes favorites. De rayonnement quasi-identique à la ville de Besançon, Mulhouse a choisi de développer une nouvelle politique sportive. Le point avec Éric Schweitzer, adjoint aux sports depuis un an à la Ville de Mulhouse : “Pour obtenir une subvention digne de ce nom, le club doit avoir un projet et respecter trois volets” dit-il. Dans un premier temps,

seule la quasi-totalité des subventions sachant que la communauté d’agglomération est trop “petite” pour prendre le relais . “Nous clubs ont encore la chance d’avoir un sponsoring qui tienne la route, remarque l’adjoint aux sports tout en n’oubliant de dire que “les difficultés finan- cières dues à la crise se ressentiront l’année prochaine pour les collectivités.” Attention aux restrictions de sub- ventions ? “Pour le moment, nous demandons à nos clubs la transparence. Il est plus facile de traiter les problèmes en amont qu’en aval.” Dont acte. Comme Besançon, Mulhouse va mettre en place des contrats sportifs à moyen terme pour les clubs qui ont des athlètes qualifiés pour les Jeux Olympiques (nata- tion avec Amaury Leveaux et Aurore Mongel notam- ment). “Les clubs savent où ils vont. Nous aussi. Si le foot venait à monter, nous l’aiderons, comme les autres sports” commente Éric Schweitzer. Classée en 2007 à la 20 ème place des villes sportives, la cité alsacienne met en place un nouveau système d’aides, non pas financières,mais techniques : “Nous allons embau- cher des cadres, le plus souvent des athlètes en reconver- sion, qui apporteront leur expérience.” Un coût, certes, mais qui a une vocation “sociale” selon ce dernier qui veut rappeler que la collectivité n’est pas “un sponsor mais un partenaire qui doit aider, où les dirigeants doi- vent diriger et les clubs, bosser.”

Le résultat des études menées par Loïc Ravenel

est clair : une ville comme Besançon ne peut

le projet sportif doit tenir la route et s’accompagner d’un encadrement péda- gogique et administratif. Le second volet est financier : “Un point régulier des finances est réalisé deux à trois fois par an” note l’élu. Enfin, “le club doit avoir un rôle de formation avec une aide dans nos quartiers et nos écoles. C’est un passage obligé et je suis intrai- table là-dessus. ” La ville alsacienne supporterait à elle

“Contrats pour les J.O. et aide d’encadrement.”

supporter plusieurs sports de haut niveau.

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