La Presse Bisontine 102 - Septembre 2009

BESANÇON

La Presse Bisontine n°102 - Septembre 2009

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MÉDECINE Une première mondiale à Besançon “La mère et le bébé se portent bien” Ysaline est née le 22 juin à la maternité de l’hôpital de Besançon. Le bébé est né d’une première médicale réalisée par les équipes du professeur Christophe Roux : une autogreffe d’ovaire. Le spécialiste revient en détail sur cette prouesse technologique réalisée en collaboration avec le C.H.U. de Limoges.

L a Presse Bisontine : Comment se portent la petite et sa maman ? Professeur Christophe Roux : Tout va bien pour les deux, elles sont rentrées à la maison, la maman se repose. L.P.B. : Comment est “née” cette première médicale française ? P.C.R. : Nous faisons de la conservation de tissus ovariens depuis 2003. Cet- te patiente a été la première à nous faire cette demande, à la fin du prin- temps 2007, quand elle a formulé le désir d’avoir un bébé. Atteinte d’une pathologie hématologique, elle avait bénéficié en 2005 d’une congélation de tissu ovarien en prévision de son traitement qui était curatif mais sté- rilisant. En 2008, ce tissu ovarien lui a été greffé dans l’espoir de satisfai- re à son désir d’enfant. La greffe a été un succès. L.P.B. : Pourquoi la préservation du tissu ova- rien n’est-elle pas systématiquement propo- sée aux patientes soignées par des traite- ments stérilisants ? P.C.R. : Toutes les patientes potentiel- lement concernées sont bien informées qu’elles peuvent bénéficier de cette conservation. Mais les conditions sont multiples. Si par exemple elles subis- sent une forte chimiothérapie dès le départ de leur traitement,ce sera impos- sible. Il faut aussi être sûr que la patien- te a été rendue stérile par le traite- ment. Il faut également qu’elle ait moins de 35 ans, etc. Au final, seule- ment quelques patientes par an (entre 1 et 10 au maximum) sont concernées par ce type de prélèvement à Besan- Au C.H.U. de Besançon, une patiente suivie depuis sa petite enfance pour une maladie du sang, une forme gra- ve de drépanocytose, et présentant de nombreuses complications dues à cet- te maladie s’est vu proposer en 2005 à l’âge de 20 ans, un traitement cura- tif de sa maladie : une greffe de moel- le osseuse provenant d’un donneur compatible. Cette greffe de moelle osseuse néces- sitant une destruction des cellules de la moelle osseuse de la patiente par l’administration d’une chimiothéra- pie intensive, hautement toxique pour sa fonction ovarienne donc stérilisante, il lui a été proposé une autoconser- vation de son tissu ovarien. Cryoconservation du tissu ovarien Fin 2005, avant l’administration de ce traitement gonadotoxique, un ovai- re a été prélevé chez la patiente. La zone externe de cet ovaire (la corti- cale) riche en follicules a été dissé-

çon. Sur la France, on arrive à une cen- taine d’autoconservations par an. La plus jeune patiente était âgée de 2 ans. Et sur les quelques centaines de patientes ayant bénéficié de cette congé- lation, très peu ont demandé la réuti- lisation du tissu. Sur Besançon, c’était la première tentative d’autogreffe, elle s’est soldée par un succès. L.P.B. : Le protocole à suivre est long ? P.C.R. : La congélation de tissu est bien codifiée, c’est une activité bien régle- mentée depuis 2006. Besançon fait partie des 11 centres habilités en Fran- ce. De nombreux essais ont été effec- tués pour s’assurer du bon état de conservation des tissus. L’étape la plus cruciale est celle de la congélation. La conservation dans l’azote liquide à - 196 °C est moins délicate. L.P.B. : Quand a eu lieu la greffe ? P.C.R. : En avril 2008. Les fragments d’ovaire que nous avions prélevés ont été remis sur l’ovaire restant et dans la loge où l’on avait prélevé l’ovaire, favorisant la revascularisation des vaisseaux. Les greffons ont bien repris. Pour cette maladie du sang dont souf- frait la patiente, une forme grave de drépanocytose, le succès de cette gref- fe est une première mondiale. L.P.B. : Cette première laisse entrevoir de nom- breux espoirs aux femmes rendues stériles et pourquoi pas la possibilité de dons d’ovaire ? P.C.R. : Le don de sperme et d’ovocytes existe. Pourquoi ne pas envisager des dons d’ovaire ? Mais la question est complexe. On comprend que l’on puis- quée en petits fragments qui ont été conditionnés, congelés et cryoconser- vés à - 196 °C dans l’azote liquide. Autogreffe de tissu ovarien cryoconservé En avril 2008, la patiente guérie de sa maladie hématologique mais sté- rile car ménopausée prématurément suite à la chimiothérapie administrée, désireuse d’avoir un enfant avec son mari, a bénéficié d’une greffe de son tissu ovarien préalablement congelé. Cette autogreffe a nécessité une décon- gélation des fragments de corticale ovarienne et une greffe de ces frag- ments à la patiente. Pour cette gref- fe proprement, dite le Pr Christophe Roux et le Dr GermainAgnani se sont adjoint les services du Dr Pascal Piver du C.H.U. de Limoges.

se donner ses organes quand ces organes sont vitaux. Là, on touche un problème éthique. Il y a eu un cas publié de don d’ovaire sur des sœurs jumelles. Dans notre cas, ce qui est fondamental, c’est que sur une auto- greffe, c’est le patrimoine génétique de la personne bénéficiaire qui est concerné.

Quatre années ont été nécessaires au P r Roux et aux équipes médicales des C.H.U. de Besançon et de Limoges pour aboutir à cette première.

L.P.B. : La patiente peut-elle envisager une seconde grossesse ? P.C.R. : On ne connaît pas la durée dans le temps de ces greffons mais il est tout à fait envisageable de penser à une autre grossesse, spontanée ou aidée. Propos recueillis par J.-F.H. te du traitement, le très jeune âge des patientes, l’absence de conjoint sont autant de facteurs qui rendent illu- soires d’envisager, avant le traitement, la réalisation d’une tentative d’assistance médicale à la procréation avec congélation d’ovocytes et/ou d’embryons pour tenter de préserver la fertilité de ces patientes. L’autoconservation de tissu ovarien est alors la seule alternative que l’équipe médicale pluridisciplinaire peut pro- poser à la patiente pour préserver sa fertilité et lui permettre d’avoir, avec ses propres gamètes, un enfant qui, génétiquement, sera le sien. La greffe de tissu ovarien La réutilisation par autogreffe du tis- su ovarien cryoconservé est actuelle- ment la seule technique envisageable quand la patiente ayant sa fonction ovarienne irrémédiablement perturbée, désire un enfant. Cette greffe implique que la patiente soit guérie de sa maladie, qu’il n’y ait pas de contre-indication à la grossesse et que la greffe d’ovaire ne présente pas un risque de réintro-

La chronologie des événements

duction de cellules anormales dans l’organisme. Les techniques de greffe ayant permis des naissances dans le monde ont toutes consisté à replacer les fragments d’ovaire au niveau de l’ovaire restant et/ou dans la région anatomique des ovaires. On ne peut écarter la possibilité dans le futur de ne plus avoir recours à la greffe, mais de pouvoir obtenir en labo- ratoire par culture in vitro , à partir des ovocytes immatures des fragments congelés, des ovocytes utilisables en technique de fécondation in vitro . Résultats et retombées de la greffe C’est une première nationale en ter- me de naissance et le premier cas mon- dial dans le cadre d’un traitement pour drépanocytose. Elle offre un espoir de préservation de la fertilité chez des femmes susceptibles de recevoir un traitement stérilisant et pouvant être candidates à la cryoconservation de leur tissu ovarien. Ces résultats doi- vent encourager le développement des recherches médicales dans ce domai- ne.

Un suivi régulier de la patiente au centre d’assistance médicale à la pro- création du C.H.U. de Besançon a per- mis de s’assurer de la réussite de la greffe, de la reprise de la fonction ova- rienne, et à l’équipemédicale d’effectuer un monitorage d’un cycle ovulatoire chez la patiente afin de lui permettre d’obtenir une grossesse spontanée après rapports sexuels programmés avec son conjoint. Indications de la Cryopréservation de tissu ovarien La cryopréservation de tissu ovarien est proposée à des petites filles ou à des femmes jeunes devant subir une chimiothérapie et/ou une radiothéra- pie lourde(s) pour unemaladie qui peut être cancéreuse ou non. Ces traite- ments administrés sont très souvent responsables d’une stérilité par des- truction des cellules ovariennes néces- saires à la reproduction. Le cours délai entre le diagnostic et la mise en rou-

Reprise de la fonction gonadique et grossesse

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