La Presse Bisontine 100 - Juin 2009

La Presse Bisontine n° 100 - Juin 2009

L’INTERVIEW DU MOIS

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LIVRE

L’amour pour une mère Patrick Sébastien : “L’euthanasie est un acte d’amour” L’animateur-humoriste-écrivain a consacré aux derniers jours de sa maman un ouvrage où il livre sans pudeur l’indéfectible lien qui l’unit à elle.

Patrick Sébastien : “La force de l’amour est une force encore inexplorée.”

“Tu m’appelles en arrivant ?” a déjà dépassé la barre des 100 000 exemplaires vendus.

L a Presse Bisontine :Des critiques quasi unanimes pour saluer la force de ce livre. Enfin la recon- naissance du petit milieu offi- ciel ? Patrick Sébastien : Au départ, c’était le livre que je regrettais le plus d’avoir écrit car il n’était pas des- tiné à être publié. Alors oui, ça fait du bien de voir qu’il est aussi bien reçu que cela, par la critique mais avant tout par les lecteurs. L.P.B. : Quel est le message essentiel que vous avez voulu faire passer à travers le récit poignant des derniers jours de votre

L.P.B. :Avec ce livre, une chose est acqui- se, enfin : vous clouez le bec aux bien- pensants gardiens de la culture officiel- le ? P.S. : De cela, je m’en fous mainte- nant. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que pour moi, ça a été bien plus dif- ficile d’écrire “Le petit bonhomme en mousse” que ce livre. Peut-être ignoraient-ils aussi que je suis un amoureux des mots, du style et des phrases bien construites, moi qui aurait pu devenir enseignant. Je ne demande pas aux critiques d’apprécier ce que je fais mais il y a juste une chose que je ne sup- porte pas, c’est le mensonge et la mauvaise foi. Ma satisfaction, c’est de toucher le cœur de beaucoup de gens qui ne me connaissaient pas. La reconnaissance des autres me fait plaisir, elle ne me donne pas plus de fierté. Mais une chose est sûre : cela me donne encore plus envie de faire des choses futiles comme mes chansons. Il y a tant de choses qui nous échappent dans la vie. L.P.B. : La meilleure critique que vous ayez reçue depuis la sortie du livre ? P.S. : Deux dames m’ont écrit pour me dire : “On s’est arrêté 10 pages avant la fin du livre, on ne voulait pas voir votre mamanmourir.” C’est le plus beau compliment qu’on ait pu me faire. L.P.B. : Vous préparez pour l’été une piè- ce de théâtre que vous jouerez à Roca- madour. Un pied-de-nez à Paris ? P.S. : C’est plus un acte politique qui va à l’encontre du système que l’on veut nous imposer. À Paris, il y a 700 spectacles par jour. À Roca- madour, certains n’ont que très peu d’occasions de voir un spectacle. C’est aussi parce que je suis un grand affectif qui a besoin de sen- tir la proximité des gens, j’ai besoin de générosité. L.P.B. :Terminons sur le livre et sur le décès de votre maman. Vous dites vous sentir très bien depuis son départ. Dieu ferait- il désormais partie de votre vie, vous l’agnostique ? P.S. : Je reste un agnostique mais je suis persuadé qu’il y a quelque cho- se. On peut l’appeler Dieu si on veut… Avec toutes les personnes qui me sont chères et qui m’ont quitté, je suis désormais bien entou- ré dans ma vie…

n’est qu’une partie de moi. Le vrai, c’est le Patrick Boutot (N.D.L.R. : son vrai nom) , c’est la vie de celui- là qui m’intéresse.À travers ce livre, j’ai aussi voulu pousser les gens à se poser des questions sur ce qu’ils sont, sur eux-mêmes. Encore une fois, j’ai fait ce livre pour faire pas- ser un message d’amour, qui peut aller à l’encontre de l’évolution de la société actuelle. L.P.B. : L’autre vrai sujet du livre, plus gra- ve, c’est le droit d’aider à mourir ses proches. Quel regard portez-vous sur l’euthanasie ? P.S. : Je vais sans doute choquer les catholiques, mais j’estime que dans la plupart des cas, l’euthanasie peut être un acte d’amour. Et qu’est-ce que l’euthanasie ? J’estime qu’au moment où l’on parle, 100 toubibs sont en train de la pratiquer en interrompant, volontairement, les soins curatifs à des personnes qu’ils estiment condamnées. Mais qui le sait vraiment ? L’euthanasie est une question qu’il faut encadrer de manière stricte. J’aimerais que ce soit légalisé mais avec un cadre très précis. Un jour, on a décidé de légaliser l’avortement alors que jusque-là, cela se faisait tous les jours. Pour l’euthanasie, c’est exactement la même chose à l’autre bout de la chaîne. Si j’étais au gouvernement, je créerais un ministère des urgences. Avec l’éducation, les mal logés et d’autres, la question de l’euthanasie est un des sujets à traiter en urgence. Sup- primer de la pub le soir pour que les programmes démarrent 5 minutes plus tôt ne relevait pas de l’urgence. Il faut retrouver le sens des priorités. L.P.B. : Une autre obsession de votre vie, relatée dans le livre, c’est la recherche de votre vrai père, de votre géniteur. Cette quête est terminée ? P.S. : Au fil des années, j’ai eu la cer- titude de mon ascendance. Mais après mûre réflexion, j’ai décidé de ne pas terminer cette quête alors que j’ai eu l’occasion récemment de le faire. Je sais néanmoins, et cela m’a été confirmé par sa fille, que je suis certainement le fils de Ray- mond, l’artiste… L.P.B. : L’idée du suicide vous taraude-t- elle toujours de temps en temps ? P.S. : En fumant comme je fume, je suis conscient que je me suicide à petit feu. Vous savez qu’Achille Zavatta s’est suicidé. Les saltim- banques comme nous sommes peut- être plus lucides que d’autres sur le monde qui nous entoure, ceci explique sans doute ces tendances.

ne “plus aimer ce que vous êtes.” Qu’est- ce que cela signifie vraiment ? Marre de faire le saltimbanque ? P.S. : Ce sont des messages livrés sur le moment, bruts. Vous savez

maman ? P.S. : Que naturellement, la mort fait partie intégrante de la vie mais qu’au-delà de toutes les morts vio- lentes auxquelles nous sommes tous confrontés, j’ai voulu faire passer le message de l’amour absolu qui subsiste. C’est cela l’essentiel. J’aimerais qu’une mère qui lise ce livre puisse, si nécessaire, reconsi- dérer son vrai rôle de mère et qu’à l’inverse, que des enfants qui liraient ce livre reconsidèrent les rapports qu’ils ont avec leur mère.

que je suis dans une société qui ne me plaît pas, je suis un no s t a l g i que. Je n’aime pas le “tra- vailler plus pour gagner plus” , la course au profit, aux records… Le “Patrick Sébastien”, c’est une image qui

“Je suis un grand affectif, j’ai besoin de générosité.”

L.P.B. : À un moment du livre, vous avouez

Propos recueillis par J.-F.H.

“Tu m’appelles en arrivant ?” Patrick Sébastien Éditions Florent Massot

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