La Presse Bisontine 100 - Juin 2009

ÉCONOMIE

La Presse Bisontine n° 100 - Juin 2009

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SANTÉ PUBLIQUE

L’épidémiologiste Jean-François Viel se livre

Le professeur bisontin Jean-François Viel a rendu son étude sur les dangers relatifs à l’exposition aux antennes relais. L’étude des cancers autour de l’incinérateur de Besançon va être terminée.

“Je n’ai plus la même naïveté” L’épidémiologiste bisontin Jean-François Viel va remettre une nouvelle étude sur l’usine d’incinération de Besançon et le risque de cancer. Spécialiste des problèmes de “santé-environnement”, il a compris que la science n’était pas au-dessus de tout. Notamment des pressions des industriels, des politiques voire des O.N.G.

L a Presse Bisontine : En 1997, vous lâchiez une bombe en publiant les résultats d’une enquête sur les cas de leucémies d’enfants survenus aux alentours de l’usine de retraitement de déchets nucléaires de La Hague (Cotentin). Le sujet est repassé récemment sur les écrans. Dou- ze ans après, comment avez-vous vécu cet- te retransmission ? Jean-François Viel : Cela ne me gêne pas, les télés font ce qu’elles veulent avec les images d’archives. Aujourd’hui, je n’ai plus le même âge (52 ans), plus le même poids. L.P.B. : Vous avez subi des pressions. Avez- vous tiré des conclusions depuis ? J.-F.V. : Ce fut une période difficile de ma vie mais si c’était à refaire, je refe- rais cette étude. Lorsque l’on travaille sur le thème “santé-environnement”, vous vous retrouvez entre différents acteurs, lobbies , industriels et forces sociétales. Ma naïveté était de croire que la science est au-dessus de tout. Je n’ai plus même la même candeur et je peux dire que la science fait par- tie du jeu social. L.P.B. : Épidémiologiste (1) et professeur, vous venez de remettre en mars un rapport sur l’effet des ondes “radiofréquence” sur la san-

J.-F.V. : Quand on travaille sur “santé- environnement”, on a un devoir envers la société. L.P.B. : Pourquoi certaines études passent- elles inaperçues ? J.-F.V. : On vient de s’intéresser aux images satellite qui permettent d’estimer la populationmondiale. Dans de nombreux pays, il n’y a plus de recen- sement. Cette étude scientifique est à mon sens aussi importante que les fré- quences mais elle ne remet en cause aucun intérêt scientifique ou politique. Du coup, personne n’en parle. L.P.B. : L’étude sur l’usine d’incinération de Besançon et les cas de cancers est-elle ter- minée ? J.-F.V. : Nous attendons les résultats de prises de sang qui sont analysées dans un laboratoire à Liège (Belgique). Nous avons trouvé un excès de lymphomes, de cancer, largement commenté par voie de presse. L’usine est aux normes aujourd’hui, c’est clair. Sur quatre autres départements, nous avons retrou- vé les mêmes résultats (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Tarn et Isère). C’est assez fort pour dire qu’il y a un excès de can- cers là où il y a des retombées de dioxi- ne, mais nous n’avons pas établi la

té. Quelles sont les conclusions ? J.-F.V. : La première : ce n’est pas au pied de l’antenne que l’on n’est pas le plus exposé mais à 300 mètres. Ce n’est pas nouveau en terme scientifique. Le deuxième aspect : ce ne sont pas les antennes relais qui exposent le plus mais les antennes F.M., de la radio… Notre étude n’a pas travaillé sur le danger mais sur l’exposition car il y avait un déficit dans ce domaine. L.P.B. : Cette étude est parue fin mars, au moment où les opérateurs de téléphonie mobi- le étaient obligés de démonter des antennes- relais. Était-ce voulu ? J.-F.V. : Pas du tout, je n’ai aucune empri- se sur les publications. On m’a accu- sé en 1997 d’avoir orchestré la sortie de l’article de La Hague un jour avant que le premier cargo français ne quit- te le port de Cherbourg avec de l’uranium retraité pour rejoindre le Japon. J’ai fait l’ouverture des jour- naux télévisés de 20 heures. Pour radio- fréquence, une revue publie notre étu- de et comme par hasard, il y a le Grenelle et le fait que les opérateurs doivent démonter des antennes-relais. Je le redis : je n’ai aucune emprise.

la recherche, l’évaluation et la gestion du risque. C’est le politique qui a la charge de la gestion du risque. Le scien- tifique est là pour parler de l’évaluation. On court après ce contrat social qui intégrerait tout le monde (industriel, O.N.G., politique, scientifique). L.P.B. : De gauche ou de droite, les politiques ont-ils les mêmes inquiétudes face au risque ? J.-F.V. : Ils ont les mêmes remontées des inquiétudes sociales. Ils ne sont pas différents. L.P.B. : Vous formez les futurs médecins à la faculté. L’épidémiologie est-elle un métier d’avenir ? J.-F.V. : Oui. l’épidémiologie devient un recours pour la justice mais la Fran- ce est en retard. Propos recueillis par E.Ch. (1) : L’épidémiologie est l’étude des fac- teurs influant sur la santé et les mala- dies des populations humaines.

causalité.

L.P.B. : En clair, il ne faut pas habiter à proxi- mité de cette usine… J.-F.V. : Je n’ai pas dit ça… L.P.B. : Quels sont vos rapports avec le maire Jean-Louis Fousseret ? J.-F.V. : Très normaux. J’ai beaucoup apprécié que la mairie accepte de par- ticiper à l’étude de radiofréquence en mesurant sur 200 employés munici- paux l’exposition aux ondes. L.P.B. : Vous avez un téléphone portable. L’utilisez-vous ? J.-F.V. : Pas plus de cinq minutes par jour. Les épidémiologistes disent que parler plus d’une heure par jour aug- mente de 50 voire 100 % le risque de cancer du cerveau. L.P.B. : La vraie question. Ne faut-il établir un nouveau contrat social ? J.-F.V. : Effectivement. Il faut séparer

L.P.B. : Vous vous méfiez de la presse…

LES OFFRES DE L’ÉTÉ Valable du 1 er au 31 août 2009

DURÉE

TARIFS TARIFS ÉTUDIANTS

1 MOIS : 2 MOIS : 3 MOIS :

75 €

55 €

137 € 186 €

100 € 136 €

LA SÉANCE :

15 €

10 €

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