La Presse Bisontine 100 - Juin 2009

ÉCONOMIE

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La Presse Bisontine n° 100 - Juin 2009

TRANSPORT Une étude socio-économique La voie d’eau refait surface Douze ans après l’abandon du Grand Canal, le développement de la voie d’eau Saône-Rhin revient sur le devant de la scène. Une étude rendue par le Conseil général du Haut-Rhin redonne tout son sens à l’action menée par l’association Saône-Rhin Europe.

Une étude technico- environne- mentale devrait compléter l’étude socio- économique qui vient d’être rendue.

I ronie de l’histoire : c’est peut-être le Grenelle de l’environnement qui va redonner vie au dossier de canal Saône-Rhin, enterré il y a 12 ans par la ministre de l’Environnement de l’époque DominiqueVoynet. Dans lamou- vance de ce Grenelle, le Conseil général du Haut-Rhin a com- mandité une étude sur la via- bilité d’une liaison fluviale Saô- ne-Rhin dont les conclusions ont été rendues il y a moins d’un mois. L’étude compare notam- ment le potentiel de cette liai- son qui traverserait donc la Franche-Comté, avec celui d’un autre projet à l’étude actuelle- ment, la liaison Saône-Mosel- le. “D’après cette étude, le ton- nage prévisionnel annuel pour Saône-Rhin est estimé entre 11 et 19 millions de tonnes, contre

Zoom Les principales

Mulhouse, suivrait le pied des Vosges, et traverserait la Hau- te-Saône via Lure, jusqu’à Port- sur-Saône. Pascal Viret annon- ce qu’un débat public aurait lieu sur cette question du fluvial en 2012. “Un amendement récent du Sénat a permis d’incorporer Saône-Rhin au futur débat public sur la voie d’eau. Nous sommes bien dans le cadre d’un proces- sus qui avance” affirme-t-il. Qu’en est-il du coût ? En fonc- tion des tracés et des gabarits, la fourchette oscille entre 4 et 10 milliards d’euros. Comment le financer ? “Deux pistes sont à explorer : le financement euro- péen qui pourrait prendre en charge le coût à hauteur de 30 % et le financement par des res- sources extra-budgétaires com-

me une future redevance poids lourds suggérée par le Grenel- le.” Le nombre d’emplois créés ou maintenus par la création d’une voie d’eau Saône-Rhin est esti- mé à 70 000 par le cabinet qui a réalisé l’étude pour le comp- te du Conseil général haut-rhi- nois. “Pour la Franche-Comté, le projet induirait 24 000 emplois” insiste M. Viret. Ce projet qui a pris un nouveau coup de jeune, s’il aboutit un jour, ne serait pas réalisé avant l’horizon 2025. “En ce moment, on a le sentiment d’avancer à pas de géant” se réjouit le pré- sident d’une association basée à Besançon et qui réunit quelque 500 adhérents. J.-F.H.

4 à 15 pour Saône-Moselle. D’ici 2025, date prévisionnelle pour une éventuelle réalisation, 15 % du trafic poids lourds serait reportable sur l’eau” , commen- te Pascal Viret, le président de l’association Saône-Rhin Euro- pe, qui milite depuis longtemps pour la solution fluviale. Selon

conclusions de l’étude - Un potentiel de trafic compris entre 11 et 19 millions de tonnes en 2025. Pour mémoire, le potentiel de trafic identifié par le Compagnie Nationale du Rhône à lʼépoque du Grand Canal était de 11 à 14 mil- lions de tonnes. - Deux itinéraires envisagés par lʼétude : un premier couloir qui emprunte la vallée du Doubs (ça va réveiller des souvenirs…), un autre qui passerait plus au Nord, via la trouée de Belfort et rejoin- drait la Saône par Port-sur-Saône. - Lʼimpact “transport” de cette liaison serait “relativement limité” selon le cabinet dʼétudes. De lʼordre de 10 % de trafic poids lourds en moins sur lʼaxe Rhin-Rhône, soit 1 000 poids lourds par jour. Lʼétude recon- naît que ce report “est insuffisant pour éviter la saturation autorou- tière” prévue le long du Rhône. Ce report “est plus important sur cer- taines sections de lʼA 35 ou de lʼA 36.” - Lʼimpact économique de ce projet paraît plus intéressant. Il a été évalué à “plus de 70 000 emplois créés ou conservés d’ici 2030 dans les trois régions traversées par le canal, dont 36 % en Alsace (25 000 emplois), 34 % (soit 24 000) en Franche-Comté et 30 % (soit 21 000) en Bourgogne.” Lʼétude indique que “le développement de zones portuaires pour les implantations industrielles et logistiques per- mettrait notamment de créer 18 000 nouveaux emplois, principale- ment en Franche-Comté.” - Conséquences de la non-réalisation du projet. “Sans réalisation du canal, on peut considérer que la Franche-Comté resterait à l’écart du développement des activités logistiques, notamment pour le trans- port international” affirme le cabinet Eurotrans qui a réalisé lʼétude. Cette étude a été co-financée par la plupart des collectivités ter- ritoriales du Grand Est. Le Conseil régional de Franche-Com- té et le Conseil général du Doubs n’ont en revanche pas parti- cipé à sa réalisation. Dans notre région, seule la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie est partie prenante.

lui, des secteurs de l’économie régio- nale comme la filiè- re bois sont très demandeurs pour une telle solution. Deux tracés pour- raient faire l’objet d’une étude appro- fondie. L’un qui reprendrait le fil du Doubs, l’autre qui partirait de

“Le projet induirait 24 000 emplois en Franche- Comté.”

RÉACTION

Elle soutient le dossier

La députée du Doubs a pris en main ce dossier. Selon elle, il est primordial pour l’avenir de la Franche- Comté.

Françoise Branget : “L’abandon du projet avait été désastreux” La députée bisontine est une fervente supportrice de la voie d’eau. Elle a créé un comité de valorisation de la voie d’eau à l’Assemblée Nationale. Il s’agit maintenant de convaincre.

L a Presse Bisontine : Pourquoi vous battre pour voir ressurgir un projet de canal ? Françoise Branget : Je n’ai aucun intérêt personnel à la faire et si je le fais, c’est pour l’avenir de notre territoire. L’ancien projet a été plombé par des questions idéologiques et de la désinformation. Ce n’était que le cadeau de maria- ge entre Dominique Voynet et Lionel Jospin. L’abandon de ce projet en 1997 a été désastreux pour notre économie. Le récent Grenelle de l’environnement nous a donnés l’occasion de rappeler tout l’intérêt de la voie fluviale, une culture que l’on a perdue en France alors que dans le res- te de l’Europe, le fluvial est primordial pour le transport de marchandises. Au niveau mondial, 80 % des marchan- dises transitent par l’eau. C’est dramatique de voir que les marchandises destinées à la France transitent par Ham- bourg et Rotterdam et pas par nos ports, Marseille ou Le Havre. La revalorisation de nos ports est en marche en France, il faut qu’elle s’accompagne de la réhabilitation du fluvial. La France est un pays de transit sur l’axe Nord- Sud et la plupart du trafic passe par la Franche-Comté. Il faut trouver une alternative à la route. L.P.B. : Vous savez que le spectre du Grand Canal et des risques pour la vallée du Doubs plane encore ! F.B. : Prenons exemple sur l’Allemagne et constatons ce qui a été fait sur le Main, pour relier le Rhin au Danube. Le scénario était sensiblement le même que dans la val- lée du Doubs et tout a été fait dans le plus grand respect de l’environnement. Je ne vois pas pourquoi on ne pour- rait pas le faire dans le Doubs. L.P.B. : Qu’attendez-vous aujourd’hui ? F.B. : Après l’étude socio-économique rendue récemment, la prochaine étape est une étude technique et environne- mentale qui nous dira quel tracé sera le meilleur. Une tel- le étude sera rendue pour une liaison Saône-Moselle, on voudrait la même pour Saône-Rhin et on verra alors quel- le est la solution la meilleure. En cette période de récession économique et de désindus- trialisation, il ne faut pas sous-estimer le potentiel d’un tel projet. Le transport fluvial restera le plus économique en termes de coût énergétique et écologique. Et il sera pour notre région créateur de milliers d’emplois. Propos receuillis par J.-F.H.

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