La Presse Bisontine 100 - Juin 2009

BESANÇON

La Presse Bisontine n° 100 - Juin 2009

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SANTÉ

La loi Bachelot critiquée “C’est une asphyxie organisée de l’hôpital” Vincent Maubert (C.F.D.T.), représentant de l’Intersyndicale du personnel hospitalier au C.H.U., dresse un diagnostic critique de l’établissement public qui aurait besoin d’un traitement de choc pour être moins déficitaire.

L a Presse Bisontine : Que reprochez-vous à la loi Bache- lot “Hôpital, patients santé et territoires” ? Vincent Maubert : Il y a des choses intéressantes mais qui sont remises en cause comme l’obligation pour les médecins de se répartir sur le territoi- re national. On sait que la concentration de méde- cins provoque une augmentation de la facture de l’ordonnance. Nous sommes également d’accord sur l’obligation d’organiser la permanence des soins. En revanche, sur le volet de la prévention, la loi est insuffisante. Il serait nécessaire de créer un dispositif législatif pour faire de la prévention une priorité nationale en ce qui concerne la toxi- comanie et le sida. L.P.B. : Vous êtes plus critique en revanche sur le volet hospitalier de la loi qui vise à renforcer le pouvoir des directeurs des établissements de soins ? V.M. : Cette loi confisque la démocratie hospita- lière. L’hôpital appartient à la population qui la fait vivre avec ses impôts. Actuellement, il y a un conseil d’administration présidé par le mai- re de Besançon. Les usagers y ont des repré- sentants. Il est prévu que le conseil d’administration tel qu’il existe actuellement soit supprimé. L.P.B. : Les hôpitaux français sont déficitaires. Que proposez-vous pour enrayer la situation ? V.M. : À la C.F.D.T., nous ne sommes pas contre une réforme. La part que les Français consa- crent à leurs dépenses d’assurance-maladie est importante, mais pas autant que dans d’autres pays. Si la science évolue, il faut considérer que la santé est plus coûteuse que les Français doivent accepter d’y contribuer plus largement. Par ailleurs, si nous voulons que la sécurité sociale ne crève pas, il faudrait rétablir les contrôles. L’Urssaf ne parvient pas à contrô- ler plus d’un arrêt maladie sur 1 000 envi- ron. Quand il n’y a plus de contrôle, c’est la porte ouverte aux abus. La C.F.D.T. estime aussi qu’il devrait exister un consensus de prescription pour les médecins. Il n’est pas normal que pour une même pathologie la quantité de médicaments prescrits varie d’un médecin à l’autre. L.P.B. : Pourtant, le recours aux médicaments géné- riques est censé être plus économique ? V.M. : Un rapport de la Cour des Comptes montre que les génériques ne permettent pas à l’Assurance-maladie de réaliser des éco- nomies car les médecins ont tendance à pres- crire plus de ces médicaments puisqu’ils leur

à supprimer. Le procédé n’est pas admissible car il n’y a pas aujourd’hui de postes super- flus au C.H.U. Je rappelle qu’en 2002 quand nous avons négocié l’accord des 35 heures nous avons obtenu la création de 173 postes. Par consé- quent, si l’accord des 35 heures est modifié, il y aura moins de personnels encore qu’en 2002. Cela signifie que les conditions de tra- vail vont se dégrader alors que l’activité pro- gresse de 4 %. L.P.B. : Comment évolue le déficit de l’hôpital ces der- nières années ? V.M. : En 2007, le déficit était de 2,7 millions d’euros. Il était de 5,5 millions d’euros en 2008 et il devrait être de 7,6 millions d’euros en 2009. Cette année devrait être le retour à l’équilibre financier, ce qui est possible en supprimant des postes. Depuis 2001, le défi- cit cumulé est de 19 millions d’euros. L.P.B. : De quelles autres marges de manœuvre dis- pose le C.H.U. pour faire des économies ? V.M. : Le C.H.U. de Besançon externalise un certain nombre d’activités qui coûtent plus cher à l’hôpital que si elles les géraient en interne. C’est le cas par exemple de l’entretien des abords. J’ajoute que le projet de servir les repas dans des assiettes en porcelaine plutôt qu’en plastique a été abandonné. Mais il faut savoir que l’hôpital dépense 100 000 euros par an dans des assiettes en plastique qui sont jetées. Dans les services, nous avons recours à du matériel à usage unique car l’unité de stéri- lisation du C.H.U est sous-dimensionnée. On suppose que l’hôpital ne souhaite pas endos- ser la responsabilité de la stérilisation, ce qui signifie que nous avons recours à des outils à usage unique. Il y a une multitude de points sur lesquels le C.H.U. ne semble pas prêt à faire des économies. L.P.B. : La situation financière de du C.H.U. compro- met-elle le transfert de Saint-Jacques à Minjoz ? V.M. : Le budget initial du projet est de 450 mil- lions d’euros. Cette enveloppe ne comprend ni l’institut régional du cancer, ni le nouveau laboratoire du C.H.U., ni les locaux admi- nistratifs. Le budget du Centre Hospitalier Universitaire est de 380 millions d’euros. Pour transférer les services de Saint-Jacques, il faut que les travaux soient terminés et que l’on soit en mesure de les payer. Normale- ment, le plateau technique devrait être opé- rationnel en 2010-2011. Mais il est prévu que des infrastructures soient maintenues à Saint-Jacques jusqu’en 2018 comme les services administratifs. Pour la petite histoire, lors de sa construc- tion, l’hôpital Jean Minjoz a subi l’influence politique de Jacques Chaban-Delmas alors maire de Bordeaux. Il a capté les crédits attri- bués à Besançon pour construire l’hôpital de Bordeaux. Besançon a donc dû attendre pour se lancer dans un projet de C.H.U. qui a en plus été revu à la baisse. C’est la raison pour laquelle Besançon a dû maintenir en place deux hôpitaux.

sont rentables. Le lobby phar- maceutique est très puissant. Pour lutter contre la grippe A, à titre préventif, 17 palettes de masques ont été livrées au C.H.U. et des cartons deTami- flu. Y avait-il urgence à prendre de telles précautions ? L.P.B. : Pourquoi les hôpitaux fran- çais enregistrent-ils de tels défi- cits ? V.M. : Le système de finance- ment de l’hôpital ne permet pas de faire face au coût des soins. Un seul centre hospi- talier universitaire n’est pas déficitaire en France. Une activité de long séjour est plus rentable pour un établisse- ment de soins. Un C.H.U com- me celui de Besançon où il y a peu de soins de suite mais où on traite des pathologies et des traumatismes lourds, coûte très cher. 80 % des tarifs qui financent l’activité des soins sont inférieurs au coût réel de celle-ci. C’est une asphyxie organisée de l’hôpital.

“Une économie à Besançon de 202 postes.”

L’Intersyndicale (C.F.D.T., Sud, C.G.T., F.O. et U.N.S.A.) est mobilisée pour défendre l’hôpital public à Besançon.

Nous refusons absolument de cautionner ce système car au lieu de prendre en charge le patient avec une éthique de soignant, on l’accompagne comme un produit commercial qui doit rapporter de l’argent. L.P.B. : À quoi correspondent les 202 postes dont vous parlez ? V.M. : En modifiant l’accord sur les 35 heures et en ne renouvelant pas un fonctionnaire sur deux, on arrive à une économie à Besan- çon de 202 postes. Cela représente 7 millions d’euros, soit l’équivalent du déficit 2009. La direction nous a demandé d’étudier les postes

primant du personnel que l’hôpital parviendra à faire des économies. Combien de postes devraient être supprimés à Besançon et de quelle manière ? V.M. : Le personnel est la variable d’ajustement la plus facile. Ce sont toujours les mêmes qui supportent l’effort. Le C.H.U. pourrait perdre 202 postes. Il est clair que si l’État veut suppri- mer des postes, il doit en prendre la responsa- bilité. Le paradoxe de cette affaire est que dans le même temps on demande aux hôpitaux d’augmenter leur productivité et leur activité. Nous sommes dans une logique entrepre- neuriale de croissance, et pour cela, on nous demande de diminuer le personnel.

Propos recueillis par T.C.

L.P.B. : Dans ce contexte, c’est en sup-

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