Journale C'est à Dire 128 - Decembre 2007

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D O S S I E R

Ce principe réglementaire ne pose pas de problèmes majeurs dans son application. Les dérives du système sont à cher- cher du côté d’une autre mesure. Depuis le 1 er juin 2006, les entre- prises des nouveaux pays membres sont autorisées à faire de la pres- Le système n’est pas infaillible Depuis le 1 er juin 2006, les nouveaux pays membres de l’Union Européenne sont autorisés à faire de la prestation de service internationale, en France en particulier. Cette ouver- ture s’accompagne d’un certain nombre de dérives. Législation mêmes conditions que les maçons français et respecter la convention collective du bâtiment. Or, en pratique, la plupart de ces obligations sont bafouées. “Il y a des prestations de service inter- national qui se font dans les règles, mais force est de constater qu’il y

Des chiffres qui laissent planer le doute Les précisions de la Dilti Les données avancées par la Dilti sur le pour- centage important des sociétés étrangères (en particulier du bâtiment) qui ne déclarent pas leur prestation en France ne signifie pas pour autant qu’elles fraudent. 20 à 25% des entreprises qui interviennent sur le ter- ritoire français déclarent leur prestation auprès des services compétents. C’est peu. Est-ce à dire pour autant que les 75 à 80% des sociétés qui ne déclarent pas leur prestation sont forcément en situation de fraude ? Le raccourci est trop rapide selon la délégation inter- ministérielle à la lutte contre le travail illégal. “Par principe, elles sont dans l’irrégularité en France car pour pouvoir intervenir dans notre pays, il faut com- mencer par se déclarer” remarque Claire Seiller de la Dilti. Toutefois, ce manquement à la notion de déclaration ne signifie pas “que l’entreprise en question ne respecte la législation du travail. Tout peut être dans l’ordre, seule la déclaration préalable n’a pas été faite.” L’inverse est vrai aussi : tout n’est peut-être qu’irrégularité. Le bénéfice du doute revient au manque de précision de l’analyse. D’ailleurs, la Dilti appelle à la plus grande prudence dans l’interprétation des données contenues dans son rapport. Toute la difficulté pour cet organisme d’État est de déterminer qu’elle est la part de fraude dans ses analyses. Actuellement, il n’a pas les outils pour mesu- rer les infractions. “Cependant, pour le prochain rap- port sur l’intervention des entreprises étrangères prestataires de services en France - il sera publié en 2008 - nous avons mis en place une méthodologie qui va nous permettre d’affiner les statistiques et de voir si les sociétés qui ne déclarent pas leur prestation sont en fraude ou non” annonce Claire Seiller. “Tout peut être dans l’ordre.”

J usqu’en 2009, chaque res- sortissant d’un des douze nouveaux pays à avoir rejoint l’Union Européen- ne depuis 2004 doit disposer d’une “autorisation de travail” pour exer- cer un métier sur le sol français. C’est une obligation. “Nous ne savons pas si à cette échéance, il y aura une reconduction de cette disposition transitoire” remarque la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation profes- sionnelle (D.D.T.E.F.P.). Car à ter- me, comme l’ensemble des conci- toyens des autres États-membres de l’Union, ils seront autorisés à travailler librement sur ce vaste territoire. Mais pour l’instant, c’est la règle,

une entreprise tricolore qui sou- haite employer une personne issue de Pologne par exemple, doit obte- nir une autorisation de travail pour son futur collaborateur. Chaque année, la D.D.T.E.F.P. en délivre plus de 200. Dans le secteur du bâtiment où l’on trouve les métiers dits tendus, dans le sens où ils sont caractérisés par un manque de main-d’œuvre, ces autorisations “sont pratiquement toujours accor- dées.” Lorsqu’il s’agit d’une pro- fession qui n’est pas sous tension, l’employeur est tenu d’apporter la preuve qu’il n’a pas trouvé les com- pétences nécessaires sur le mar- ché de l’emploi hexagonal pour pourvoir le poste, afin de justifier le recours à du personnel étranger.

tation de service dans les autres États de l’Union. “Dans cas, théo- riquement, une société polonaise de maçonne- rie (ou belge d’ailleurs) qui intervient en Fran-

a des gens capables d’exploiter les failles du système” admet la D.D.T.E.F.P. La fraude s’adapte et évolue. “Le problème, ce ne sont pas les étrangers, mais la

Des Roumains payés 0,83 euro de l’heure.

triche.” Là, tout est possible, à com- mencer par les salaires qui ne sont pas respectés. L’inspection du tra- vail a rencontré sur un chantier des Roumains qui était payés 0,83 euro de l’heure alors que le S.M.I.C. était à 8,27 euros. Le système est pervers dans le sens où il est “gagnant-gagnant” tant pour le sala- rié étranger qui exécute les travaux dans des conditions pitoyables par- fois, que pour le porteur du pro- jet. Le premier se satisfait d’un salaire de 700 euros par mois ce qui est honorable comparé au niveau de vie de son pays d’origine et le second dispose d’une main- d’œuvre bonmarché qui ne rechigne pas à la tâche. “Au final, tout le mon- de s’y retrouve.” Ces salariés clan- destins, qui pour la plupart ne maî- trisent pas le français ou alors de façon approximative, savent en revanche quoi répondre en cas de contrôle. “Certains se sont char- gés de leur apprendre des réponses toutes faites à nos questionnaires” admet dans un demi-sourire un agent de la direction départemen- tale du travail. “Demandez lui com- bien il gagne, il vous répond 1 500 euros” même si en réalité il n’en touche que le tiers.

ce sur un chantier doit respecter la réglementation française” note la direction départementale du travail. L’entreprise étrangère qui détache ses employés est contrain- te normalement de transmettre aux services compétents la liste des salariés qui séjourneront sur le sol français, la durée de la mis- sion, le type de chantier prévu, etc. Ils devront être rémunérés aux

La libre circulation des personnes en Europe favorise le dumping social avec notamment les pays de l’Est.

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