Journale C'est à Dire 128 - Decembre 2007

D O S S I E R

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TRAVAIL CLANDESTIN : les dérives du système

lation française et européenne qui régit l’emploi des travailleurs étrangers, originaires des nou- veaux pays de l’Union. La préfecture s’est trom- pé dans sa requête. Mais cette issue favorable aux 11 chauffeurs ne saurait faire oublier que nombreuses sont les situations où cette main- d’œuvre étrangère originaire de ces pays est employée en dehors de tous les cadres légaux qui régissent la coopération internationale. Le gouvernement Fillon a d’ailleurs affirmé sa volon- té d’endiguer le phénomène de travail clan- destin, présent en particulier dans les métiers du bâtiment. Le point dans notre département.

Fin octobre, le tribunal administratif de Besan- çon a annulé l’arrêté du préfet du Doubs qui ordonnait la reconduite à la frontière des 11 conducteurs roumains interpellés sur le chantier de l’A 36, et considéré par l’État comme étant en situation irrégulière. Or, la justice a donné raison à ces salariés étrangers qui étaient déta- chés sur le territoire national par une société de recrutement basée en Pologne, dans le cadre d’une prestation de service internationale. Le tri- bunal a d’ailleurs condamné l’État à verser 1 500 euros d’indemnité à chacun des chauffeurs. Cet- te affaire illustre toute la complexité de la légis-

Un phénomène complexe

L’ensemble des fédérations du bâtiment, ainsi que les organismes de contrôle de la législation, constatent un afflux de main-d’œuvre venue des pays de l’Est dans le Doubs. Mais au-delà du constat, quelle est la réalité du phénomène qui semble prendre de l’ampleur ? “Économisez 1 000 euros grâce à l’Europe”

“À vos problèmes de main- d’œuvre nous avons la solution.” L’en-tête du fax est explicite. Le texte qui suit l’est tout autant. “Nos prestations vous assurent une qualité de tra- vail effectuée par des ouvriers hautement qualifiés à des prix défiant toute concurrence.” Ah, nous y voilà ! “Pour un travail de même nature et de même quali- té, vous économisez 1 000 euros par mois (sous-entendu par rap- port à un salarié français), grâ- ce à l’Europe et en toute légalité.” Un ouvrier compétent et pas cher, l’offre est alléchante. C’est le type même d’annonce que les socié- tés du bâtiment retrouvent sur leurs piles de fax. Celle-ci pro- vient, en l’occurrence d’une socié- té de recrutement polonaise qui a une antenne en France. Car dans le bâtiment, l’emploi de la main-d’œuvre étrangère en particulier venue d’Europe de l’Est est une question qui déran- ge. Que cela se fasse dans des conditions légales ou non, le sujet est tabou. À décharge des pro- fessionnels du métier : la réac- tion de Monsieur Tout-le-Mon- de, pour qui un travailleur polo- nais ou slovène qui intervient sur un chantier est forcément exploité et clandestin. Ce n’est jamais bon pour l’image, même si, dans la profession, nombreux sont ceux à admettre que “ces gens-là sont souvent très compé- tents dans leur métier car ils ont la même culture de la construc- tion que nous.” Et si en plus ils coûtent moins cher, alors tout va bien ! L’entrepreneur n’a qu’à retourner le for- mulaire rempli s’il veut aller plus loin dans la démarche. Certains y souscrivent, d’autres au contraire s’inquiètent de ce genre de sollicitations et préfè- rent alerter leur fédération. Dans tous les cas, on évite d’en faire la publicité.

De l’élargissement de l’Europe naît cette ambiguïté : ce vaste territoire cosmopolite est mal- heureusement à l’heure actuel- le le terreau à un dumping social entre les pays de l’Est, nouveaux adhérents à l’Union et des États comme la France ou l’Allemagne. Ce décalage des niveaux de vie fait qu’un Polonais a pour l’instant toujours intérêt à venir travailler sur un chantier dans le Doubs, même mal payé. Des sociétés de recrutement - parfois bidon - qui jouent avec la législation ont compris ce mécanisme. Elles recrutent à l’Est, placent à l’Ouest et pren- nent leur commission au pas- sage. Les services de l’U.R.S.S.A.F., de l’inspection du travail, vérifient quand ils le peu- vent que la réglementation est leurs moyens sont limités com- parés à l’ampleur de la tâche. Les procédures sont longues, il faut parfois pousser les investi- gations jusque dans le pays d’origine pour démanteler une filière, obtenir des pièces, carac- tériser la fraude, établir les res- ponsabilités. La législation est complexe, elle l’est plus encore avec la régle- mentation européenne. Les moyens humains alloués à ce tra- vail de vérification nécessaire sont insuffisants pour suivre le rythme de la construction. Une équipe roumaine qui est là pour deux ou trois mois le temps de bâtir un pavillon passe à travers les mailles du filet. Le phénomène de main-d’œuvre étrangère existe donc, mais il est difficile à quantifier. La fraude l’est tout autant. L’action pour- rait être plus efficace s’il y avait une véritable coopération entre les services compétents à Besan- çon dans le cadre de la commis- respectée (par exemple ces salariés doivent être employés aux mêmes conditions qu’un Français). Mais

sion de lutte contre le travail dis- simulé. Chacun à son niveau ne peut que constater cet état de fait comme le Pontissalien Alain Boissière, président de la F.F.B. du Doubs. Il déplore “la présence de plus en plus nombreuse de travailleurs étrangers sur les chantiers du B.T.P. qui ne sont très souvent en aucune conformité avec la régle- mentation applicable en matiè- re de travail.” La C.A.P.E.B. (chambre des artisans et des petites entreprises du bâtiment) invoque la concurrence déloyale menée par ces “sociétés” qui cas- sent les prix du marché. La direction départementale du travail a déposé une dizaine de dossiers au Parquet de Besan- çon qui attendent d’être suivis par la justice. Car quand il y a fraude, l’envers du décor est peu glorieux. “Les ouvriers sont accueillis par exemple par un donneur d’ordres français. Ces gens sont logés de façon précai- re dans un bungalow, dans un gîte ou alors on les installe à plu- sieurs dans un logement où ils ont un réchaud et des lits de camp. Les conditions de sécuri- té ne sont pas respectées sur les chantiers remarquent les ser- vices de la D.D.T. Souvent ces ouvriers ne savent pas lire un plan, ils ne parlent pas la langue, ils n’ont aucune autonomie la plupart du temps. Nous avons même trouvé dans une ferme louée par un maître d’ouvrage un ouvrier alité qui avait fait une chute et qui s’était blessé.” C’est le genre de situation qui met les responsables dans l’embarras, puisque si la personne n’est pas déclarée, il est probable qu’elle ne soit pas assurée. Alors dans le meilleur des cas si elle peut être renvoyée chez elle sans passer par l’hôpital local, chacun évitera les ennuis. Pas vu, pas pris. Drôle d’Europe. T.C.

Animation samedi 22/12

avec la venue de Denis Sandona, scupteur à la tronçonneuse.

NOCTURNE vendredi 21 décembre jusqu'à 21 h.

“Ces gens-là sont souvent très compétents.”

OUVERTURES EXEPTIONELLES les dimanches 16 et 23 décembre de 10 h. à 12 h. et de 14 h. à 18 h

Coup de cœur des Jardins Comtois Tendance Noël 2007 : Le Noir et Blanc

OUVERT 7 / 7 JOURS Lundi de 14 h. à 19 h. (fermé le lundi matin) Mardi au vendredi de 9 h à 12 h et de 14 h. à 19 h.

Samedi 9 h / 12 h - 14 h./ 18h.30 Dimanche matin de 10 h. à 12h.30

Rue des Prés Mouchets - 25500 LES FINS Té l . : 03 81 67 46 64

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