Journal C'est à dire 321 - Novembre 2025

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VAL DE MORTEAU

Établissement français du sang

Mobilisation générale pour le don de plasma Face à l’augmentation des besoins en médicaments dérivés du plasma, l’Établissement français du sang appelle à une grande mobilisation des citoyens pour le don de plasma. 10000 dons de plasma doivent être collectés d’ici fin décembre. La question de la souveraineté sanitaire et de la défense du modèle du don éthique non rémunéré est en jeu.

C’ est une piqûre de rappel qui peut per mettre d’éviter l’hé morragie à l’avenir. L’Établissement français du sang appelle à une grande mobi lisation pour le don de plasma. 10 000 dons doivent être réalisés en Bourgogne-Franche-Comté d’ici décembre, soit 30 % de plus qu’habituellement. Il s’agit ici

dons à 65 % de médicaments importés des États-Unis qui n’ap pliquent pas les mêmes valeurs éthiques que nous, déplore le D r Fanny Delettre. Là-bas, les orga nisations ne sont pas dirigées par l’État mais par les labora toires pharmaceutiques. Le don est rémunéré, ce qui ne corres pond pas aux principes éthiques mis en place en France. En

Le D r Christophe Barisien, directeur de la collecte et de la production de produits sanguins labiles et D r Fanny Delettre, directrice de l’Établissement français du sang.

d’une question de santé publique, de souverai neté, d’autonomie de la France et de défense d’un modèle éthique où la marchandisation du corps n’a pas sa place. Si aujourd'hui, la col

France, on peut donner son plasma toutes les deux semaines. Aux États-Unis, on peut le vendre deux fois par semaine. C’est un sys tème de marchandisa tion du corps humain

Il faudrait multiplier par 3 le nombre de dons actuels.

Fanny Delettre. Si la France est autosuffisante en produits sanguins labiles issus du don du sang, ce n’est pas le cas du plasma. 4 % de la population en âge de donner donne son sang, contre 1,2 % pour le plasma. Sachant qu’il est possible de mixer don du sang et don plasma, “donner son sang total, c’est aussi donner son plasma” , précise la directrice de l’E.F.S. Pour atteindre cette souveraineté sanitaire du plasma, des objectifs sont pro grammés jusqu’en 2028. Chaque don permet de récupérer entre 600 et 800 ml de plasma. En 2024, 880 000 litres ont été col lectés sur le territoire national. L’objectif de cette année est de 915 000 litres. Puis 1,2 million en 2026 pour atteindre 1,4 mil lion de litres en 2028. Pour réaliser ces objectifs, il faut multiplier par 3 le nombre de dons actuels. n L.P.

Zoom L’impossible collecte mobile du plasma freine les donneurs

lecte de sang est rentrée dans (presque) tous les esprits, c’est loin d’être le cas pour le plasma. Un manque de sensibilisation, avance le D r Fanny Delettre, directrice de l’E.F.S. Or, les besoins en plasma ont doublé en France depuis 15 ans. Le plasma peut être utilisé pour la transfusion mais il est surtout indispensable dans la fabrication de médicaments dérivés du plasma. Ces derniers sont pres crits pour traiter des maladies chroniques ou maladies auto immunes, entre autres. Le plasma joue également un rôle important dans les soins support pour des personnes atteintes de cancer, contribuant à gérer des effets secondaires et prévenir les complications. Les besoins en médicament déri vés du plasma augmentent de 8 à 10 % chaque année en France. Alors que “nous dépen

qu’on ne souhaite pas voir s’im planter en France. D’où l’impor tance d’être souverain dans le don de plasma.” Le premier levier est la sensi bilisation de la population. “Peu connaissent le don de plasma” , observe la directrice de l’E.F.S. Le don se prélève uniquement en maison du don, sur rendez vous. Il faut ménager un créneau de 2 heures environ. “Les condi tions d’accès sont les mêmes que pour le don du sang pour les personnes de 18 à 65 ans, voire plus souples. Après un voyage, il n’y a pas besoin d’un délai. Aux dires des donneurs, le don de plasma fatigue moins que le don de sang” , souligne le D r Christophe Barisien, directeur de la collecte et de la production de produits sanguins labiles à l’E.F.S. “C’est un peu plus long, mais on peut aussi en faire un temps pour soi” , ajoute le D r

La prochaine collecte de don du sang à Morteau a lieu le 23 décembre à L’Escale (photo d’illustration).

D epuis qu’elle a 22 ans, Monique Mahowlic donne son sang. L’actuelle pré sidente des amicales du don de sang de Morteau et Villers-le-Lac était à l’époque entraînée par ses collègues de l’ex-Fabi, l’entreprise offrant une heure pour aller don ner son sang. L’habitante des Fins avait aussi pris l’habitude de donner son plasma. Quand les collectes mobiles étaient pos sibles. “Maintenant, je ne donne plus, je dois aller jusqu’à Besan çon”, observe-t-elle. Depuis de nombreuses années, les collectes de plasma ne sont plus réalisées qu’en maison du don. Des nouvelles machines plus efficaces et plus sûres néces sitent des réglages précis qui ne permettent pas de les déplacer.

“Il est primordial et nécessaire de mobiliser les donneurs sur le don de plasma, plaide Raymond Tournier, du Russey, président de l’Union départementale fédé rée pour le don du sang. Mal heureusement, les dons de plasma ne se font qu’en maison du don et il est compréhensible qu’on ne puisse pas demander à un donneur de faire des dizaines de kilomètres et prendre 3 4 heures de son temps pour faire un don de plasma. Pour autant, des navettes ont été organisées entre certaines amicales et la Maison du don. Chacune et cha cun d’entre nous peut contribuer à cette montée en puissance de la collecte du plasma pour répon dre à l’enjeu de souveraineté et d’autosuffisance français, Nous

l’avons réussi depuis plus de 75 ans pour la collecte de sang total.” Tout comme l’E.F.S., Raymond Tournier s’inquiète d’un affaiblis sement du don éthique français. “En Europe, le marché des médi caments dérivés du plasma a atteint près de 6 milliards d’euros. Ces enjeux pluriels attirent la convoitise de sociétés privées avides de profit, qui argumentent auprès des autorités en faveur du don rémunéré, qui selon elles, serait la réponse à cette situation de dépendance et de pénurie. Cette situation pose un dilemme éthique majeur autour de la pré servation des principes régissant le don de plasma, notamment celui de la gratuité, dans un contexte de pénurie et de hausse des coûts des produits dérivés.” n

Contrairement au plasma, la France est complètement autosuffisante pour les produits sanguins labiles, collectés grâce au don du sang.

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