Journal C'est à dire 318 - Juillet-Août 2025

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ÉCONOM I E

Les effets très limités de la préférence nationale à l’embauche Suisse

Le bilan 2024 du dispositif de préférence nationale réalisé par le secrétariat d’État à l’économie suisse met en évidence le très faible impact de cette mesure sur le marché de l’emploi. Au total, 2273 personnes ont pu être placées. Décryptage.

Le syndicat U.N.I.A. très critique vis-à-vis de la préférence nationale L a position de l’U.N.I.A. Neu châtel est assez claire sur l’inutilité d’imposer une quel

L a Suisse applique la préférence nationale depuis le 1 er juillet 2018. Cette loi est la conséquence d’une votation contre l’immigration de masse gagnée en 2014 par l’U.D.C. En quoi consiste cette obligation ? Les employeurs suisses sont contraints d’annoncer aux Orga nismes Régionaux de Placement les postes vacants dans des sec teurs professionnels où le taux de chômage est élevé. Ces offres sont publiées en priorité sur le portail en ligne des O.R.P. à des tination unique des demandeurs d’emploi en Suisse. La diffusion sur d’autres plateformes est autorisée cinq jours plus tard. Cette obligation concernait ini tialement les métiers avec un taux de chômage supérieur à 8 % et ce seuil a été abaissé à 5 % en 2020. Précision utile, les travailleurs frontaliers au chô mage ont le droit de s’inscrire dans les Offices Régionaux de Placement en ayant ainsi accès aux annonces de postes vacants au même titre que les deman deurs d’emploi résidant en

Suisse. Le dernier rapport du Secréta riat à l’économie sur l’exécution de l’obligation d’annoncer les postes vacants montre que le nombre de postes annoncés en 2024 est à nouveau nettement inférieur à celui de l’année pré cédente. Cette baisse reflète le recul prolongé du chômage en 2023. En 2024, la proportion de personnes exerçant une activité professionnelle soumise à l’obli gation d’annonce a chuté de 8,2 à 3,2 %. Le nombre de postes annoncés a, par conséquent, lui aussi diminué. tandis que le total des postes soumis à obli gation s’élevait à 476597 en 2022, il n’atteignait plus que 287671 en 2023 pour finale ment passer à 178 026 en 2024. À l’image des années précé dentes, les secteurs ayant enre gistré le plus d’annonces sou mises à l’obligation étaient l’industrie et la construction. Les annonces du secteur hôtel lerie-restauration ont fortement reculé. Les offices régionaux de placement ont fait des propo sitions pour environ la moitié

quand j’entends parler de préfé rence nationale”, explique Solenn Ochsner, secrétaire syndicale du syndicat U.N.I.A. Neuchâtel. Elle préférerait davantage qu’on inten sifie la lutte contre le dumping salarial avec des contrôles plus soutenus sur les conditions de travail pour s’assurer qu’on n’abuse pas de la main-d’œuvre étrangère. “Pour nous, un travail leur est un travailleur. Ces contrôles sont insuffisants notam ment dans l’industrie où il existe très peu de conventions collec tives. La préférence nationale ne sert à rien car la main-d’œuvre frontalière ou étrangère n’em pêche nullement les Suisses de trouver de l’emploi.” n “Nous, on en parlera jamais de préférence nationale, souligne Solenn Ochsner, secrétaire syndicale à l’U.N.I.A. Neuchâtel.

conque préférence nationale. “Si on arrête d’employer des fronta liers ou des étrangers dans une région très industrialisée comme le canton de Neuchâtel, on met aussitôt en péril l’activité horlogère cantonale. Cela me fait sourire

des annonces soumises à obli gation. 2 273 personnes ont pu être placées. Proportionnelle ment, le taux de propositions et de succès de placement est sensiblement identique à celui de l’année précédente. Pour bénéficier de la priorité de l’information, les demandeurs d’emploi doivent s’inscrire dans le domaine protégé de la plate forme d’emploi en ligne Job Room. La part des demandeurs d’emploi enregistrés a fortement progressé depuis l’introduction de l’obligation d’annoncer les postes vacants. Depuis la mi 2023, elle fluctue entre 65 et 70 % de tous les demandeurs d’emploi. La dynamique de la loi de préférence nationale fluc tue en fonction du taux de chô mage qui, après avoir atteint

un seuil historique de 2 % en 2023, est de nouveau en pro gression. Au cours de l’année 2024, il est passé de 2,2 % à 2,7 %. Cette augmentation entraîne avec un certain décalage une hausse des professions soumises à l’obligation d’annonce. En 2025, 6,5 % de la population active travaille dans ce genre de profession. Parmi les nou veaux métiers concernés figu rent les directeurs et cadres de direction dans la vente et le marketing ainsi que les auxi liaires de restauration. En 2025, on s’attend une fois de plus à davantage d’annonces en raison du nombre plus élevé de pro fessions soumises à l’obliga tion. n F.C.

“Je suis là pour défendre les droits des cotisants” Reconversion Après avoir passé une dizaine d’années à l’Urssaf Franche-Comté en tant qu’inspecteur, Anthony Di Pinto a créé son cabinet de conseil pour aider les entreprises, celles du Haut-Doubs également, à y voir plus clair en cas de contrôle.

C’ est à dire : Quel a été votre parcours avant de lancer ce cabinet de conseils? Anthony Di Pinto : Je suis juriste de formation. Après mes études, j’ai passé le concours d’inspecteur à l’Urssaf que j’ai obtenu. J’ai débuté fin 2013 à Bel fort-Montbéliard avant d’être nommé un an plus tard à Besançon. Je m’oc

les entreprises que je contrôlais. Sou vent, on me demandait si je ne faisais pas des formations pour mieux appré hender ces questions fiscales et de comptabilité. Le projet a mûri dans ma tête jusqu’à ce que je me décide à fran chir le pas, en ayant bien conscience que je quittais une belle maison avec de bonnes conditions de travail pour une activité indépendante for cément plus risquée. Mais je ne regrette pas mon choix. Je me suis aperçu que nous étions une poignée en France, à peine trois, à exercer cette activité de conseil en tant qu’ancien collaborateur de l’Urssaf. Càd : En quoi consiste votre activité de conseil au sein de votre cabinet baptisé Consult Sens? A.D.P. : Le nom de mon cabinet signifie bien que je voulais donner du sens à mon projet. Mon activité consiste à don ner des conseils aux entreprises en matière de droit social et je les accom pagne dans leurs actions de contestation du contrôle suite à un redressement

Ancien inspecteur de l’Urssaf, Anthony Di Pinto est passé de l’autre côté de la barrière!

cupais des secteurs de Besan çon, Baume-les-Dames et du Haut-Doubs où je contrôlais les entreprises, mais pas direc tement avec la lutte contre la fraude, mais plus dans la paye

a-t-elle été perçue par vos ex employeurs ? A.D.P. : Certains, peu nombreux, ont pris ça un peu comme une trahison, mais c’est le jeu. Et je veux surtout expliquer que contrairement à ce que certains peuvent croire, je n’apprends pas aux entreprises à frauder! Mon travail est de rétablir un équilibre pour les entreprises qui n’ont pas toujours les moyens et les connaissances pour se défendre. Je suis là pour défendre les droits des cotisants. On les aide à justifier certaines dépenses par exemple, on corrige aussi parfois des erreurs des inspecteurs car ça peut arriver aussi qu’ils se trompent! n Propos recueillis par J.-F.H.

par exemple. Je propose également des audits paye plus poussés que ce que peuvent proposer les cabinets comp tables, et je propose aussi de la forma tion (R.H., gestion des relations diffi ciles…), mon cabinet ayant l’agrément officiel Qualiopi. Mon expérience d’an cien inspecteur Urssaf me donne je crois une vraie légitimité auprès des entreprises car je sais comment ça se passe “de l’autre côté”, c’est ça ma valeur ajoutée. Càd : Après quelques mois d’activité, quel premier bilan tirez-vous? A.D.P. : Le démarrage a été très bon et j’ai des sollicitations d’un peu partout en France, notamment dans le Haut

Doubs. Il faut désormais que je m’or ganise pour pouvoir répondre efficace ment à ces demandes, optimiser mes déplacements, etc. Le bouche-à-oreille fonctionne déjà. Une fois que j’ai fait sauter un gros redressement, ça m’a fait rapidement ma publicité. Mais je suis bien conscient que je ne peux pas tirer de bilan juste après quelques mois, l’effet nouveauté a sans doute aussi joué, il faut que je continue à faire mes preuves. Et à mieux me faire connaître dans la région. Sur le plan des résultats, à fin juin, j’étais à 89 % de réussite dans les entreprises que j’ai conseillées. C’est encourageant.

“À fin juin, j’étais à 89 % de réussite.”

et la comptabilité. En dix ans, j’avais estimé avoir fait un peu le tour de la maison. Je pouvais évoluer au sein de l’Urssaf, mais j’aurais été moins en lien avec le terrain et le terrain, c’est vrai ment ce que j’aime. J’ai donc quitté l’Urssaf en septembre dernier pour lan cer mon activité et être à mon compte. Càd : Vous êtes donc passé de l’autre côté de la barrière. Comment est né votre projet? A.D.P. : L’idée est née à force de côtoyer

Càd : Comment cette reconversion

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