Journal C'est à dire 309 - Octobre 2024

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Banques

“Nous revenons, quelque part, à une normalisation du marché” Quelle est la position des banques régionales dans le

contexte actuel. Que peuvent-elles pour soutenir une timide reprise ? L’analyse d’Olivier Cassard, le spécialiste habitat à la direction “crédits et immobilier” du Crédit Agricole Franche-Comté.

dre aux alentours des 3 % sur la fin de cette année et vraisem blablement se stabiliser sur le 1 er semestre 2025. Cette capacité supplémentaire d’endettement est très bénéfique pour les par ticuliers qui hésitaient encore à concrétiser un projet et nous voyons revenir, déjà, un nombre important de primo-accédants. Cependant, en termes d’offres de biens, des difficultés demeu rent. La construction de maisons individuelles reste en berne en raison de coûts très importants et un accompagnement des pou voirs publics (Prêt à taux zéro) qui fait défaut depuis le début 2024. Le logement neuf collectif manque d’offres ou alors à des prix dissuasifs pour une catégorie d’emprunteurs et l’investisse ment locatif est tout simplement sinistré ! L’ancien se porte plutôt bien, mais la problématique du D.P.E. doit être traitée. C’est ici que les banques ont un vrai enjeu à accompagner les porteurs de projets sur l’ensemble de leurs démarches. Càd: Quelles seraient les inci dences des annonces gouverne mentales (extension du P.T.Z., etc.) sur le marché de l’habitat ? O.C. : À ce stade de notre niveau d’information, nous avons com pris que le P.T.Z. existant per mettant d’accompagner les pro jets d’acquisition d’ancien avec travaux et les projets de neuf en collectif (appartement en l’état futur d’achèvement) pourrait être généralisé à l’ensemble des territoires et c’est une bonne nou velle pour la Franche-Comté. Cependant, le sujet de la construction des maisons indi viduelles qui reste exclue actuel lement du bénéfice du P.T.Z. et qui représentait un volume important des financements des banques franc-comtoises, demande à être précisé.

C’ e st à dire : Est-ce que le marché de l’habi tat donne quelques signes de reprise? Peut-on toujours parler de crise de l'immobilier ? Olivier Cassard: À l’échelle de la Région Franche-Comté, nous constatons une augmentation du nombre de sollicitations sur les projets habitat depuis cet été mais nous restons encore pru dents quant à sa pérennité pour plusieurs raisons. Sur le dépar Morteau-Grand Besançon, des secteurs appelés “zones tendues” où la demande reste supérieure à l’offre. Dans ces conditions, les prix de l’immobilier ne baissent pas voire augmentent encore. Sur le reste de la région, le prix de l’immobilier ancien a amorcé une baisse, mais pas aussi signi ficative que celle enregistrée en moyenne au niveau national entre 4 et 6 %. Et dans ce domaine, il reste à traiter le sujet des passoires énergétiques. La “crise de l’immobilier”, c’est une réalité pour ce qui concerne la construction de maisons indivi duelles, le locatif neuf et dans une moindre mesure les appar tements neufs qui souffrent tous ou d’une baisse de la demande ou bien d’un volume d’offres insuf fisant par rapport aux prix que peuvent mettre certains emprun teurs. Càd: Quelle est l’évolution du volume de prêts habitat accordés par le C.A.F.C. ces trois dernières années ? O.C. : Le Crédit Agricole Franche tement du Doubs, la dynamique de la demande se concentre sur la zone frontalière (axe Mouthe-Dampri chard) et sur le couloir

Comté représente approximati vement un tiers des parts de marché du crédit Habitat sur le territoire franc-comtois. Les années euphoriques (2019 à 2022) où nous réalisions 1,3 mil liard d’euros de crédits habitat sont derrière nous. Nous avons enregistré une baisse de 40 % des volumes accordés en 2023 et 2024 verra à nouveau une baisse de l’ordre de 10 % même si nous connaissons un redres sement depuis cet été. Nous reve nons, quelque part, à une normalisation du marché où notre contri bution tournera, bon an mal an, aux alentours de 900 millions d’euros de crédits Habitat sur les années à venir. Càd: La légère baisse des taux a-t-elle déjà des incidences à l'échelle régionale? O.C. : Sur la fin 2023, les taux moyens s’établissaient aux envi rons de 4,20 %, contre 3,50 aujourd’hui. Pour un ménage qui gagne environ 4 000 euros men suels, c’est une capacité de 15 000 euros d’emprunt supplé mentaire par rapport à l’an der nier. Ce phénomène recrée de l’appétence aux projets immobi liers et l’augmentation des demandes constatées ces 3 der niers mois en est la conséquence. Càd : Quelles sont les perspectives pour la fin d’année 2024 et pour l’année 2025? O.C. : Dans le contexte actuel d’une inflation désormais conte nue et d’une politique de taux plus accommodante voulue par de la Banque Centrale Euro péenne, nos économistes prédi sent une continuité dans la baisse des taux qui pourraient descen

“Les années euphoriques sont derrière nous.”

Olivier Cassard est responsable Marché de l’Habitat - Habitat Conseil à la direction “crédits et immobilier” du Crédit Agricole Franche-Comté.

à redonner davantage de capacité d’endettement. Càd : Confirmez-vous que les taux ne redescendront jamais aussi bas qu'ils étaient il y a deux ans ? O.C. : Pour répondre à cette ques tion, je me réfère aux derniers propos du Gouverneur de la Banque de France, François Vil leroy de Galhau, qui, au début octobre, s’exprimait dans ce sens : “La situation des taux de crédit à 1 % voire en deçà que nous avons connue il y a 2 ans avait un caractère très exceptionnel et il reste probable que nous ne la rencontrerons plus, tout au moins dans un avenir proche. Donc, pour celles et ceux qui ont des projets immobiliers, c’est le moment d’aller voir son ban quier !” n Propos recueillis par J.-F.H.

Càd: Quelles actions ou efforts déploie le C.A.F.C. pour tenter de reconquérir une clientèle plus importante ? O.C. : Le crédit habitat reste un vecteur de conquêtes ou de fidé lisation, c’est indéniable ! Un pro jet d’acquisition d’un bien immo bilier est toujours un acte anxiogène d’autant plus quand il s’agit du “projet d’une vie”. Les clients ont besoin d’être rassurés et d’avoir des points de repère tout au long de leur parcours, de la recherche du bien à la date d’entrée dans le logement voire jusqu’au remboursement final du crédit. Nous travaillons à déployer un dispositif qui réponde à surmonter ces irritants de manière à fluidifier et simplifier les démarches clients. Poursuivre la digitalisation des process est également un incontournable

pour satisfaire aux attentes de nos clients. Ensuite, quand il ne s’agira plus que de traiter un sujet de taux, nous saurons le faire ! Càd : Les primo-accédants sont ils toujours absents? O.C. : Dans les années “nor males”, au Crédit Agricole Franche-Comté, les primo-accé dants représentent 70 % des emprunteurs sur la résidence principale. Ils sont tombés à 50 % sur le 1er semestre 2024. Cepen dant, depuis cet été, nous consta tons un retour en force de cette catégorie d’emprunteurs et toutes les banques redoublent d’ingé niosité pour capter cette clientèle. Notre offre actuelle est de doubler le montant du Prêt à Taux zéro dans la limite d’un plafond de 20000 euros à 0 % de manière

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