Journal C'est à dire 304 - Avril 2024

DOSS I ER

À l’heure de l’Ébauche Villers-le-Lac

E ntre Villers et l’horlogerie, c’est une longue histoire. “Ondénom brait encore 32 entreprises hor logères en 1964 et à l’arrivée du quartz, près de 1 000 salariés de Villers ont perdu leur emploi” , rappelle Patrice Mollier en ouvrant l’accès de l’ancien musée de la montre situé au rez-de-chaus sée d’un bâtiment où l’on fabriquait aussi des montres Herma. Inauguré en 1992, ce musée était organisé autour des plus belles pièces de la col lection d’Yves Droz. Ce fonds muséogra phique a été racheté il y a dix ans par la communauté de communes du Val de Morteau. “Les musées de l’horlogerie et de la montre sont fermés depuis le 31 décembre suite à la dissolution de l’as sociation des traditions horlogères du Haut-Doubs en charge des deux struc tures”, rappelle son président Pierre Vau frey souriant à l’idée d’avoir dissous la structure que son père Constant avait créée en 1984. Un geste que le fondateur du musée de l’horlogerie approuverait sans doute car il préfigure la prolongation d’une belle aventure. La fermeture des deux musées s’imposait dans le cadre du transfert des collections à la com’com du Val de Morteau qui coor donne maintenant la création de la future Cité des horlogers. “On ne pouvait pas rester trois ans, le temps des travaux, sans proposer une offre horlogère sur le

Que va-t-il advenir de l’offre muséographique pendant la durée des travaux et de mise en place de la future cité des horlogers ? Pour y répondre, cap sur l’ancien musée de la montre à Villers-le-lac rebaptisée l’Ébauche le temps d’assurer la transition

Val de Morteau. D’autant plus qu’il faut tout faire pour maintenir le lien avec la clientèle des autocaristes” , estime Pierre Vaufrey. Un sentiment partagé par Valérie

Lamanthe, la directrice générale des ser vices de la com’com impliquée également dans le pilotage de ce projet communau taire. “La commune de Villers a accepté

La célèbre allée des pièces anciennes qui présentent l’histoire de la montre est toujours d’actualité à l’Ébauche.

“Il faut être noble à l’époque pour construire un tel édifice” Histoire

À l’occasion de la mue du musée de l’Horlogerie, la Communauté de communes du Val de Morteau a fait appel à Cédric Mottier pour réaliser l’étude historique prescrite par la D.R.A.C. Son étude de 154 pages apporte un éclairage nouveau sur la société mortuacienne de la fin du XVI ème siècle. interview.

C’ est à dire : Les Cuche apparaissent régulière ment dans les publica tions des historiens comme étant les commanditaires du château Pertusier. Qu’en est-il réel lement ? Cédric Mottier : La mention des Cuche comme bâtisseurs, puis possesseurs du château 75 ans durant, tient sur trois lignes. En plus, il n’y a pas de sources indiquées. Or, pour construire un tel édifice pourvu d’une tour (hexagonale ici), il faut à l’époque être noble, et pos séder un capital culturel. Ce n’est pas le cas des Cuche du Val de Morteau qui, en 1576, année d’achèvement de la partie la plus ancienne du bâtiment actuel, étaient de riches paysans, affran chis de la mainmorte en 1600, tel qu’il ressort des archives. Càd : Qui aurait pu le construire alors? C.M. : Selon moi, seules deux familles nobles du Val auraient pu construire cette maison : les Fauche et les Musy. Liées par mariages dès la fin du XV ème siècle, ces deux familles ont été affran chies dès les années 1540, soit bien avant la quasi-totalité des habitants du Val (1600). Entrés au service de Phi

lippe II, roi d’Espagne et comte de Bour gogne, Fauche et Musy ont accédé à la noblesse au cours des années 1570. C’est Pierre Fauche, trésorier de la grande saline de Salins, et son frère Étienne, tous deux anoblis par lettres en 1578, qui ont fait construire l’actuel hôtel de Ville, achevé en 1590. Contrai rement à Pertusier, cette vaste maison noble, dotée pas moins de deuxtours, est située au même niveau que le prieuré, cœur du pouvoir seigneurial, témoignant de la puissance acquise à l’époque par les Fauche. Càd : Que sait-on des Musy ? C.M. : Les Musy ont pratiquement le même cursus honorum . En 1576, ils comptaient dans leurs rangs Claude, docteur en droits et conseiller au par lement de Dole, et Anatoile, ambassa deur du roi d’Espagne. Selon moi, comme ensuite les Fauche, les Musy auraient édifié le château Pertusier pour témoi gner de leur réussite et conforter leur noblesse. Le fort endettement observable chez eux dès les années 1580 vient conforter mon hypothèse. Vers 1600, ils cessent d’être qualifiés de nobles ou d’écuyers dans les actes publics. La construction de leur maison noble aurait finalement compromis leur situation

Cédric Mottier

(deuxième à gauche, ici en photo lors des der nières journées du patrimoine), s’est notamment penché sur les archives duprieuré deMorteau (photo Ville de Morteau).

déjà. D’autres ajouts ont été réalisés auXIX ème siècle par les Pertusier, nou veaux propriétaires. Enfin, le château a survécu à l’assaut des Suédois, lors de la Guerre de Dix Ans, puis à plusieurs incendies. n Propos recueillis par R.G.

vales Saint-Germain d’Auxerre, a fait apparaître plusieurs phases de construc tion. L’édifice Renaissance initial était plus réduit que le bâtiment actuel. Son agrandissement aux XVII ème etXVIII ème siècles peut être attribué aux Bôle, apparentés aux Musy dès les années 1590, et possesseurs des lieux en 1655

économique, et leur noblesse. C’est un peu la fable de la Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf… Càd : Que reste-t-il du château ori ginel aujourd’hui ? C.M. : L’étude archéologique du bâti, réalisée par le Centre d’études médié

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