Journal C'est à dire 287 - Octobre 2022
É C O N O M I E
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Finances publiques
Les collectivités dépouillées
un peu plus de leur autonomie
C’ est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase fiscal. Et fait monter la grogne des élus des collectivités, particulièrement des maires. Après la suppression de la taxe d’habitation, les collectivités territoriales se voient encore dépouillées d’un autre levier fiscal avec la suppression de la C.V.A.E. “Comme les communes avec les taxes d’habitation, on détache encore un lien de fiscalité, cette fois-ci entre les entre prises et les collectivités, qui sont pour tant l’un des premiers acteurs dans la promotion économique, remarque Cédric Bôle, président de la com’com du Val de Morteau. Une collectivité qui a une promotion économique forte ne se démarquera pas d’une autre qui est plus passive. À l’heure où le gouverne ment appelle à réindustrialiser la France, il n’associe pas les collectivités” , déplore l’élu. Supprimée de moitié en 2023 puis tota lement en 2024, la C.V.A.E. rapporte chaque année à la communauté de communes 980 000 euros (8 milliards d’euros à l’échelle du pays). Une somme considérable qui sera compensée “à l’euro près” d’après le gouvernement par une fraction de laT.V.A. Oui,mais… c’est sans compter sur l’inflation, le fonds de compensation par la T.V.A. étant loin de suivre l’inflation. “Nous n’avons pas encore toute la visibilité sur cette réforme, on ne connaît pas les détails de la compensation. Mais les années de références sont 2020, 2021 et 2022. Or, 2020, avec le Covid est une année blanche. L’État compense donc avec le plus petit dénominateur” , relève Cédric Bôle. Dans le projet de loi de finances pour 2023, une mesure en parti culier crispe les élus dans les ter ritoires : la suppression de la C.V.A.E., la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Sur la communauté de communes du Val de Morteau, cette taxe sur les chiffres d’affaires des entreprises rapportait près d’1 million d’euros.
La C.V.A.E., taxe sur les entreprises, rapporte à la com’com du Val de Morteau près d’1 million d’euros par an.
la communauté de communes, cela rap porterait 5 200 euros par an, pas plus” , illustre Cédric Bôle. L’exécutif supprime la C.V.A.E. car il juge cet impôt néfaste pour la compé titivité du pays. Pour le président de la com’com, il existe d’autres leviers, notamment sur l’ensemble des taxes des entreprises plutôt que de décon necter les entreprises de leur territoire
Au-delà des chiffres, la plupart des élus dénoncent une perte d’autonomie
et de marge de manœuvre, certains parlant même d’un mouvement de recentralisation du pouvoir. Cédric Bôle, lui, redoute lamise sous perfusion par l’État des collectivités. “La com munauté de communes collecte 6,3 mil lions d’euros en impôts et taxes. Avec la suppression de la C.V.A.E., les deux tiers des recettes proviendront de la compensation de l’État” , souligne-t-il.
La C.V.A.E., c’est quoi ? La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est un impôt dont le taux varie selon le chiffre d’affaires. Toute personne ou entreprise exerçant une activité professionnelle non salariée et qui génère un chiffre d’affaires hors taxes supérieur à 500 000 euros est redevable de la C.V.A.E. Cet impôt est l’une des composantes, avec la coti sation foncière des entreprises, de la Contribution économique territoriale (C.E.T.). 34 amendements ont été dépo sés sur l’article 5 du projet de loi de finances 2023, qui prévoit donc la sup pression de la C.V.A.E. Dénoncée par les oppositions et appuyée par Les Républicains, la mesure a finalement été adoptée le 5 octobre en commission des finances. n
La com’com du pays de Maîche également impactée C haque année, la C.V.A.E. rapporte 580 000 euros à la communauté de communes du pays de Maîche, soit 13 % des impôts qu’encaisse la col lectivité. “ A priori , il y aura une compensation complète mais il y aura 40 % de nos impôts dont on n’est plus maître, objecte Gérard Gentit, élu délégué aux finances. Si un jour, l’État décide de ne plus compenser, ce sera problématique.” Si l’élu partage la grogne autour de cette perte d’autonomie, il serait partisan de la suppression de la C3S. La contribution sociale de solidarité des sociétés participe au financement des charges de l’assurance vieillesse. Elle est due par toutes les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 19 millions d’euros. D’un taux de 0,16 % du chiffre d’affaires, cette taxe a rapporté 3,6 milliards d’euros en 2021 selon l’Urssaf. “C’est un montant assez important, glisse Gérard Gentit. Mais cette taxe, c’est l’État qui l’empoche, pas les collectivités.” n
d’appartenance. “Comme d’habitude, il est plus facile de venir expliquer aux col lectivités comment faire plutôt que de le faire dans ses propres finance s”,
Que se passera-t-il si l’État décide de fermer le robinet ? “La collectivité est l’un des derniers services publics de proximité. S’il y a moins de recettes, ce sera compliqué
Une perte d’autonomie pour les collectivités locales.
remarque l’édile de Morteau. Ajoutez à cette suppression de la C.V.A.E., l’explosion des coûts énergé tiques, une dotation globale de fonc tionnement bien en deçà de l’infla tion… Le mécontentement des élus monte. L’année 2023 est tracée en rouge par les associations d’élus. n L.P.
d’ajouter ou de maintenir à terme cer tains services publics” , répond l’élu. Si la collectivité est actuellement dans les arbitrages budgétaires, elle s’in terroge sur l’avenir de ses possibilités d’investissement. Le levier fiscal qui reste est la taxe foncière, bien loin de compenser le manque. “Si on augmen tait d’1 % la taxe foncière au niveau de
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