Journal C'est à dire 286 - Septembre 2022
A G R I C U L T U R E
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Attaques de loups : les éleveurs à cran Nature
La tension monte dans les exploitations agricoles du Haut-Doubs entre Rochejean et Chapelle-des-Bois où les attaques de loups se multiplient depuis le mois d’août causant la mort de 10 jeunes bovins et d’une brebis. Le Préfet est allé à la rencontre des éleveurs et des élus pour annoncer l’arrivée de la brigade d’intervention “loup” de Gap et trouver le cadre d’intervention légal le plus adapté à la situation.
“J’ai le sentiment que le loup est en train de gagner la partie”, explique Pierre-Henri Pagnier qui a perdu une génisse tuée par le loup le 12 septembre sur l’alpage du Pré Maître Jean.
“Q uand on évoque le problème, c’est une chose. Quand on le vit, c’est autre chose, explique Pierre-Henri Pagnier, éleveur à Chaux-Neuve qui a découvert le 12 septembre der nier une de ses génisses tuées par les loups dans l’alpage qu’il exploite au Pré Maître Jean. J’ai le sentiment que le loup est en train de gagner la partie. L’heure est grave et c’est main tenant qu’il faut inverser les choses.” Face à la menace, il a décidé de ont permis une nouvelle pousse d’herbe sur des terrains où rien n’a poussé en juillet et en août. L’éleveur très remonté mais res pectueux interpelle aussi le Pré fet Jean-François Colombet en demandant à l’État de prendre en charge l’évacuation de la car casse. “Je suis d’accord avec vous. Aujourd’hui, il n’y a pas de cadre légal mais j’entends la demande. Cela fait partie des spécificités vers lesquelles il faut qu’on avance” , lui répond le représentant de l’État lors de son déplacement dans le Haut Doubs le 16 septembre dernier. Le retour du loup dans le massif du Jura a été officialisé en 2020 rentrer ses bêtes tous les soirs pour ne plus vivre dans l’angoisse de nouvelles attaques. Une ineptie agricole au moment où les pluies de septembre
avec la formation d’une meute sur le secteur du Marchairuz en Suisse voisine. 10 veaux ont été tués en 2021 par les loups sur les alpages suisses. Une seconde meute a aussi été iden tifiée l’été dernier dans le massif du Risoux. Ces deux meutes regroupent aujourd’hui une vingtaine de loups. Il semblerait aussi qu’un groupe de quelques individus se soit installé entre la route des Charbonnières et le Mont d’Or. Les gardes fédé raux estiment que c’est peut être ce troisième groupe qui soit à l’origine des attaques sur les troupeaux français. autres blessées et une brebis blessée. À l’échelle du massif jurassien franco-suisse, on comp tabilise 20 bovins tués. Bien conscient de la souffrance des éleveurs, Jean-François Colombet se veut pragmatique. “Je suis venu ici pour sortir de la technocratie, de la technique. J’ai besoin de cela pour trouver des arguments qui permettront d’avoir des mesures spécifiques. Le sujet du loup est un sujet com plexe. Il faut trouver des solutions qui combinent l’intérêt de l’espèce et, en même temps, l’intérêt de la filière agricole. Pour autant, il faut rester strictement dans la légalité en respectant l’arrêté Fin septembre, le bilan sur le département du Doubs fait état de 12 attaques perpétrées de Rochejean à Cha pelle-des-Bois avec 10 génisses tuées, 20
Jean-François Colombet est venu à la rencontre des éleveurs et des élus du Haut-Doubs le 16 septembre.
ministériel de 2020.” Le Préfet du Doubs tient abso lument à ne pas sortir de cadre légal voulant éviter d’avoir à gérer un “Notre-Dame des loups”.Une situation qui pouvait s’avérer tout simplement ingé rable. Le protocole d’intervention pour protéger les bêtes d’élevage s’ins crit dans le cadre du plan loup élaboré sur les troupeaux ovins dans lesAlpes. Ce plan ne prend pas en compte les spécificités dumassif jurassien qui se carac térise notamment par le mor cellement des parcelles, rendant impossible la surveillance des troupeaux la nuit. “J’ai demandé au Préfet coordinateur de recon naître la non-protégeabilité des espaces agricoles à l’échelle des 13 communes concernées par les attaques, soit 117 exploitations. Cela permettra d’engager une action forte.” Le préfet coordi nateur est celui de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Éviter d’avoir à gérer un “Notre-Dame des loups”.
Un premier loup abattu
Préfet du Doubs a demandé l’au torisation de pouvoir procéder au tir de défense renforcé per mettant la présence de plusieurs tireurs sur le même troupeau. Bonne nouvelle pour les éle veurs, il a obtenu des renforts de choix. “Nous attendons la bri gade d’intervention “loup” de Gap. Ce sont des professionnels. Si on tire n’importe quel loup, le problème peut être multiplié par quatre. D’où l’importance d’associer nos louvetiers avec les agents de cette brigade.” En dernier ressort, Jean-Fran çois Colombet n’exclut pas de solliciter toujours auprès du Préfet coordinateur, un tir de prélèvement, ultime étape du processus d’intervention. En France, 100 loups ont été pré levés en France par tir de défense simple ou renforcé en 2021. Côté suisse, on ne reste pas inactif puisque le Canton
Le protocole comprend quatre niveaux d’intervention. D’abord les tirs d’effarouchement desti nés à éloigner les loups. On passe ensuite aux tirs de défense sim ple à balles réelles qui permet de tirer sur un loup en situation d’attaque. Ces tirs peuvent être effectués par l’éleveur ou toute autre personne sous réserve d’être titulaire d’un permis de chasse. “Nous avons autorisé dix tirs de défense simple mais aucun n’a été réalisé” , reconnaît le Préfet. Les pro-loups se sont d’ailleurs manifestés en contre carrant l’action des louvetiers placés en en tir de défense sim ple sur un troupeau aux Ville dieu. “Quand ils ont voulu allu mer les phares pour éclairer le loup, une voiture en face a allumé les siens en provoquant la fuite du prédateur” , rappelle Loïc Sca labrino, éleveur aux Pontets. La mesure étant inefficace, le
de Vaud vient d’obtenir à la mi septembre l’autorisation de tirer trois des six jeunes de la meute du Marchairuz. n F.C. le 20 septembre Un binôme de lieutenants de lou veterie a procédé le 20 septem bre à 22 h 40 au tir létal d’une louve sur une parcelle où un trou peau avait été prédaté dans la nuit du 18 au 19 septembre aux Longevilles-Mont d’Or. Ce tir a été réalisé dans le cadre d’un tir de défense simple. Il a été mis en œuvre alors que trois loups étaient observés en situation d’at taque sur le troupeau du G.A.E.C. concerné. n
Neuf génisses et un veau ont été tués par le loup dans le Doubs depuis le mois d’août.
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