Journal C'est à dire 284 - Juin 2022

P L A T E A U D E M A Î C H E

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Sur les pas des Anabaptistes avec Claude Cattin Clos du Doubs La crise de l’Église catholique en 1517, prélude à la Réforme, donna vie à ces divers mouvements religieux dont quelques traces sont encore visibles sur notre territoire.

Inhabituel dans nos contrées. un couple de Gobemouche noir nidifie Maîche C’est toujours un moment marquant pour un ornithologue amateur de faire la découverte d’une espèce jamais observée, d’autant plus quand l’événement se produit à sa fenêtre.

Q uelle ne fut pas la sur prise de Didier Dubail le 26 avril dernier en enten dant dans son jardin un chant d’oiseau insolite ! Féru depuis toujours de l’observation de nom breuses espèces et membre des “Gazouillis du Plateau”, il lui faut peu de temps pour identifier le visi

(nom scientifique de l’espèce) est un petit oiseau migrateur d’un poids de 9 à 15 grammes. Son enver gure varie de 21 à 24 cm. “Sa nidi fication formelle en Franche-Comté n’a été documentée qu’en mai 2009 à La Chapelle-lès-Luxeuil enHaute Saône” , écrit Cyril Sénéchal dans le livre “Oiseaux de Franche-Comté” (édité par la L.P.O.). Pendant la période nuptiale, les deux sexes sont dissemblables (voir photos). Espèce rare protégée, on estime sa population en France entre 2 000 et 4 000 couples. Son noyau de repro duction se situe dans les massifs forestiers desVosges du nord, mais il peut aussi nicher dans le bassin parisien et le Massif central. On le trouve également en Suisse sur le versant sud des Côtes du Doubs (canton de Neuchâtel), ce qui pour rait expliquer son apparition sur le plateau de Maîche. “J’ai bien sûr informé mes amis des Gazouillis du Plateau de cette présence et Phi lippe Drogrey, membre actif de l’as sociation est venu les observer” ,

teur. Par chance, l’oiseau a choisi un refuge installé en 2020 lors du début de l’opération des 1 000 actions pour la nature. “J’ai installé un appareil photo derrière une fenê tre très proche afin de garder des traces concrètes de sa présence” , poursuit-il.Une femelle est apparue le 13 mai. Le Ficedula hypoleuca

La ferme de la Seigne où se déroulaient les assemblées des Anabpatistes.

C laude Cattin,mem bre du Ghete (Groupement d’échanges et d’études Hommes et Terroirs du Clos du Doubs) nous rappelle le contexte his torique. “Le 5 ème concile de

Les Mennonites à Montbéliard Le prince Léopold-Eberhardt de Wurtemberg fit venir les premières familles d’agriculteurs anabaptistes. Ils exploitaient des fermes au Pied-des-Gouttes ou au Mont-Chevis. L’une d’entre elles s’appelait “Klein Hollande” et a probablement laissé son nom au quartier éponyme (La Petite-Hollande). 240 familles fréquentent l’église de la prairie et un tout nouveau centre d’archives vient d’y être inauguré. 800 ouvrages et documents rares y prennent place dont un “Miroir des Martyrs” rarissime (livre liturgique fondamental des fidèles). En France, 60 000 adeptes se répar tissent dans une trentaine d’églises essentiellement dans le nord-est du pays. n

Le mâle Gobemouche noir.

tême, la non-violence et une certaine “différentiation” d’avec le monde. Ils se constituent en assemblées de volontaires, indé pendantes de l’État.Toutes ces idées infusent partout en Europe. “Après l’épisode san glant de la Guerre des Paysans menée par Thomas Münzer en Allemagne, Menno Simons quitte l’Église Catholique en 1536, et il rejoint et organise le mouvement anabaptiste.” Les nouvelles persécutions subies au XVII ème siècle dans le canton de Berne et partout

Latran à Rome ouvrit la voie de la contestation. Martin Luther s’y opposa et brûla en place publique la bulle papale.” Son excommunication ouvrit la voie à une véritable traînée de poudre en Suisse et enAlle magne. “1522 constitue le point de départ du courant Anabap tiste à Zürich avec Huldrych Zwingli. Les premiers baptêmes d’adultes eurent lieu en 1525 (ana-baptisme signifiant en grec re-baptême).” Les adeptes prônent l’engage ment conscient dans ce bap

Philippe Drogrey à l’affût.

cheur. Les dernières familles se rattachèrent à l’église de Montbéliard. LesAnabaptistes y sont durablement installés et toujours présents. L’étape suivante de notre péré grination nous emmène vers deux cimetières Anabaptistes malheureusement mal entre tenus. “Celui de Montsassier dessous (Fessevillers) daterait des années 1840 et on y trouve la tombe en bon état de Christ Ramseyer (1862-1884) et celui de La Mine (Les Plains-et Grands-Essarts) avec une seule stèle centrale gravée d’une longue inscription en allemand, langue d’origine qui a persisté au cours des siècles” , conclut Claude Cattin. n Ph.D.

Maîche. C’est ici que se tenaient les assemblées (du latin “eccle sia” désignant la paroisse d’une région). “Il n’y avait aucune hié rarchie comme dans l’Église catholique. Les Mennonites éli saient “l’Ancien” (pasteur), le diacre (serviteur des pauvres) et le prédicateur.” De nom breuses familles émigrèrent

en Europe les forcent à l’exil vers l’Amérique, le Palatinat et l’Alsace. C’est d’ailleurs en 1693 que naquit à Sainte Marie-aux-Mines la commu nauté dissidente des Amish. Jakob Amman, son fondateur prônait une vie à l’écart du pro grès et du monde extérieur. Les Anabaptistes vinrent à

Tombe de Christ Ramseyer avec une colonne bri sée (symbole d’un décès précoce).

aux États-Unis. La terre qu’ils culti vaient ne suffisait plus à nourrir leurs très grandes

Montbéliard et au Clos du Doubs à partir de 1704. Les Graber, Widmer, Ramseyer,Amstutz,

Un engagement conscient dans le baptême.

familles. Ils pensaient trouver un pays de liberté qui leur per mettrait de respecter plus faci lement leurs règles de vie reli gieuse. Le service militaire obligatoire en France en 1880 fut aussi un facteur déclen

Rich, Kaufmann… s’installè rent dans près de 80 fermes qu’ils exploitèrent jusqu’en 1918. Nous nous arrêtons à la ferme de la Seigne, au sud deVaufrey, en bordure du plateau de

Claude Cattin

devant le cimetière

anabaptiste de la Mine.

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