Journal C'est à dire 282 - Avril 2022
L A P A G E D U F R O N T A L I E R
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“Dans ce contexte, le cours du franc suisse est une valeur-refuge” Franc suisse
Après une flambée en 2015, le franc suisse atteint à nouveau des records en ce début d’année 2022. L’éclairage d’Alain Gaillard, le directeur financier du Crédit Agricole Franche-Comté.
Càd : Quel est l’autre outil à la dis position de la B.N.S. ? A.G. : Quand le levier des taux n’est plus suffisant, l’autre outil à la dispo sition des banques centrales, c’est l’in tervention sur le marché des changes. La Suisse utilise ses réserves de devises pour vendre des francs suisses et ache ter de l’euro, de manière à influer sur le cours du franc. Depuis septembre dernier, le montant des placements en devises de la B.N.S. a atteint les 1 000 milliards de francs suisses ! On sent bien que le franc suisse est sous surveillance, elle souhaiterait revenir à un taux d’1,10 C.H.F. Càd : Cette situation fait néan moins des heureux : les travailleurs frontaliers. Quelle est la consé quence pour eux ? A.G. : C’est très simple : entre un franc suisse à 1,02 et un franc suisse à 1,15, c’est un pouvoir d’achat en augmen tation directe de plus de 10 %. Ce qui explique qu’ils sont en train de réaliser largement des opérations de vente à terme. C’est-à-dire qu’ils figent auprès de leur banque la parité du franc suisse pour six mois, ou plus. Ils garantissent ainsi ce taux pendant ce laps de temps, même si le franc suisse venait à rebais ser. Notre service des affaires inter nationales enregistre depuis quelques semaines une augmentation sensible
C’ est à dire : Le franc suisse a frôlé la parité en ce début d’année. Quelle est sa valeur actuelle ? Alain Gaillard : Début avril, 1 euro valait 1,03 C.H.F. On a frôlé la parité il y a quelques semaines, il semblerait que le cours du franc suisse tende à se tasser légèrement.
constate bien ce décrochage depuis la fin du mois de février. Càd : Pourquoi la Suisse n’a pas intérêt à avoir une monnaie trop forte ? A.G. : La Suisse est la 17 ème économie mondiale malgré la taille modeste du pays, elle affiche des résultats écono miques remarquables, elle a des finances publiques saines, affiche une forte compétitivité à l’export et c’est
Càd : Cette envolée est-elle due au contexte interna tional et à la guerre en Ukraine ? A.G. : La croissance suisse était déjà avant la guerre en Ukraine à 3,5 % et l’inflation très limitée, à 0,6 %, bien
justement pour préserver cette compétitivité que la Banque nationale suisse (B.N.S.) souhaite éviter à tout prix une appréciation trop forte du franc suisse qui aurait pour conséquence de ralentir son économie.
“Pour les frontaliers, un pouvoir d’achat en augmentation de plus de 10 %.”
Alain Gaillard, directeur financier du Crédit Agricole Franche Comté.
inférieure à celle de la zone euro. La parité se maintenait alors entre 1,10 et 1,20 C.H.F. pour 1 euro. Depuis, l’in flation a augmenté, elle était à 2,2 % en février, nettement inférieur néan moins au taux de 3,6 à 4 % en Europe. Avec la crise ukrainienne, les investis seurs ont eu un coup de froid et consi dèrent le franc suisse comme une valeur refuge, un peu comme l’or, en attendant une clarification internationale. On
Càd : Comment la B.N.S. peut-elle limiter la hausse du franc ? A.G. : Elle a joué jusqu’à maintenant sur un des deux leviers à sa disposition : la baisse des taux d’intérêt qui sont actuellement à - 0,75 %. Elle ne veut guère aller plus bas. Plus les taux sont bas, moins vous attirez d’acheteurs sur votre monnaie, c’est une manière de limiter sa hausse.
de ses exportations. Qu’elle continuera donc à actionner les leviers pour reve nir à une situation plus acceptable autour d’1,10 ou 1,15 C.H.F. Mais dans ce contexte, le cours du franc suisse restera de toute façon une valeur refuge. n Propos recueillis par J.-F.H.
des demandes de couvertures à terme.
Càd : Comment imaginez-vous l’évolution de la monnaie suisse dans ce contexte ? A.G. : On pourrait penser que la B.N.S. va donner la priorité à la croissance économique et donc à la compétitivité
L’immobilier dans la plus grande incertitude Chantiers
bâtiment, ni la Fédération de la promotion immobilière ne sont actuellement en mesure, loca lement, d’avancer la moindre hypothèse sur la durée de cette flambée des prix. Les construc teurs duHaut-Doubs ne peuvent plus compter sur des bardages en mélèze, l’importation du mélèze sibérien est stoppée. Cer tains fournisseurs de tuiles alle mands ou autrichiens ont arrêté temporairement leur production à cause de l’explosion des prix du gaz servant à fabriquer les tuiles. Même chose pour le bois Seguin, obligé de renoncer à ce genre d’équipements pour cer tains de ses programmes. Prochainement, les tarifs à des tination des particuliers devraient être révisables et en partie indexés à la hausse des matières premières. Mais cette spirale infernale n’est bonne pour aucun acteur de la filière. “En trente-cinq ans de métier, c’est la première fois qu’on voit ça” soupire le promoteur qui doit affiner au plus juste son projet deMétabief pour parvenir à le livrer dans des délais rai sonnables… et sans y laisser des plumes. La quadrature du cercle. n J.-F.H. de charpente avalé par la demande chinoise depuis plusieurs mois déjà. “Même les compo sants pour la domotique viennent à manquer” ajoute Jean-Marie
L e programme est sédui sant, avec ses 24 loge ments de bon standing au cœur de la station de Métabief, et la commerciali sation va bon train avec déjà plus d’une quinzaine d’appar tements pré-vendus. Jean-Marie Seguin, le promoteur de ce pro gramme immobilier qui devrait être livré dans moins de deux ans aurait de quoi afficher un large sourire. Sauf que…Covid et guerre enUkraine sont passés par là. Explications. “La situation est très complexe : d’un côté on a des entreprises qui sont débor dées de travail parce que la période Covid a entraîné des retards, et de l’autre elles peinent à répondre aux appels d’offres car elles sont souvent incapables de donner des prix, tellement ils évoluent vite en ce moment” résume le professionnel qui mène plusieurs programmes actuel lement dans le Haut-Doubs. La crise sanitaire a en effet eu un effet pervers sur la bonne marche des chantiers. Même si les entreprises de gros œuvre ont rapidement repris le travail au moment du premier confine ment, l’absence de certains sala riés pour cause de Covid ajoutée à une lenteur inédite des pro cédures administratives (ralentie également à cause de l’absen
téisme dans les services) a plombé les délais de délivrance des permis et par conséquent de réalisation des chantiers. “Si bien que cette année, les entre prises sont débordées et leurs carnets de commandes pleins.” Terrassiers, maçons, couvreurs, charpentiers… Même les plus gros acteurs du Haut-Doubs ont le plus grand mal à satisfaire la
L’envolée des prix cumulée à des retards de chantiers dus aux conséquences du Covid donne beaucoup de motifs d’inquiétudes aux professionnels de l’immobilier. Le Haut-Doubs n’échappe pas au phénomène.
demande des promoteurs et à leur proposer des délais raisonnables.À tel point que certaines entre prises de gros œuvre en provenance d’autres régions, et parfois avec
Plus de bardage en mélèze, il venait de Sibérie.
une main-d’œuvre étrangère et des matériaux venus des pays de l’Est, se positionnent en ce moment pour des chantiers à réaliser dans le Haut-Doubs. La guerre en Ukraine ne fait que renforcer les difficultés avec des prix qui s’envolent. Sachant que les coûts de construction représentent en moyenne 50 % du prix final d’un programme immobilier (le reste étant lié à des coûts d’architecte, maître d’œuvre, mais surtout d’études, d’expertise, de contrôle, etc.). “Je pense d’ailleurs que ce sont les excès de réglementation qui font aussi gonfler les prix de l’immo bilier” glisse un promoteur local. Ni la Fédération française du
L’immobilier est un des secteurs les plus touchés (photo d’illustration).
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