Journal C'est à dire 282 - Avril 2022
É C O N O M I E
36
Frontaliers, gare au surendettement ! Finances Le mythe du frontalier qui dépense sans compter n’est pas qu’une vue de l’esprit. Un groupe de travail composé de différents acteurs de l’endettement, de l’économie sociale et du travail frontalier s’est constitué pour prévenir ce phénomène.
nombre d’incidents de chèques pour 100 000 habitants*. En 2020, on était à 2 775 incidents sur la zone de Pontarlier, soit presque autant qu’àAutun avec 2 860 incidents.À titre indicatif, Besançon est à 2 139 et Dijon à 2 360 incidents chèques pour 100 000 habitants” , explique Jean-Luc Mesure, le directeur de la Banque de France à Besan çon. Les 2 775 chèques non couverts sur la zone de Pontarlier ont été émis par 1 403 personnes.Autre indicateur qui justifie sans doute les actions préventives, le niveau de surendettement sur le bassin de vie de Pontarlier se situe à 36 000 euros alors qu’il avoisine 23 000 euros en France. L’évolution de l’endettement moyen sur la zone frontalière évolue aussi plus vite en zone frontalière. Sur une base 100, il passe de 100 à 136 entre 2015 et 2020 contre une progression de 100 à 114 à l’échelle nationale. Important aussi de signaler que le surendettement de façon géné rale tend plutôt à baisser depuis cinq ans en France. Le constat les frontaliers ? Si un chirurgien, un avocat, un expert-comptable, un notaire ou un ingénieur est préparé en quelque sorte à gérer de gros revenus, ce n’est pas tou jours le cas d’un travailleur fron talier qui va voir son salaire dou bler ou tripler du jour au lendemain. “Le statut d’un fron talier en Suisse est bien différent de celui d’un salarié français. Les travailleurs frontaliers sont administrativement autonomes à l’instar d’un travailleur libéral en France. Ce qui signifie qu’ils vaut également dans le Doubs où il a dimi nué de 11 % entre 2019 et 2021. Comment expliquer le surendettement chez
T out est parti d’observa tions de terrains, en l’oc currence des entretiens réalisés au centre médico-social de Pontarlier où sont orientées les personnes en
ce groupe de travail” , indique Élise Guillaume, conseillère en économie sociale et familiale au centre médico-social de Pontar lier. Ce groupe de travail regroupe plusieurs partenaires : la Banque de France, l’Amicale des fronta liers, le Centre Médico-Social, le service Point Conseil Budget, la C.A.F. et la Direction dépar tementale des Impôts. La pre mière action a pris la forme d’un webinaire organisé en février à destination des banquiers, cour tiers, assureurs installés sur le bassin d’emploi du Haut-Doubs. S’il est difficile de connaître le nombre de frontaliers en situa tion de surendettement, quelques indicateurs de la Banque de France sont assez révélateurs de la situation sur le bassin d’em ploi de Pontarlier. Le revenu mensuel médian sur la bande frontalière s’élève de 2 152 euros par mois contre 1 824 euros par mois à Dijon et 1 613 euros par mois sur le bas sin d’emploi d’Autun en queue de peloton régional. Le territoire frontalier se caractérise aussi par le dynamisme dumarché de l’immobilier. Plus 33 % de nou veaux crédits immobiliers ou liés à l’habitat entre 2015 et 2020. “Dans une zone aussi riche, on est étonné de voir le
difficultés financières. “Dans les dossiers de surendettement traités sur le Haut-Doubs, on trouve des frontaliers parfois confrontés à des dettes importantes. À partir de ce constat, on a mis en place
“L’objectif de ce groupe de travail, c’est de faire en sorte que le frontalier ait toutes les informations et les maîtrise”, explique Valérie Pagnot, juriste à l’Amicale des Frontaliers.
“Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus tranquille”
conseillère en économie sociale et familiale propose un accom pagnement pour apporter une réponse adaptée. “Si besoin, on peut renégocier les emprunts avec les établissements de crédits. On peut même envisager d’aller jusqu’à l’ouverture d’un dossier de surendettement à la Banque de France sachant qu’il s’agit d’une démarche volontaire et déclarative” , complète Élise Guil laume du centre médico-social. Mieux vaut prévenir que guérir. C’est tout le sens de ce groupe de travail. Après le webinaire, d’autres actions de communica tion sont en réflexion : articles dans les magazines frontaliers, information dans les structures de formation axées sur des métiers frontaliers : horlogerie, micromécanique, santé… n F.C.
vont devoir effectuer eux-mêmes toutes sortes de démarches : assu rance maladie, impôts. Quand ces formalités ne sont pas accom plies au bon moment, il y a un risque de voir s’accumuler des dettes comme les impôts, mises
vices des impôts qui vous enfon cent plutôt que de chercher à vous aider. Ils vous laissent juste le minimum vital.” Consciente qu’elle n’arriverait pas à s’en sortir seule, elle évoque ses problèmes à la Mutuelle La Frontalière qui lui suggère d’aller au centre médico-social. “Je n’étais pas forcément partante. J’ai finalement franchi le pas et on a engagé la procédure. Mon dossier de surendettement a été accepté par la Banque de France pour planifier mes dettes et annu ler les intérêts. Je suis dans l’at tente du courrier validant ce plan d’apurement. Au final, je vis ce surendettement comme un échec mais aujourd’hui je me sens beau coup plus tranquille.” n
Installée dans le Haut-Doubs depuis 1998, cette maman de trois enfants est infirmière de bloc dans une clinique en Suisse. Une situation confortable et une vie remplie des bonheurs de l’exis tence avant qu’une séparation ne vienne casser cette belle harmo nie. “Cela ne s’est pas très bien passé, je me suis retrouvée seule avec les enfants à charge” , explique cette frontalière qui sur monte cette épreuve. En janvier 2021, des soucis de santé l’obligent à se mettre en maladie. Privée de 20 % de ses revenus au bout d’un mois d’arrêt, elle glisse dans la spirale des cré dits pour se retrouver en difficultés financières. “Je suis très amère vis-à-vis des banques, des ser
à jour de cotisation” , précise Valérie Pagnot de l’Amicale des Fron taliers. Le début des ennuis si le frontalier s’engage
“Si besoin, on peut renégocier les emprunts.”
vers des crédits à la consomma tion, les abonnements ou les paiements fractionnés. “Le suren dettement résulte souvent d’un accident de la vie : licenciement, maladie, divorce, séparation” , ajoute le directeur de la Banque de France. À partir de là, tout est possible. Certains se hâtent de débloquer leur second pilier. D’autres se résignent à rencon trer une assistante sociale qui les oriente vers des structures comme le centre médico-social, le Point info Budget. Là, une
*Source : fichier central des chèques géré par la Banque de France”
La guerre a un réel impact sur l’agriculture du Doubs Agriculture
Envolée des cours du gaz, des carburants, des céréales, des engrais : aucune filière agricole n’échappe au séisme de la guerre en Ukraine. Exemple avec la filière porcine sérieusement mise à mal.
ulcéré de constater la réussite des I.G.P. Morteau et Montbéliard sans partager les bénéfices. Pour autant, la filière porcine est très dépendante de la dis ponibilité et du prix des céréales. “L’ali ment représentait déjà 64 %des charges en 2020 et maintenant on est à plus de 70%. C’est vrai que la cotation ne permet pas de compenser l’augmentation des coûts de protection. L’État verse déjà une aide pour limiter cet écart qui risque de s’amplifier avec la crise ukrainienne” , confirme Claire Legrand, directrice d’Interporc Franche-Comté. Ici ou là en France, des éleveurs com mencent à mettre la clef sous la porte, las de travailler à perte. Pour mesurer l’impact que pourrait avoir cette guerre si elle venait à perdurer, il faut savoir que l’Ukraine est le 4 ème pays exporta teur de blé et de maïs au monde et le 1 er exportateur de tournesol. n
D ans une filière fortement tri butaire du coût de l’aliment, la crise ukrainienne arrive au plus mauvais moment pour les éleveurs porcins du Doubs. L’intervention de l’État est attendue et des répercussions de prix semblent inévitables. “O n perd déjà 20 à 30 euros sur chaque porc charcutier.On ne ressent pas encore l’impact immédiat de la crise mais c’est sûr, on va se ramasser des hausses sur l’aliment. Sur les 12 derniers mois, on en a déjà subi plus d’une qua rantaine” , s’inquiète Joël Bassignot, éleveur àVillers-Chief sur les premiers plateaux du Haut-Doubs, très remonté du traitement réservé aux éleveurs de
porcs comtois. Calculette en main, il estime qu’il fau drait qu’il touche entre 1,70 et 1,80 euro par kg pour compenser la hausse des coûts de production. “On se situe actuel lement entre 1,45 et 1,50 euro le kg en intégrant les 15 à 17 centimes de plus value accordés aux producteurs de porc comtois.” Cet éleveur engraisse environ 5 200 porcs par an. Ce qui représente 1 800 tonnes d’aliments. “Une hausse de 10%, c’est 18 000 euros de charges supplé mentaires. On supporte de plus en plus mal ces pertes de rentabilité qui ne font que creuser la trésorerie.” Cet éleveur est sans doute vindicatif,
La crise ukrainienne impacte le coût de l’aliment et laisse entrevoir un risque de pénurie si le conflit persiste (photo Studio 2021).
Made with FlippingBook - Online catalogs