Journal C'est à dire 266 - Octobre 2020

D O S S I E R

“La chasse est attaquée, et avec elle la ruralité” Le président des chasseurs du Doubs

Président des chasseurs du Doubs, Jean-Maurice Boillon demande à ses chasseurs de relever la tête face à ce qu’il appelle les “anti-tout”, des “bobos qui confondent le bien- être des animaux et l’équilibre d’un biotope” dit-il. Pour cela, il dégaine les arguments.

d’un biotope. Savent-ils que ce sont les chasseurs, qui, avec leur argent replantent des haies dans le Doubs ? Savent-ils que nous avons été moteurs pour protéger le renard ici ? Savent-ils encore que les bagues achetées par les chasseurs servent notamment à payer les dégâts occasionnés aux cultures ? Savent-ils que nous protégeons la faune et les automobilistes des collisions

textes pour nous critiquer.

anti-spécistes veulent stériliser les animaux sauvages, je m’in- quiète de cette ingérence ! On ne va plus à la chasse pour man- ger mais pour réguler. Et non, les chasseurs ne tirent pas sur tout ce qui bouge. Càd : Face à toutes ces attaques, vos chasseurs bom- bent-ils le torse ou au contraire préfèrent baisser les armes ? d’autres actesmalveillants appa- raissent dans le Doubs. Il est clair que cette ambiance est une raison de l’érosion des effectifs. Càd : Le Haut-Doubs est-il protégé de ces actes malveil- lants ? J.-M.B. : Pas vraiment. Le député de la 4ème circonscription du Doubs Éric Barbier (L.R.E.M.) vient de signer le R.I.P. avec Éric Alauzet. Je peux dire qu’ils se sont mis la ruralité à dos. Càd : Vous n’êtes plus atta- qués sur la sécurité mais sur la condition animale. Que faire ? J.-M.B. : Être chasseur, c’est analyser, observer, sélectionner. On ne choisit pas de tirer sur le premier oiseau qui passe ! Des chasseurs publient des images sur les réseaux sociaux : il faut s’abstenir car ce sont des pré- J.-M.B. : Il faut être fier d’être chasseur, ne pas avoir honte. On doit pouvoir pratiquer notre loisir. Aujourd’hui, des miradors sont sabotés,

combien d’adhérents ? V.V. : Cela varie entre 150 et 200 adhérents. Le nombre varie suivant les événements, les actions. Je voulais aussi rajouter un point quand vous pratiquez un sport, on vous demande un certificat médical, ce qui n’est pas du tout le cas avec la chasse alors que l’utilisateur tient un fusil entre ses mains. Càd : Un chasseur suit quand même une formation avant d’avoir son permis ? V.V. : Le permis de chasse, il suffit de payer. On vous le donne même si vous êtes aveugle, han- dicapé. On remarque aussi que beaucoup de gens des villes vien- nent pratiquer la chasse en 4 x 4 dans nos campagnes. Càd : C’est une vision assez caricaturale de la chasse ! V.V. : Je vous invite à venir voir dans quel état sont les chasseurs le dimanche après-midi après leurs gueuletons. On n’ose plus sortir en forêt. Mais la chasse reste un gros lobbying protégé par les politiques. n Propos recueillis par F.C. Càd : Les chasseurs doivent- ils faire des concessions ? J.-M.B. : On a appris à partager l’espace mais je ne veux pas de ghetto. Aujourd’hui, la forêt est accessible : on ne veut pas res- triction mais on peut faire des concessions. Càd :Vous êtes aussi critiqués pour les lâchers de petit gibier (il y en a peu dans le Doubs). J.-M.B. : Les lâchers doivent être moralisés pour qu’un faisan puisse par exemple s’adapter au milieu naturel. Quant à l’agrai- nage, il est là pour éviter que les gibiers détruisent les récoltes. Ce n’est en aucun cas du gavage. Càd : Votre président natio- nal Willy Schraen est ultra- présent dans lesmédias, n’est pas langue de bois. Vous le soutenez ? J.-M.B. : C’est une personne que je soutiens. Sa présence média- tique a remonté nos opposants mais il est un excellent défenseur de la chasse et de la ruralité. Càd : La chasse dans leDoubs ne va pas vers de beaux jours malgré son rôle de gestion des espèces, son rôle social et économique. J.-M.B. : Les jours seront diffi- ciles mais nous sommes sereins. Chasseurs, pêcheurs, cavaliers, possesseurs de parc animaliers, de cirque, tout le monde doit faire front, ensemble. n Propos recueillis par E.Ch.

C’ e st à dire : Depuis le 13 septembre, environ 7 500 chasseurs du Doubs ont fait leur retour dans les bois et prairies, un chiffre en légère baisse. Pour- quoi cette ouverture 2020 est- elle si différente des autres ? Jean-Maurice Boillon : Elle est déjà particulière en raison du Covid. Nos effectifs sont vieil- lissants : nous devons prendre

dum d’initiative partagée (R.I.P.) a été lancé le 2 juillet par un journaliste, et deux grands patrons français. Il prévoit l’interdiction de l’éle- vage intensif, en cage, de la chasse à courre et des chasses dites traditionnelles. Pour- quoi a-t-il autant de réso- nance dans vos rangs ? J.-M.B. : C’est soutenu par un public “bobo” qui confond le bien- être des animaux et l’équilibre

soin de nos aînés pour ne pas les exposer. Mais la vraie pro- blématique de fond concerne les attaques de nos opposants. Elles fusent de toute part : des ani- malistes, des anti-spécistes.Moi, je les appelle les “anti-tout”. On ne peut plus vivre dans nos cam- pagnes car ce n’est pas unique- ment la chasse qui est menacée, mais la ruralité.

dues au trafic routier ? Nous devons le faire savoir. Càd : La chasse peut paraître violente, non ?

“Aujourd’hui la chasse, demain la pêche, l’équitation…

Càd : Un projet de référen-

J.-M.B. : Personne n’a d’égard à tuer une mouche, personne ne veut la mort d’un chevrillard, mais la vie des uns se nourrit toujours de la mort des autres ! La mort d’un animal, ça trau- matise,mais elle doit être la plus propre possible. Avec ce R.I.P., ce sont les chasses traditionnelles puis les autres modes de chasse qui seront attaqués comme celle au chien courant. Aujourd’hui, on vise les chasseurs, demain ce sera les pêcheurs, les cavaliers parce qu’ils font mal aux che- vaux, les apiculteurs parce qu’ils spolient le travail des abeilles ! Càd : La chasse est-elle néces- saire ? Vos détracteurs disent que non. J.-M.B. : La chasse est nécessaire sinon il y aurait trop de dégâts dans les cultures, dégâts que les chasseurs indemnisent aux agri- culteurs. Quand j’entends que des personnes dans les milieux

Le président des chasseurs Jean-Maurice Boillon ici dans le hall de la Fédération, à Gonsans.

“Les chasseurs nous privent de la nature” Opinion

Association acquise à la cause animale, Humanimo est fermement opposée à la chasse et aux chasseurs pour des raisons d’éthique, de sécurité et de déséquilibre éco- logique. Entretien avec Virginie Vernay, présidente de l’association Humanimo.

V.V. : La chasse dérange beau- coup la population rurale. De plus en plus de personnes en ont assez de voir des chasseurs autour de leur village. Les chas- seurs nous privent de la nature. C’est aussi une question de sécu- rité. On déplore chaque année une vingtaine de décès dus à des accidents de chasse. De sep- tembre à février, on ne peut plus

revanche, on n’est beaucoup moins virulent qu’avec la chasse qui amène beaucoup plus de désagréments. Càd : Humanino s’est engagé dans le combat du Collectif Renard Doubs qui deman- dait son retrait de la liste des nuisibles ? V.V. : Oui, car cet animal a un

c’est plus compliqué. À cause de l’homme, l’espèce est devenue beaucoup plus prolixe. Càd : Que préconisez-vous pour réguler le sanglier ? V.V. : Nous disons qu’il faut remettre des prédateurs comme le lynx ou le loup. Càd : Cela suffira-t-il ? V.V. : Non, je pense qu’il faudra encore de l’intervention humaine avant de revenir à une situation normale qui permette une régulation naturelle. Càd : Le loup attaque aussi des troupeaux ovins notam- ment ? V.V. : J’ai interviewé beaucoup de bergers qui vivent en har- monie avec le loup. Il faut reve- nir à un élevage traditionnel à taille humaine, utiliser des chiens patous. Càd : La chasse n’est plus en phase avec les attentes de la société selon vous ?

C ’est à dire : Pourquoi êtes-vous contre la chasse ? Virginie Vernay : On estime que la chasse n’est plus accep- table au niveau éthique car c’est devenu un loisir alors qu’avant c’était un moyen de subsistance. Chasser pour son plaisir, c’est une pathologie et non un loisir bucolique. Càd : La chasse peut aussi être considérée comme un moyen de réguler les popu- lations de gibier, qu’en pen- sez-vous ? V.V. : L’abondance de gibier reflète un déséquilibre écolo- gique qui reflète une mauvaise gestion entraînant des prolifé- rations de certaines espèces. En

2019-2020, on dénombre 12 503 prélèvements tous gibiers confondus. C’est 12 503 vies. Cela nous parle. 92 000 san- gliers ont été abattus en France pour la même saison contre 800 000 au cours des vingt der- nières années. Il y a un gros problème de régulation. Plu- sieurs raisons expliquent ce dés- équilibre : les élevages privés, l’agrainage. Cette pratique encourage plus la reproduction qu’elle n’empêche les dégâts dans les champs de maïs. Les arbres qui fournissent les glands, ce sont les glandiers, devraient suffire à alimenter les sangliers. La régulation s’est toujours faite naturellement avant que l’homme s’en mêle. Pour le sanglier aujourd’hui,

impact très utile sur le campagnol. C’est l’allié des agriculteurs. Au niveau de la chasse, nous dénon- çons aussi ce qui se passe dans les dix éle- vages privés de san-

mettre un pied dans la nature sans se sen- tir agresser. Càd : La chasse est beaucoup moins mortelle que le V.T.T., par exemple ?

“Chasser pour son plaisir, c’est une pathologie.”

V.V. : Peut-être, mais le risque dans un sport extrême ou dan- gereux relève d’un choix per- sonnel et l’accident n’est pas causé par la maladresse mor- telle d’un tiers. Càd : Vous êtes aussi anti- pêche ? V.V. : Bien évidemment, on n’est pas favorable à la pêche. En

gliers du Doubs qui échappent à toutes réglementations. En tant qu’Humanimo, on critique aussi le traitement accordé aux chiens de chasse courants élevés en enclos, sans aucune caresse. Ces chiens sont dressés pour tuer. On pense que la chasse nous prive de la nature.

Càd : Humanimo compte

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