Journal C'est à dire 263 - Juin 2020
É V É N E M E N T
“Je crains beaucoup de rapatriements de frontaliers du Haut-Doubs” Politique
En première ligne sur le front de la crise économique qui se profile, la Région Bourgogne-Franche-Comté prépare un nouveau plan d’aide. Sa présidente Marie- Guite Dufay consacre l’intégralité de son emploi du temps à gérer l’après-crise sanitaire et la reprise - espérée - de l’économie régionale. Interview.
C’ est à dire : Com- ment personnel- lement avez-vous vécu cette période si particulière ? Marie-Guite Dufay : J’avoue que j’ai été sidérée, en état de choc. Je me revois le dimanche soir où je suivais les résultats des municipales pour toutes les communes de la région et le lundi matin, j’ai complètement oublié ce sujet pour passer à autre chose. Je n’ai plus pensé à rien d’autre pendant deux mois et demi. Je sentais bien dès le 16 mars qu’une urgence économique allait frapper à la porte de la région. On a tout de suite vu que sur ce plan-là, nous allions devoir être plus réactifs que jamais. Happée par ce sujet, j’en suis même arrivée à me demander ce que je faisais avant le 16 mars… Voilà mon état d’esprit depuis deux mois et demi où je passe mes journées en lien avec les entreprises, les acteurs socio-économiques, les élus territoriaux… Et par la force des choses, je n’ai plus bougé de Besançon alors que je suis sans cesse sur la route habi- tuellement. Càd : Après avoir géré l’ur- gence, déployé un plan d’aides aux petites entre- prises notamment, quelle est votre préoccupation ? M.-G.D. : Il faut désormais accompagner au plus près le rebond attendu, la relance. Je n’emploierai pas de grandes for- mules du genre “Il faut inventer le monde d’après” car il y a déjà une réalité immédiate à gérer : le tissu économique de notre région a été mis sous cloche et le chômage partiel couvert par l’État a été certes une vraie sécurité pour les entreprises, mais aussi un éteignoir de la réalité. Comment vont se passer les choses à partir de ce début juin ? C’est toute ma préoccu- pation. Càd : Estimez-vous que le plus compliqué est à venir ? M.-G.D. : Mon rôle est de me projeter et oui, je le pense. J’ai été par exemple une des pre- mières à sonner l’alerte sur la question de la formation, qui est essentielle. Elle doit être
considérée comme un levier pour sécuriser les parcours et c’est immédiatement qu’on doit commencer à travailler ce sujet essentiel. Parallèlement, nous travaillons désormais à la meil- leure manière de venir en aide aux petites entreprises pour qu’elles maintiennent la tête hors de l’eau. La reprise sera sans doute plus poussive que prévu. Il y a aussi la question de l’investissement massif à engager pour les P.M.E. de notre territoire. Problème : comment s’y prendre sachant que les finances de la Région sont prises dans un véritable étau ? Càd : Comment la crise pèse- t-elle justement sur les finances de la Région Bour- gogne-Franche-Comté ? M.-G.D. : Les Régions sont les collectivités territoriales les plus impactées par cette crise, simplement parce que jusqu’ici on était les mieux loties, grâce à une recette dynamique liée à la T.V.A., aux taxes sur le car- burant ou encore aux recettes sur les cartes grises. Depuis deux mois, ces recettes ont catastrophiquement diminué. Sur cette année 2020, la Région Bourgogne-Franche-Comté est en train de perdre 45 millions d’euros de recettes liées à la fis- calité. Et pour 2021, nous pré- voyons une perte de 125 mil- lions. Nous nous apprêtons donc à perdre 170 millions d’euros dans les 18 mois qui arrivent. C’est un effet ciseau dévastateur entre la hausse de nos dépenses et la baisse de nos recettes. Si bien que la capacité d’investis- sement de la Région, si l’État
Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, jusqu’en mars 2021, au moins.
ture régionale ? M.-G.D. : C’est un de mes grands sujets. Les habitudes alimentaires ont commencé à changer et cette prise de conscience s’est renforcée pen- dant cette crise. Manger local est non seulement bon pour l’en- vironnement, mais pour l’éco- nomie locale, le portefeuille, les paysages, les pâturages, etc. Je travaille à la création, j’espère d’ici l’année prochaine, d’un label régional pour la distribu- tion des produits locaux par la grande distribution. Certaines grandes surfaces - Super U, Intermarché et Leclerc par exemple - le font déjà. Il faut étendre ce concept à l’échelle régionale. C’est un de mes objec- tifs avant la fin du mandat. Càd : Cette crise aura-t-elle eu du bon dans la façon de travailler ? Le télé-travail est-il efficient, y compris pour les élus régionaux ? M.-G.D. : Le télé-travail était auparavant considéré comme un instrument de luxe, voire pas très sérieux. Il a prouvé son efficacité mais attention, il ne peut pas être généralisé partout
annoncé la création d’un fonds régional doté de 22 millions d’euros, abondé par les établissements publics de coopération intercommu- nale (E.P.C.I.) pour soutenir l’économie régionale. Où en est-on ? M.-G.D. : Nous sommes en train de le détricoter complè- tement pour en faire un nou- veau. Plusieurs raisons à cela : d’abord l’État nous l’a siphonné et n’acceptait pas que ces aides publiques soient consacrées à
voté à la prochaine assemblée régionale mi-juin. Càd : Quels sont les secteurs d’activité qui vous inquiètent le plus ? M.-G.D. : Concernant les petites entreprises du tourisme, je me fais beaucoup de souci. C’est sans doute un des secteurs les plus ravagés par cette crise. Dans l’industrie automobile, ce sera sans doute aussi très com- pliqué. L’horlogerie souffre éga- lement et je crains beaucoup de rapatriements de frontaliers du Haut-Doubs. Concernant les grands groupes, il y a aussi des inquiétudes. L’exemple-type, c’est General Electric à Belfort. On assiste là un véritable scan- dale, avec des méthodes de voyous de la part des dirigeants américains qui ont profité de la crise sanitaire pour déloca- liser des productions en Hongrie et aux États-Unis dans des régions moins touchées par le Covid. Dans le Nord Franche- Comté, il faut qu’on soit dans le coup d’après en préparant l’avènement de l’hydrogène.
et tout le temps. Il peut aussi créer d’autres tensions, notam- ment au sein des familles, et une forme d’isolement. Càd : Vous évoquiez la fin du mandat programmée en mars 2021. Pensez-vous déjà à la suite ? Serez-vous à nou- veau candidate ? M.-G.D. : Je commence à peine à me poser ces questions. Je n’ai pas de réponse à ce jour… Càd : Quelle autre leçon tirez-vous de cette crise ? M.-G.D. : On s’est aperçu depuis deux mois et demi que les Français se sont sans doute rendu compte qu’ils avaient besoin au quotidien de leurs élus locaux et que ces derniers ont un rôle essentiel. Dans ce cadre, la Région a toute sa légi- timité dans l’animation du ter- ritoire et de la concertation. C’est par ce genre d’événements qu’on nouera une vraie conscience territoriale à même de constituer un rempart par rapport à l’incertitude dans laquelle cette crise nous a plon- gés. n Propos recueillis par J.-F.H.
ne garantit pas les recettes des Régions, serait divisée par deux. On demande donc solennellement à l’État que les recettes des Régions
des lignes d’investis- sement alors qu’on est plus dans le fonc- tionnement. Ensuite, ce fonds touchait fina- lement peu d’entre- prises car la plupart
“La reprise sera sans doute plus poussive que prévu.”
ont eu recours au prêt garanti par l’État (P.G.E.) qui a connu un succès phénoménal. Les 300 entreprises qui avaient sollicité ce fonds seront bien évidem- ment soutenues, mais cette enveloppe de 22 millions sera mobilisée d’une autre façon. L’idée est d’être actif à partir de septembre au moment où les entreprises en auront le plus besoin. Ce nouveau plan sera
soient garanties à hauteur de ce qu’elles étaient en 2019. L’ob- jectif est capital : cela nous per- mettra d’emprunter de façon correcte pour accompagner le plan de relance prévu par l’État. Il ne faut pas perdre de vue que 70 % de l’investissement public en France sont assurés par les collectivités locales.
Càd : Un mot de l’agricul-
Càd : En avril, vous aviez
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