Journal C'est à dire 245 - Août 2018

É C O N O M I E

La chasse aux arrêts de travail abusifs est lancée La C.P.A.M. du Doubs dépense chaque année 66 millions d’euros en indemnités pour des arrêts de travail. Un chiffre en augmentation constante. L’assurance-maladie tire la sonnette d’alarme. Santé

“C’ est un sujet qui nous préoccupe. Il est temps d’arrêter de banaliser l’arrêt de travail” observe d’emblée Lilian Vachon, le directeur de la C.P.A.M. du Doubs, considéré parfois par ceux qui en bénéficient, ou par certains médecins peut-être, plus comme un simple acte administratif que ce qu’il devrait être systématiquement : une réponse thérapeutique à un sou-

ci de santé. Les chiffres préoccupent les autorités. En 2017, le volume des indemnités versées par la C.P.A.M. du Doubs pour les arrêts de travail a augmenté de + 8 %, après avoir déjà subi une hausse de + 5,4 % en 2016. Le début de l’année 2018 est à l’ave- nant : “Nous sommes déjà sur une hausse de + 8 % sur les six premiers mois de l’année. 41 000 assurés ont déjà été indemnisés en 2018, soit 17 % des salariés.

Pour la caisse, c’est une dépen- se de 66 millions d’euros” détaille Lilian Vachon. Les économies pourraient être faciles : si un médecin prescrivait un seul jour de moins à chaque salarié concerné, la C.P.A.M. du Doubs économiserait 630 000 euros. Bien sûr, la plus grande par- tie des dépenses concerne les arrêts de plus de 6 mois, dits de longue durée. “C’est 6 % des arrêts, mais 45 % des dépenses.” Sur ce point, la C.P.A.M. se montre également vigilante et estime que “quand les salariés se voient prescrire des arrêts de 6 mois et plus, il y a un risque sur deux que ces salariés ne reprennent jamais d’activité.” La C.P.A.M. du Doubs a donc décidé de passer à l’offensive en repérant ces médecins qui ont

Lilian Vachon,

président de la C.P.A.M. : “Après 45 jours, 1 arrêt sur 4 fait l’objet d’un avis défavo- rable de notre part et la reprise du travail est notifiée.”

qui leur rend service.” En géné- ral, ces médecins mettent en avant “les pressions qu’exercent les patients sur eux, ou qui sont parfois vindicatifs, ou encore le contexte socio-économique de

çonnant des arrêts de travail abusifs. “Il est arrivé que des employeurs nous envoient des photos de Facebook montrant un de leurs salariés en arrêt en train de faire du jet-ski à Ibi- za !” ajoute-t-elle. En 2016-2017, la C.P.A.M. du Doubs a signalé 181 cas dits “compliqués” et 123 médecins ont souhaité être accompagnés. Et d’ici la fin de l’année, 63 médecins du Doubs seront visi- tés par un délégué de la C.P.A.M., 29 devraient bénéfi- cier d’un entretien confraternel et 7 seront reçus en entretien d’alerte par le directeur de la C.P.A.M.

Sur l’année 2017, 3 400 lettres d’avertissement ont été envoyées à des salariés et 430 personnes se sont ainsi vues refuser l’in- demnisation totale. Si le paiement des indemnités journalières ne coûte “que” 66 millions d’euros sur le 1,3 mil- liard que verse chaque année la C.P.A.M. (en autres presta- tions style remboursement de consultations ou de médica- ments), la chasse aux économies est bien lancée. Car d’économies, il n’y en a pas de petites. Sala- riés et médecins sont préve- nus. n J.-F.H.

une pratique de pres- criptions “statistique- ment atypique” note Lilian Vachon dans un doux euphémisme pour ne pas employer le terme de “complai- sance.” “Une centaine

l’entreprise. Mais la prolongation d’un arrêt de travail n’est certai- nement pas la solution en cas de conflit avec l’employeur. Nous sommes aussi là pour conseiller les prati-

“Des photos Facebook d’un salarié

en jet-ski à Ibiza !”

ciens” ajoute Christiane Mou- rey, médecin-conseil en chef à la C.P.A.M. Parfois, ce sont d’ailleurs les employeurs qui sollicitent la C.P.A.M. en soup-

de médecins vont être accom- pagnés dans le Doubs. Notre rôle est de dire que maintenir des gens trop longuement en arrêt de travail n’est pas une solution

Christiane Mourey, médecin-conseil en chef à la C.P.A.M. du Doubs.

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