Journal C'est à dire 242 - Avril 2018

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D O S S I E R

Autiste, mon école pour grandir Secteur Pontarlier Faute de trouver une structure d’accueil adaptée à la prise en charge de Lili-Rose leur fille autiste, Éric et Alexandra Jougier se prennent au défi de créer une école spécifique adossée à leur maison. Un pari fou et un grand appel de fonds.

Alexandra et son mari Alexis Jougier, les parents de Lili-Rose veulent ouvrir une école dédiée à l’accueil des enfants autistes.

L es nuits sans sommeil c’est un peu, même sou- vent, le quotidien des parents d’enfants autistes. “Pendant quatre ans, j’ai été réveillée toutes les cinq à dix minutes, explique Alexan- dra Jougier en évoquant le sur- croît de disponibilité induit par la prise en charge de sa fille Lili- Rose qui a aujourd’hui 4 ans et demi. Son autisme a été dia- gnostiqué en février même si on se doutait de quelque chose.” À partir de là, les parents qui ont deux autres filles ont consulté en ligne tous les sites d’infor- mation sur l’autisme. C’est là qu’ils ont découvert la métho- de A.B.A., ou analyse appliquée du comportement. “On a com-

mencé à se familiariser avec cet- te technique très particulière basée sur l’apprentissage par imita- tion. Pour nous, A.B.A. a été un miracle en constatant les progrès de Lili-Rose. On a mis trois semaines pour lui apprendre à être propre alors que cela prend parfois des mois hors du cadre A.B.A.” Les parents sont accompagnés deux heures par semaine par Célia Monnier-Jeannerod, édu- catrice spécialisée qui s’est aus- si formée à la méthode A.B.A. Alexandra Jougier assiste sa fille quand cette dernière se rend à l’école communale de Montper- reux où ils résident. Pour autant, les parents déplorent le manque cruel de structures d’accueil

adaptées à l’autisme. D’où l’idée de résoudre le problème par eux- mêmes en créant une école réser- vée uniquement aux autistes de 2 à 20 ans. Un vrai challenge. “Célia Monnier-Jeannerod s’im- plique aussi dans le projet qui a

sine et aux autres pièces.” Tout le travail de l’équipe sera super- visé par une psychologue qui pourra au besoin ajuster les pro- tocoles. Plus qu’ailleurs, cette école repo- sera sur une forte implication des parents. “On s’engage à fond avec l’espoir d’ouvrir entre mars et septembre 2019.” Pour l’ins- tant, la priorité va à la récolte de fonds. Si la famille Jougier est prête à assumer l’investis- sement, elle n’a pas les moyens de supporter seule le fonction- nement d’une telle structure dont le montant avoisine 120 000 euros par an. Pas de quoi décourager les parents qui utilisent tous les moyens dispo-

nibles : lancement de souscrip- tion, recherche de sponsors, démarchage en direct. “On enre- gistre déjà de bons résultats par le biais de la page Facebook avec des dons qui arrivent de tous les continents, même si on est enco- re loin du compte.” Alexandra et son époux ne trou- vent même plus le temps de s’ap- pesantir sur leur sort. “Je man- ge autisme, je rêve autisme, je vis autisme. On se coupe de la socié- té, de la famille. Avec des enfants autistes, on apprend vite à rela- tiviser le côté matérialiste de l’existence. On se réjouit du moindre progrès de Lili-Rose. C’est l’essentiel.” n F.C.

Ils seront reçus 20 heures par semaine dans notre école. L’équi- pe pédagogique comprendra deux éducatrices et deux animatrices.” Première étape : construire l’éco- le adossée à la maison d’habi- tation de la famille Jougier. Si

l’Agence Régionale de Santé s’est montrée vivement intéressée, pas question pour autant d’escompter une aide financière. D’une sur- face de 55 m 2 , la clas- se sera aménagée et

pris la forme de l’as- sociation “Autiste, mon école pour grandir”. La structure sera en capa- cité d’accueillir 4 enfants autistes à temps plein sachant qu’ils res- teront aussi en inclu-

Objectif : ouvrir entre mars et septembre 2019.

adaptée à la méthode A.B.A. Elle communiquera avec des espaces de jeux extérieurs. “Notre mai- son sera à disposition complète de l’école pour accéder à la cui-

sion dans leur école respective. Ce qui libère aussi du temps d’ac- cueil pour d’autres enfants autistes. Aujourd’hui, on a au moins six candidats intéressés.

Arc-sous-Cicon Le Besongey, une ferme tournée vers le handicap Exploitation agricole qui s’est diversifiée en 1992 dans des activités de ferme-décou- verte à destination des touristes et des scolaires, le Besongey s’est peu à peu adapté aux besoins du public handicapé. Sans regret.

“La médiation animale permet d’aller très loin dans l’échange avec les personnes en situation de handicap”, note Sylvie Jeannin de la ferme pédagogique du Besongey.

J amais rassasiée de nouvelles expériences, Sylvie Jeannin a sui- vi en 2015 une forma- tion sur la médiation animale dispensée à l’institut Agatea situé à Colmar. “Cela m’a permis d’ajouter la pres- tation “Haut-Doubs câlins” au programme d’activités de la fer- me-découverte. Cette formation s’est déroulée sur trois semaines

a choisi de se concentrer sur le monde du handicap. “Une séance suit toujours le même protocole. On commence par fai- re connaissance avec les ani- maux : chien, chat, chèvre, poules. C’est l’étape du bonjour. On s’en- gage dans le choix de l’animal dont on va s’occuper. Puis vient la séquence de pleine activité : nourrissage, toilettage. On est alors au sommet de l’échange.

avec une approche théorique complétée par des stages pra- tiques en structures type E.H.P.A.D., foyer de vie, I.M.E., etc. On peut ensuite exercer de façon itinérante ou sur site com- me c’est mon cas.” Qu’entend- on par médiation animale ? Ce support d’activité qui repo- se sur des échanges avec les ani- maux de la ferme s’adresse à tous les publics. Sylvie Jeannin

tion animale, la ferme du Beson- gey a conforté son positionne- ment dans le paysage des struc- tures d’accueil adaptées au han- dicap. “On reçoit à la demi-jour- née des groupes venus de Gil- ley, Morteau, Pontarlier, Valdahon. D’autres se déplacent

la ferme pédagogique en 1992, il s’agit d’abord d’accueillir des touristes et quelques classes alentour pour des goûters ou des visites d’exploitation. “J’avais déjà envie de travailler avec les enfants” , note Sylvie Jeannin. Sans trop s’en douter, elle va mettre le pied dans l’en- grenage du handicap en répon- dant en 1994 à une demande de visite émanant de l’I.M.E. de Villeneuve-d’Amont. Elle l’ac- cepte, mais sa priorité est alors axée sur les scolaires. L’air du Besongey semble pro- fitable aux enfants handicapés. Les effets se propagent dans les instituts et foyers alentour. Tout le monde loue la qualité des transferts ou séjours dans la ferme-découverte. Une aubai- ne pour Sylvie Jeannin tout heu- reuse de s’investir au service du handicap. n

À la fin du repas ou de l’action, on se prépare à la séparation pour glisser vers l’ancrage qui correspond au moment de se dire au revoir. La séparation peut s’avérer difficile mais nécessai- re. Elle marque la fin de l’ac- tivité.”

Emballée par les résul- tats, Sylvie Jeannin veut encore aller plus loin. Elle vient d’enta- mer une formation Montessori où l’on res-

à la journée ou sur plu- sieurs jours.” Pour répondre à cette demande de séjours ou transfert, Sylvie et Daniel son époux ont

Chien, chat, chèvre, poules…

pecte le rythme d’apprentis- sage de chacun. “C’est passion- nant et l’on peut tout à fait appli- quer cette méthode en média- tion animale. J’accueille beau- coup de jeunes autistes. Sachant qu’ils ont besoin d’évoluer dans un cadre bien structuré, on est en train d’aménager une salle d’activité adéquate.” En jouant la carte de la média-

investi en 2010 dans un gîte de groupe conçu pour recevoir des personnes en situation de han- dicap. “Le gîte est disponible en gestion libre ou pas. Cette solu- tion d’hébergement a donné un nouvel élan à la ferme décou- verte.” Rien ne prédestinait pourtant le Besongey à suivre cette orien- tation. À la mise en place de

Chaque séance s’articule autour d’un

temps fort comme le nourrissage des bêtes.

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