Journal C'est à dire 239 - Janvier 2018

D O S S I E R

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Exportations horlogères Un certain vent d’optimisme Sans crier victoire, Jean-Daniel Pasche le président de la Fédération horlogè- re suisse dresse un bilan plutôt encourageant de l’année 2017 avec une reprise qui devrait se prolonger cette année. Analyse.

méthodes statistiques. Cela peut expliquer cette baisse aux États- Unis même si cela ne reste qu’une hypothèse. Toujours est- il que les États-Unis représen- tent toujours un gros marché” , avance Jean-Daniel Pasche. En Europe, la situation est contrastée. Le Royaume-Uni, effet Brexit oblige, se porte com- me un charme. “On sait que cela ne va pas durer. L’Italie, la Fran- ce et l’Allemagne qui avait souf- fert se reprennent peu à peu.” Qu’en est-il de l’impact du franc suisse qui a perdu de sa force face à l’euro et au dollar ? “Un euro vaut aujourd’hui 1,20 franc suisse. Nos prix redeviennent plus compétitifs et on ne va pas s’en plaindre.” Comme indiqué précédemment, tous les maillons de l’horloge- rie suisse ne sont pas logés à la même enseigne. Quelle que soit la branche d’activité indus- trielle, les petits et la sous-trai- tance sont toujours les plus exposés. C’est vrai aussi dans l’horlogerie. “On espère que ce retour à la croissance leur per- mettra d’aller mieux.” Sur le front de l’emploi, même s’il n’est pas le mieux placé pour évoquer le sujet, Jean-Daniel Pasche reste optimiste. “On a perdu des emplois en 2016. Il semble qu’on réengage dans l’horlogerie. Plus longtemps durera la croissance, plus il y aura du recrutement.” Pour 2018, l’espoir est de mise pour l’horlogerie comme pour l’éco- nomie suisse. n cants ne le savent même pas. Des marques, comme Chanel, ont pris le contre-pied et refu- sent catégoriquement de prendre le virage du web pour la commercialisation. Peut-être qu’elles n’ont pas tort au final. Càd : Revenons sur l’emploi, et notamment en France. Les sous-traitants sont-ils opti- mistes ? L.S. : Même s’ils n’aiment pas trop l’évoquer, des consultations reviennent et les affaires sem- blent meilleures aussi que l’an dernier. On peut penser que les le de l’environnement écono- mique global, c’est aussi peut- être l’occasion pour l’horloge- rie française et ses créateurs de se repositionner. La création française fait parler d’elle, et c’est bon signe. Il faut savoir aussi que les Japonais revien- nent également en force dans l’horlogerie. Le Japon ne doit plus être considéré comme un pays que technique. Il devient en matière d’horlogerie notam- ment un pays de raffinement et de création. Dans ce contex- te où la créativité est primor- diale, je pense que la France aura toujours sa place. n Propos recueillis par J.-F.H. marques ont remis sur le circuit de nouveaux modèles, d’où ces consultations pour nos sous-traitants locaux. Avec l’évolution actuel- F.C.

Q uand les prévisions se confirment, c’est ras- surant. “Il y a un an, on annonçait une sta- bilisation de la situation et ce scénario s’est réalisé mieux et plus vite que prévu” , apprécie Jean-Daniel Pasche. Sur les onze derniers mois, les statis- tiques montrent que les expor- tations horlogères ont progressé de 2,8 % en valeur pour un total exporté de 18,2 milliards de francs. “On se situe dans les chiffres de 2012 en rappelant que 2013 et 2014 étaient les années records. On dépasse

même le niveau de l’année 2008 longtemps considérée comme une année référence.” Difficile de ne pas être satisfait mais le président de l’associa- tion faîtière de la branche hor- logère ne tombe pas dans l’eu-

nir de la branche.” Si l’on analyse les exportations par matière sur l’année 2017, les métaux précieux qui avaient beaucoup souffert reprennent des couleurs comme les montres en or. “D’une manière générale, c’est le milieu et le haut de gamme qui ont le plus “performé” alors que l’en- trée de gamme, c’est-à-dire les montres dont la valeur est inférieure à 500 ou 600 euros, reste encore dans le rouge.” Le ralentissement de l’horlo- gerie suisse aux cours des trois dernières années s’explique par diverses raisons. D’abord l’écrou- lement du marché asiatique, Hong-Kong notamment où les lois anti-corruption ont fait du mal aux garde-temps suisses. La tendance s’est inversée en 2017 notamment à Hong-Kong. En novembre, ce qui reste le principal débouché a ainsi confirmé sa reprise (+ 4,4 %), affichant dès lors son huitième mois positif de l’année. “On observe aussi une forte reprise des exportations en Chine, soit + 20 % sur les 11 derniers mois. La Chine va bien. C’est proba- blement nos premiers clients si l’on tient compte qu’ils achètent aussi beaucoup de montres C’ est à dire : La fédération de l’horlogerie annonce une vraie reprise. Y voyez-vous des signes positifs pour l’éco- nomie locale ? Laurent Sage : Je reste très prudent. On a quand même un peu de mal à croire à une vraie reprise quand on voit qu’à Bâle, on nous annonce que le nombre d’exposants a été divisé par deux. Même si le concept de salon est certainement en train d’évoluer, ce n’est pas un bon signe en soi. À mon avis, l’hor- logerie est en pleine mutation, les codes changent et on assis- te à une nouvelle organisation de la filière. Oui, je pense que l’horlogerie va tout de même mieux que l’an dernier, mais pour autant, il convient de res- ter très prudent. Ce que les cadres de l’horlogerie confir- ment aussi, c’est que les fabri- cants sont en surcapacité de production. Ils sont des stocks de mouvements pour plusieurs

phorie car toutes les entreprises n’affichent malheureusement pas de tels résultats. “On note encore de fortes dispari-

“La Chine va bien.”

tés chez certaines marques et sous-traitants. On a quand même traversé deux années dif- ficiles. Aujourd’hui, on est confiant sur la suite et sur l’ave-

Évolution des principaux marchés en novembre 2017

Pays

Millions de

Variation

Part

francs suisses

“Avec 1 euro pour 1,20 franc suisse, nos prix sont plus compétitifs”, note Jean-Daniel Pasche, président de la Fédération horlogère suisse.

Hong-Kong États-Unis

259,7

4,40% 13,10%

196,8

-0,40% 10  %

Chine

162,7

39,80% 8,2  %

quand ils se déplacent en Euro- pe.” Les exportations sur les États-Unis tournent toujours au ralenti. Une tendance assez inhabituelle sachant que la montre suisse réagit à la conjoncture internationale. “Le

marché américain dépend de plus en plus du e-commerce, ce qui signifie que la tendance réelle ne provient plus des entre- prises mais des plateformes de vente en ligne qui ne sont pas prises en compte par nos

Royaume-Uni

126,9

-1,90% 6,4  %

Japon

124,1

22,50% 6,3  %

Italie

118,6

5,00% 6  %

Total 6 pays

988,9

9,10% 50  %

L’expert économie de la C.C.I. “La France aura toujours sa place dans l’horlogerie” Laurent Sage est le Directeur des Études Économiques et Territoriales à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Doubs. Selon lui, l’optimisme affiché par l’industrie horlogère suisse est tout de même à relativiser.

L.S. : Dans ce contexte, c’est compliqué d’y voir clair. On sait qu’il y a eu de la casse dans l’in- térim, notamment chez les sous- traitants, moins chez les marques. On sait aussi que Richemont a licencié, contrai- rement au Swatch Group qui a pris le parti de garder tout le monde malgré le ralentissement depuis deux ans. Il y a quelques autres indicateurs sur des sites d’emploi comme “Job watch” où il semble y avoir plus d’offres d’emploi que l’an der- nier, mais ce sont plus des offres liées au web et au data que des offres de techniciens en horlogerie. Càd : Le secteur horloger doit-il craindre l’essor des montres connectées ? L.S. : Les montres connectées n’inquiètent pas pour l’instant. Tag Heuer en a vendu à pei- ne 200 000 en un an et même Apple n’a pas cassé la baraque. Avec les montres connectées, on est sur un autre écosystè- me. L’impact le plus fort de la numérisation est à mon sens dans la distribution. Pour l’hor- logerie, c’est sans doute le vira- ge le plus dangereux. On peut retrouver des montres vendues sur Amazon alors que les fabri-

mois, voire plusieurs années.

Càd : Il ne faut pas se fier aux chiffres publiés par la fédération horlogère suisse ? L.S. : Les chiffres que la fédé- ration communique sont ceux des exportations de montres qui sortent de Suisse. Ces chiffres ne donnent aucune indi- cation précise sur les ventes réelles aux clients finaux. Et pas non plus sur les prix de ven- te. Prendre pour argent comp- tant les communiqués de la fédération suisse n’est sans dou- te pas correct. On sait que de manière générale, les prix de vente dans l’horlogerie ont bais- sé, c’est notamment l’effet des ventes sur Internet. Avec des sites de déstockage allemands comme Chrono 24 ou anglais comme Authentic watch. Et quand les fabricants ont du stock, forcément les prix bais- sent. C’est automatique. Les prix ont également baissé car ils avaient auparavant aug- menté de façon trop brutale. À mon avis, le risque de crash n’est pas totalement exclu. Càd : Sur le plan des embauches, et notamment de l’emploi frontalier, impos- sible donc de prévoir une reprise ?

“Les Japonais reviennent également en force.”

Pour Laurent Sage, dans un contexte qui évolue, “le risque de crash n’est pas

totalement exclu.” (photo L. Cheviet).

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