Journal C'est à dire 236 - Octobre 2017

D O S S I E R

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Vaufrey Bienvenue aux jardins biologiques Politique d’aide

Divergences sur l’évolution du soutien au bio Approuvée par la F.D.S.E.A., la décision de supprimer à partir de 2018 les aides au maintien de l’agriculture bio suscite la colère de la Confédération paysanne et des groupements de producteurs bio.

Depuis plus de 15 ans, Martine et Christian Gou- vier cultivent fruits et légumes dans leurs jardins bio- logiques de Vaufrey. Dans ce secteur très rural, ils ont été des précurseurs et ont dû beaucoup s’investir pour voir leur travail aujourd’hui reconnu.

Q uand ils se sont ins- tallés dans ce petit coin de vallée en surplomb du Doubs, sur une propriété des anciens châtelains du bourg, délimi- tée par un mur imposant, les époux Gouvier ont pour le moins intrigué : “Faire du bio sur un territoire où l’élevage laitier est roi n’était pas faci- le. On arrivait sur des terres jusqu’alors uniquement occu- pées par les vaches montbé- liardes” avouent-ils pudi- quement. Ces difficultés ne

L es crises agricoles combinées à l’appétit des consomma- teurs pour le bio, + 20 % en 2016, provoquent une vague de conversions sans précédent. Au point que les enveloppes s’avèrent insuffisantes. Le 20 septembre der- nier, le ministre a confirmé que l’État se désengageait des aides

leurs 4 hectares de terre tout en assurant la vente directe sur place et sur les marchés. Sur leur exploitation maraî- chère, on trouve des légumes, produits en plein champ, et d’autres sous abris, cultivés dans des serres-tunnels. Tomates, poivrons, aubergines, salades, potirons et potimar- rons… mais aussi fraises, framboises et autres fruits rouges, sans oublier les fleurs et plantes à massifs, géra- niums, pétunias, bégonias, sauge… À chaque saison,

6 % uniquement dédiés au bio. L’État se désengage en invitant les Régions à compenser. On sait très bien que les budgets des collecti- vités sont de plus en plus serrés.” Avis partagé par Pierre Chupin, l’un des trois co-présidents d’In- terbio Franche-Comté. “C’est scan- daleux de supprimer une aide pla-

Martine et Christian Gouvier ont su s’imposer sur un territoire où l’élevage laitier reste prédominant.

au maintien en concen- trant ses efforts sur l’ai- de à la conversion bio. Une position défendue par la F.D.S.E.A. et la chambre d’agriculture du Doubs. “Revendiquer des

fonnée à 5 000 euros par an alors que certains éle- veurs et céréaliers touchent parfois jusqu’à 120 000 euros du premier pilier.” Jean-Michel Bessot qui

pulvériser un désherbant. Un surcroît de travail certes, mais la certitude et aussi la fier- té de produire des fruits et légumes sains. “Nous avons d’ailleurs le label Écocert” , une reconnaissance pour ces passionnés qui accueillent leur clientèle sur leur exploi- tation mais vont aussi à sa rencontre le vendredi à Thié- bouhans de 14 heures à 17 heures puis à Sancey-le- Long jusqu’à 19 heures, et tous les samedis matin sur la place de Saint-Hippolyte. “On sent un changement dans les habitudes depuis quelques années. Notamment chez les plus jeunes qui veulent dans

leurs assiettes des aliments bons et naturels, pour eux et pour leurs enfants.” Cette prise de conscience va dans le sens du choix qu’ils ont eux-mêmes fait lors de leur installation. Leur seule inquiétude aujourd’hui est de voir disparaître le peu d’aides accordées par l’État aux agri- culteurs qui ont comme eux fait le choix du bio. Un non- sens qui ne les détourne pas pour autant de leurs convic- tions. Avec un dernier clin d’œil affiché ici dès l’entrée et qui résume leur état d’es- prit : “Ici, on cultive la bonne humeur. Mauvaise herbe, arrache-toi !” n

Les enveloppes s’avèrent insuffisantes.

les ont pourtant pas fait reculer dans leur projet de reconversion pro- fessionnelle à une époque pourtant

serres et jardins offrent une pro- duction diversifiée grâce aux bons soins des époux Gouvier. “Nous

préside la Confédération paysan- ne dans le Doubs s’interroge sur l’intérêt de maintenir les aides à la conversion sur cinq ans alors que la valorisation en bio est auto- risée au bout de la seconde année. Le porte-parole de la Conf’ dans le Doubs, Jérémie Colley craint que “les petites fermes soient enco- re les plus impactées. Il n’y a pas de raison que ce soit le bio qui trinque le plus. On risque de dis- suader des agriculteurs à passer en bio.” n

aides au maintien, c’est de mon point de vue personnel, un facteur de non-rémunération par le mar- ché. Je crois davantage à l’écono- mie par la construction de filière à valeur ajoutée” , explique Daniel Prieur, le président de la chambre d’agriculture 25-90. Vincent Guillemin du groupement régional d’agriculteurs biologiques estime que le transfert de 4,2 % du budget du premier pilier au second pilier est largement insuf- fisant. “Il aurait fallu au moins

Les mauvaises herbes arrachées à la main.

pas si lointaine où le bio n’était pas à la mode : “Nous sommes des épicuriens qui aimons les bons produits et nous avions envie de parta- ger ceux-ci” souligne Marti- ne. Ils se sont donc lancés et ont commencé à cultiver

n’utilisons évidemment aucun produit chimique et privilé- gions par exemple le purin d’orties ou de consoude. Quant aux mauvaises herbes, c’est à la main qu’elles sont arra- chées” insistent-ils. C’est évi- demment moins facile que de

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